Lorsqu'un enquêteur constate un fait ou recueille une plainte, il doit rechercher et identifier une ou plusieurs natures d'infraction correspondant au fait constaté, et indiquer le Code de procédure pénale (NATINF - nomenclature des NATures d'INFraction), qui caractérise le crime ou le délit. Cette caractérisation est déterminante pour la suite des investigations qu’il devra conduire, ainsi que pour la procédure. Un travail parfois fastidieux, qui oblige à compulser différents codes, ou à faire appel à un camarade, l’équivalent de l’appel à un ami d’une célèbre émission de télévision.

« Il y avait donc un réel besoin métier à créer un moteur de recherche pertinent, intégrant une Intelligence artificielle (I.A.), prenant en compte la sémantique de la langue française, afin de suggérer à l’enquêteur des natures d'infractions pertinentes à partir d'un court résumé des faits », décrit le chef d’escadron (CEN) Gaël de Léséleuc de Kérouara, chef du DataLab de l'Agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI).

Armé par des officiers et des sous-officiers de gendarmerie, mais aussi par des experts civils, ingénieurs ou doctorants, le DataLab fonctionne en mode start-up, avec des dizaines de projets en cours, comme un outil de retranscription automatique des auditions de mineurs victimes, actuellement expérimenté dans trois Maisons de protection des familles (MPF).

L’outil PredNatinf, projet piloté au niveau du DataLab par la capitaine Daphné Pertsekos, propose donc à l’enquêteur une liste d’infractions, triées par pertinence. « La décision reste au gendarme, qui confirme ce que propose l’algorithme, et, en bout de chaîne, au procureur bien sûr », précise le chef d’escadron (CEN) Guillaume Boucher, officier concepteur au Bureau des systèmes d'information opérationnels (BSIO) au moment du lancement du projet, et désormais commandant de la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) de Roanne.

Validé par le Directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), le prototype a été testé, à partir du 1^er février, par les gendarmes des CGD de Dreux et Aubagne, puis, à partir du 1^er septembre, par ceux de la CGD de Roanne. « Cet outil d’aide à la qualification présente un intérêt terrain évident, pour les jeunes gendarmes sortis d’école notamment, mais aussi pour les enquêteurs plus chevronnés, pour leur permettre de mieux qualifier, estime le CEN Boucher. Surtout, cela présente un intérêt pour la population, car l’outil permet au gendarme de mieux apprécier des situations parfois inconnues et difficiles, et donc d’apporter une meilleure réponse à l’usager. »

« L’existence d’un besoin a été validée par l’expérience du terrain, poursuit le CEN de Léséleuc de Kérouara. On voit que ça marche, et nous sommes donc passés à une deuxième phase, celle de l’industrialisation, avec l’intégration de l’algorithme à l’outil NATINF disponible sur les téléphones Néo. En parallèle, l’algorithme est actuellement décliné pour expérimenter d’autres cas d’usage. »

Prix de la transformation numérique et de la meilleure vidéo « Racontez votre projet en 80 secondes »

Jeudi 30 novembre dernier, dans le cadre du mois de l’innovation publique, lors d’une cérémonie présidée par le secrétaire général du ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer, Didier Martin, les porteurs de projets innovants du ministère ont été distingués. Parmi les projets primés, PredNatinf a été récompensé du Prix de la transformation numérique. Il a également remporté le prix de la meilleure vidéo du concours « Racontez votre projet en 80 secondes ».

Postées sur la chaîne Youtube du club MINNOV (le club ministériel de l'innovation), les vidéos ont été départagées en additionnant le plus grand nombre de vues et de likes. « Je tiens à mettre à l’honneur le maréchal des logis-chef Alexandre, de la Communauté de brigades (CoB) de Villerest (CGD de Roanne), pour ses talents d’acteur, souligne le CEN Boucher. Et finalement, cette victoire, nous la devons en grande partie à la mobilisation des Ligériens, qui sont fiers de leurs gendarmes et de leur département. »