Sur la route des vacances : la vigilance reste de mise sur le transport de marchandises

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 22 août 2020
© GND F. Garcia

Reliant le nord de la France et de l’Europe au pourtour méditerranéen, l’autoroute A7 est l’une des plus chargée de France tout au long de l’année, avec des pics de fréquentation en période de vacances. Dans ce flot incessant de véhicules, le transport routier, local, national et international, est conséquent et permanent. Face aux diverses infractions et fraudes, pouvant avoir une incidence en termes de concurrence déloyale, d’accidentologie, voire d’atteintes à l’environnement, le pool coordination des transports de l’escadron départemental de sécurité routière de la Drôme veille…

C’est un flot incessant de véhicules qui circulent chaque jour sur l’autoroute A7, parmi lesquels de très nombreux camions, dont le trafic est permanent tout au long de l’année.

Ce sont ainsi près de 16 000 poids lourds, français et étrangers, qui transitent par la vallée du Rhône, grâce à cet axe reliant le nord de la France et de l’Europe au pourtour méditerranéen. Et avec eux, tout un panel d'infractions et de fraudes possibles, pouvant avoir une incidence en termes de concurrence déloyale, d’accidentologie, voire d’atteintes à l’environnement…

Aussi, au sein de l’escadron départemental de sécurité routière de la Drôme, le pool coordination des transports, rattaché au Peloton d'autoroute (P.A.) de Valence, veille…

Cette matière spécifique et complexe compte peu de sachants. Le GND David et le GND Nicolas en sont les deux référents pour l’ensemble du département. Ils la maîtrisent sur le bout des doigts et se font fort d’en transmettre les bases à leurs camarades d’unité, afin qu’ils soient notamment en mesure de récupérer les données spécifiques lors d’un accident impliquant un camion.

« Nous sommes toujours à la disposition de notre unité ou d’autres services en cas d’accident grave ou de contrôle. Le plus souvent, nous intervenons en complément des camarades qui procèdent aux constatations sur les véhicules impliqués. On fait en sorte qu’ils soient en mesure de nous transmettre les données du chronotachygraphe, pour nous permettre ensuite de les analyser et de détecter d’éventuelles infractions à la législation sur les transports. Cela étant, au regard du flux important de camions, le ratio d’accidents impliquant ces mêmes poids lourds est faible sur notre tronçon d’autoroute », souligne le GND Nicolas.

Le gendarme Nicolas contrôle minutieusement les données fournies par le chronotachygraphe.

© GND F. Garcia

Un moyen de lutter contre la concurrence déloyale

Très régulièrement, quand ils ne sont pas affectés sur les autres missions de l'unité, les deux militaires partent en patrouille sur l'autoroute, ensemble ou accompagnés d'un camarade du P.A., à la recherche des poids lourds à l’origine d’infractions routières ou contrevenant à la réglementation européenne régissant les transports de marchandises.

Dans le flot de circulation de l’A7 ou postés en sortie d’aire de repos, les gendarmes observent les camions avec vigilance… Si certains contrôles peuvent être déclenchés par une infraction au Code de la route, comme le téléphone au volant, l’absence de ceinture, un dépassement interdit ou encore une conduite zigzagante, d’autres relèvent plus de l’expérience des gendarmes…

« En coordination des transports, 70 % de l'activité portent sur des contrôles de sociétés étrangères, afin de lutter contre une certaine concurrence déloyale par rapport aux sociétés françaises, généralement plus respectueuses de la réglementation, explique le GND Nicolas. On contrôle souvent les transports à température dirigée, c’est-à-dire les camions "frigo", plus à même de commettre des infractions à la vitesse. Ensuite, on sait par expérience quelles sociétés ou quels pays sont les plus susceptibles de contrevenir aux réglementations. Enfin, l'inspection de la cabine nous donne aussi des informations. S’il y a des bagages, de la nourriture et des bouteilles d'urine, que l’on sent souvent dès la prise de contact, cela signifie que le chauffeur ne prend pas le temps de s'arrêter. »

 

Le GND Nicolas imprime le "ticket vitesse", une synthèse des infractions liées aux dépassements de vitesse.

© GND F. Garcia

Excès de vitesse, non-respect des temps de repos, surcharges…

Ce 14 août, veille de jour férié, les camions sont nombreux sur l’axe. Ils anticipent l’interdiction de circulation qui va les concerner pour les deux prochains jours, sauf dérogations. Le GND Nicolas et son binôme sont donc en poste sur l’autoroute A7, où le pool effectue l’intégralité de ses contrôles. Un premier poids lourd est intercepté pour un usage du téléphone au volant, mais aucune autre infraction ne sera relevée. Le deuxième, un « frigo » espagnol, est contrôlé d’instinct, sans faute préalable. Il cumule trois infractions au repos journalier et au temps de conduite. Le chauffeur ira retirer de l’argent pour régler immédiatement les contraventions.

« Vitesse, non-respect des temps de repos et de conduite, ce sont des infractions récurrentes, de même que le non-respect des interdictions de circulation. Un chauffeur doit planifier son trajet et prendre connaissance des arrêtés et des décrets en vigueur dans les départements qu’il va traverser… », détaille le GND Nicolas.

Pesée d'un grumier, essieu par essieu, afin de connaître le poids de son chargement.

Pesée d'un grumier, essieu par essieu, afin de connaître le poids de son chargement.

© EDSR 26

Sans oublier les surcharges ! Début août, la patrouille a, par exemple, repéré un grumier circulant en dépit d’une interdiction touchant les convois exceptionnels de 1re catégorie (poids supérieur à 44 tonnes). L’ensemble était en train de dépasser un autre poids lourd, commettant ainsi une deuxième infraction, avant de se rabattre en apercevant les gendarmes, sans respecter les distances de sécurité. Il n’en fallait vraiment pas plus pour initier un contrôle poussé, comprenant la pesée de l’ensemble. Sur la « balance », un honorable 74,55 tonnes, au lieu des 48 tonnes autorisées sur ce tronçon par l’arrêté préfectoral de la Drôme réglementant le transport de bois rond. Une infraction facturée 90 euros par tranche d’une tonne supplémentaire, à laquelle s’ajoute un repos journalier réglementaire, soit une amende totale de 2 475 euros !

Sur le "ticket vitesse", le gendarme a repéré des excès de vitesse répétés.

Contrôle poussé

Tandis que la patrouille continue de scruter le flot de véhicules, l’un des gendarmes remarque un jeune enfant à bord d’un des camions, debout et donc vraisemblablement sans ceinture.

Comme pour chaque contrôle en lien avec la coordination des transports, les gendarmes pilotent le poids lourd jusqu’à l’EDSR, lequel se trouve idéalement situé au milieu du tronçon d’autoroute tombant sous sa juridiction.

Après avoir indiqué au chauffeur la raison première de l’interception, le GND Nicolas lui demande tous les documents afférents à son activité : permis de conduire, carte de qualification du conducteur, certificat de Formation initiale minimale obligatoire (FIMO), dont tous les chauffeurs doivent être titulaires et pour lequel ils doivent être recyclés tous les 5 ans, documents d'immatriculation du tracteur et, enfin, les documents relatifs au transport, comprenant la lettre de voiture, indiquant l’itinéraire et la nature du chargement pour les sociétés françaises, les autorisant à effectuer des transports de marchandises publiques, ou son équivalent international, la CMR… Autant de documents qu’il faut être habitué, et surtout formé, à décrypter…

Dans le même temps, au moyen d’une clé de téléchargement spécifique, le gendarme récupère les données du chronotachygraphe numérique (NDLR : certains vieux modèles fonctionnant encore avec un disque). L’opération prend un peu de temps, pendant lequel le GND Nicolas commence à étudier le « ticket de vitesse » qu’il vient d’imprimer depuis le chronotachygraphe. Sur cette synthèse des infractions liées aux dépassements de vitesse, il repère déjà plusieurs excès, dont un commis le jour même, à 118 km/h.

Sous les yeux du chauffeur, qui assiste au contrôle sur un écran déporté, s’affichent toutes les informations techniques et administratives liées au véhicule ainsi que celles liées au conducteur et à sa conduite.

© GND F. Garcia

Une fois les données téléchargées, il est temps de rentrer les analyser au moyen du logiciel Octet. Sous les yeux du chauffeur, qui assiste au contrôle sur un écran déporté, s’affichent toutes les informations techniques et administratives liées au véhicule ainsi que celles liées au conducteur et à sa conduite.

« Les données du chronotachygraphe permettent de remonter sur 28 jours d'activité. On sait qui a utilisé le chronotachygraphe, puisque certains camions roulent non-stop avec une rotation de chauffeurs, qui changent juste leur carte ; quel est l’itinéraire suivi, les changements de pays, qui doivent être renseignés par les chauffeurs, les mouvements du camion, les temps de repos, de conduite, de travail, autrement dit les temps de chargement et de déchargement, l’entretien... », précise le GND Nicolas.

Étudiant les chiffres, les courbes et autres informations, il note des incohérences correspondant à autant d’infractions.

Outre les excès de vitesse à répétition, l'analyse des données du chronotachygraphe montre plusieurs autres manquements, portant sur les amplitudes horaires et la conduite sans carte conducteur… Le chauffeur routier tente bien de trouver des excuses, mais sa connaissance approfondie de la matière permet au gendarme de vite les balayer… S'il se montre ferme, le militaire n'en est pas moins pédagogue, expliquant les dangers des excès de vitesse avec un poids lourd, particulièrement avec un enfant à bord, et conseillant également au conducteur de mieux planifier ses trajets afin de respecter les temps de conduite. Cette fois, le chauffeur écopera d’un non-port de la ceinture et de l’excès de vitesse du jour, tandis que son employeur en sera quitte pour deux non-respects des temps de conduite.

Les données extraites du chronotachygraphe montrent des infractions au temps de conduite.

© GND F. Garcia

Frauder pour rouler plus et plus vite

Quand ils ne se laissent pas entraîner par le poids de leur chargement en descente, comment font donc ces poids lourds pour atteindre ces vitesses ? « Sur les véhicules récents, il y a des dispositifs pour ne pas frauder, mais il y en a toujours pour trouver le moyen de les contourner, comme se mettre au point mort dans une descente, se désole le GND Nicolas. Il y a aussi la fraude à l'aimant sur les camions sortis entre 2006 et 2010. Posé sur le capteur de mouvements, il permet de simuler un temps de repos même en roulant. C’est une fraude passible de 3 500 euros d’amende et qui nécessite la dépose du dispositif et son remplacement par un équipement de nouvelle génération aux frais de la société. Ce sont plus généralement des transporteurs étrangers qui s’y risquent. Donc, si on contrôle un poids lourd à 111 km/h sur du plat, cela signifie qu’il ne peut pas être au point mort et que le chronotachygraphe est très certainement « au repos ». Cette pratique se fait au détriment de la fatigue du chauffeur, à son initiative ou sous la pression de son employeur. En outre, quand on sait que les pneumatiques d’un poids lourd sont conçus pour supporter une vitesse maximum de 120 km/h, tout ça en fait de vrais dangers publics. »

Atteintes à l’environnement

Une autre fraude a été mise en évidence ces dernières années par les spécialistes des Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Celle-ci concerne le dispositif anti-pollution, qui consiste à faire très régulièrement le plein d’AD Blue, un liquide permettant de dépolluer les moteurs diesel. Bien évidemment, cela a un coût pour les transporteurs, qui ont parfois recours, pour faire des économies, à un dispositif électronique qui désactive le système anti-pollution, suspendant ainsi la consommation d’AD Blue. Conséquence : une pollution 3 à 5 fois supérieure aux normes européennes. Une infraction passible d’une amende délictuelle de 7 500 euros, à laquelle s’ajoutent les frais de remise en conformité du véhicule.

« Les inspecteurs sont en mesure de détecter la présence d'un de ces dispositifs, que l’on peut se procurer très facilement sur Internet, souligne le GND Nicolas. Nous entretenons d’ailleurs des contacts réguliers avec la DREAL de Valence, ainsi qu’avec celles des autres départements, non seulement pour se former, mais aussi pour partager nos informations et se tenir au fait des nouvelles fraudes. »

Et le capitaine Éric Grasset, commandant l'EDSR de la Drôme, ne tarit pas d’éloges en ce qui concerne le travail de son pool coordination des transports : « Ils sont très performants. Ils ont une connaissance parfaite de leur matière et leur travail est reconnu par nos partenaires, comme la DREAL ou encore le parquet, qui saisit régulièrement l'EDSR de Valence au regard de la réelle plus value qu’il est en mesure d’apporter sur des fraudes particulières en matière de réglementation des transports routiers. »

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