Plongez le temps d’un exercice avec les techniciens en identification subaquatique

  • Par la capitaine Sophie Bernard
  • Publié le 24 mai 2021
© MININT/DICOM/F.BALSAMO

Accident d’aéronef ou de plongée, naufrage, recherche de personne disparue, il n’est pas rare que les réponses ne se trouvent pas sur terre, mais sous l’eau. Chaque année, le Centre national d’instruction nautique de la gendarmerie (CNING) forme des Techniciens en identification subaquatique (TIS) à collecter et préserver ces traces et indices indispensables à l’enquête.

Il est un peu plus de huit heures, lorsque les dix stagiaires du Centre national d’instruction nautique de la gendarmerie (CNING), accompagnés de leurs instructeurs, arrivent au lac de Sainte-Croix. Dans les profondeurs de l’eau turquoise, une épave d’aéronef va servir de prétexte pour leur premier exercice de synthèse.

Exercice grandeur nature

La formation des Techniciens en identification subaquatique (TIS) est l’une des plus longues et des plus exigeantes dispensées par le centre, avec six semaines d’instruction. « Les trois premières semaines ont été très intensives physiquement, avec de la plongée technique, de l’apnée, etc. La deuxième phase est davantage consacrée à la police judiciaire, à la préservation des traces et indices sous l’eau. À présent, nous entamons les exercices de synthèse, qui vont nous permettre de mettre en application ce que nous avons appris », décrit le stagiaire Marc, affecté à la brigade fluviale de Rouen.

Si tous ces stagiaires possèdent déjà la technicité d’enquêteurs subaquatiques, ils n’ont pas attendu d’être dans l’eau pour ressentir la pression, ce diplôme de TIS représentant un réel aboutissement dans leur parcours. « Cette formation nous rend beaucoup plus autonomes. Le TIS va pouvoir diriger l’équipe d’enquêteurs subaquatiques, faire les prélèvements, mais aussi plonger sous plafond, jusqu’à 50 mètres de profondeur », explique le stagiaire Rudy, affecté à la brigade nautique d’Aix-les-Bains.

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Les instructeurs ne tardent pas à mettre leurs disciples dans le bain : il y a eu un crash de Canadair dans le lac, avec trois personnes à bord. L’une a survécu, mais on est sans nouvelle du reste de l’équipage et il n’y a aucune explication concernant cet accident.

Un travail d’équipes

Pour cet exercice, le groupe est divisé en cinq équipes, comprenant chacune un binôme de stagiaires accompagné d’un instructeur. Chaque équipe a une mission précise, qui correspond à une étape obligatoire dans le déroulement des constatations. Si la mission n’est pas remplie, l’équipe suivante aura deux fois plus de travail sous l’eau !

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Le premier trio s’équipe, avec pas moins de 60 kg de matériel par plongeur, et part en embarcation rejoindre le lieu de l’accident. Ils vont devoir reconnaître les lieux et figer la scène en faisant des photos des points intéressants. A priori rien de très compliqué, mais c’est compter sans les différentes contraintes liées au milieu subaquatique. L’aéronef gisant à 32 mètres de profondeur, dans les eaux troubles, il y a un vrai manque de visibilité. Par ailleurs, l’eau étant à huit degrés à peine, le temps de plongée est réduit par mesure de sécurité, passant de 19 à 14 minutes. Les stagiaires ont ainsi juste le temps de faire le tour de l’aéronef pour observer les dégâts et constater la présence de deux corps, ainsi que de deux enregistreurs de vol.

À peine ont-ils remis le pied sur la terre ferme, qu’un instructeur se prête au jeu de rôle : le directeur d’enquête veut connaître la posture exacte des corps et qu’ils soient vite évacués pour l’autopsie, avant que des journalistes n’arrivent. Le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) pour la sécurité de l’aviation civile, lui, veut savoir quel est l’état de l’appareil et récupérer au plus vite les enregistreurs. Pour leur apporter davantage de visibilité sur la scène, la deuxième équipe part effectuer la photogrammétrie (mitraillage photo), servant à réaliser une modélisation en 3D.

La préservation des traces et indices

S’en suit, pour la troisième et la quatrième équipes, la phase délicate de remontée des corps. Les stagiaires doivent avant tout observer le corps en détail : prendre des photos si des blessures sont constatées et effectuer des prélèvements s’il y a des traces de sang. Ils opèrent également une fouille minutieuse des vêtements, pour récupérer d’éventuels objets. L’évacuation du corps hors de l’eau peut en effet l’abîmer ou détériorer des indices qu’il convient donc de préserver en amont.

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Toujours en moins d’un quart d’heure sous l’eau, l’équipe va ensuite devoir placer le corps dans un sac, envelopper le tout dans un filet et déclencher un ballon pour qu’il remonte à la surface, pendant que les stagiaires respectent leurs trois paliers de décompression. « La difficulté, c’est de gérer le volume du ballon pour remonter le corps assez lentement afin qu’il y ait un dégazage progressif et qu’il ne s’abîme pas », reconnaît Rudy.

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Une fois les deux corps remontés et observés en présence du médecin légiste, la dernière équipe part récupérer les deux enregistreurs de vol. Bien qu’ils soient en principe facilement détectables grâce à leur couleur rouge, le BEA fournit aux stagiaires un récepteur acoustique permettant de repérer leur balise au cas où ils ne seraient pas visibles. Mais les stagiaires trouvent sans mal les deux sésames et les remettent aux enquêteurs.

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Des partenaires de haut vol

Les exercices de synthèse sont l’occasion pour le CNING de faire intervenir des partenaires extérieurs et d’enrichir encore davantage la formation proposée. Cette année, pour la première fois, deux enquêteurs du BEA, arrivant directement du Bourget, ont été associés à l’exercice. Ils ont pu exprimer aux stagiaires leurs attentes sur ce type d’accident : connaître l’état précis de l’aéronef, récupérer des clichés des instruments de bord, connaître la position des corps et savoir, par exemple, si le pilote était encore harnaché, être informés de toute modification des lieux liée à l’intervention des TIS (par exemple, une manette déplacée pour évacuer un corps) et, enfin, récupérer les enregistreurs pour les envoyer au siège, où ils vont être séchés puis analysés. Ils ont également pu leur expliquer le fonctionnement du fameux récepteur acoustique que les plongeurs ne connaissaient pas. À l’inverse, les deux enquêteurs ont pu se rendre compte des difficultés que pouvaient rencontrer les TIS dans le cadre des constatations.

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La formation a également profité à un autre partenaire de choix : la police monégasque. Venus tout droit du rocher, un instructeur et un stagiaire ont été intégrés dans le stage. « Sur la base d’un accord, nos plongeurs sont formés au CNING depuis presque vingt ans. Nous sommes ainsi 17 plongeurs, dont 12 TIS, à Monaco. Ce partenariat nous permet de nous mettre à jour, chaque année, sur le matériel et les techniques d’investigations subaquatiques, qui évoluent très vite », constate l’agent monégasque Guillaume, instructeur encadrant.

Un accompagnement médical

D’autres acteurs sont obligatoirement de la partie : une équipe médicale spécialisée hyperbare, prête à intervenir en cas d’accident. Car les risques de barotraumatisme (problème physique lié à la variation de la pression) ou d’accident de décompression (formation de bulle d’azote que le corps ne parvient pas à éliminer) ne sont pas rares. Les soignants embarquent ainsi à tour de rôle avec les équipes, afin de pouvoir intervenir en urgence si besoin. Un caisson hyperbare a également été acheminé jusqu’au lieu de l’exercice. En cas d’accident, la victime pourra être placée jusqu’à six heures dans cette chambre de 5 m² pressurisée, où elle respirera de l’oxygène pur, permettant, dans ces conditions, de régénérer rapidement ses tissus.

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Fort heureusement, aucun accident n’est à déplorer durant l’exercice, qui se termine en milieu d’après-midi. L’adjudant Thierry, responsable du stage, est plutôt satisfait : « La mission est réussie. En tant que futurs chefs d’équipe, ils doivent veiller à être plus clairs dans leurs ordres. Ils ont également perdu du temps sous l’eau, n’ayant pas encore tous les réflexes. Mais ils vont encore pouvoir s’entraîner, avec d’autres exercices d’ampleur que nous leur réservons durant cette dernière semaine… » Juste le temps de reprendre sa respiration et c’est reparti !

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