Fleury Mérogis : enquête derrière les barreaux

  • Par l’aspirante Morgane Jardillier
  • Publié le 01 novembre 2016
Plus de 4500 personnes sont détenus à la Maison d’arrêt de Fleury Mérogis
© Sirpa Gend - MAJ F. Balsamo

À Fleury-Mérogis, un Bureau maison d’arrêt (BMA) a été expressément créé pour gérer uniquement les interventions liées à la plus grande Maison d’arrêt (M.A.) d’Europe.

Fleury-Mérogis. Derrière ce nom résonne le bruit sourd des gâches électriques refermant les lourdes portes métalliques. Des enfilades de portes se profilent. Des barreaux aux fenêtres, des miradors, des uniformes et des trousseaux de clefs se dessinent dans les esprits. Derrière ce nom, le ciel est grillagé d’acier et les murs de béton offrent un horizon très limité.

Modèle de prison à l’époque de sa construction, la Maison d’arrêt (M.A.) de Fleury-Mérogis est un monstre architectural doublé d’une véritable fourmilière humaine assurant la gestion de 4 500 détenus. Violences et menaces envers les personnels de l’établissement dépositaires de l’autorité publique, dégradations de biens publics, trafics de stupéfiants, outrages, apologies du terrorisme… derrière les murs d’enceinte de l’établissement pénitentiaire, les gendarmes mènent des enquêtes sensibles.

Découverte de stupéfiants

Affecté au BMA, l’adjudant Serge M. se rend cet après-midi-là dans l’une des tripales formant la maison d’arrêt. Il doit auditionner un détenu retrouvé en possession de stupéfiants à l’issue d’un parloir. « Les saisies sont quotidiennes les jours de visite », déplore le gradé en parcourant les 400 mètres séparant la brigade de la M.A. Devant le bâtiment, il accorde une attention particulière aux fenêtres : « Un projectile peut vite arriver. » Pour pénétrer en zone de détention, contrôle d’identité et passage sous les portiques de sécurité sont obligatoires pour le gendarme. Un surveillant accompagne le mis en cause jusque dans une salle réservée.

Audition d’un détenu à la maison d’arrêt

Pour faire entrer des objets illicites en prison, certains font preuve d’une grande ingéniosité. Lors de la fouille à la sortie du parloir, ce matin-là, le détenu a avoué au surveillant pénitentiaire avoir caché du cannabis sous ses parties intimes. Le visiteur susceptible de lui avoir transmis la marchandise a été immédiatement intercepté à sa sortie par les surveillants, puis entendu librement par les gendarmes. Stupéfiants ou téléphones, à l’issue d’un parloir ou dans une cellule, rien ne reste impuni. « Quoi que les surveillants découvrent, un compte rendu d’incident est réalisé puis remis à la gendarmerie et au parquet », précise l’adjudant-chef (ADC) Christophe S., gradé responsable du BMA.

Menaces envers le personnel dépositaire de l’autorité publique

Insultes, coups, menaces sur fond d’allusion au terrorisme, etc. La violence, tant physique que verbale, est devenue monnaie courante en détention. Pas une semaine ne s’écoule sans que l’un de ces faits soit commis. « En moyenne, 60 plaintes sont déposées chaque année pour atteintes commises sur un surveillant, sachant que tous ne prennent pas le temps de dénoncer ces actes... », déplore l’adjudant-chef. D’autant plus que depuis les attentats de 2015, les faits concernant l’apologie du terrorisme (inscriptions et graffitis) et les menaces faisant allusion aux groupes islamiques sont en recrudescence. « La plupart d’entre eux ne sont ni convertis, ni radicalisés et ne sont pas incarcérés pour des affaires liées au terrorisme. Il s’agit d’une manière d’impressionner. Mais au regard du contexte actuel, chaque fait est pris en considération », révèle le gradé du BMA.

Interception d’un visiteur susceptible d’avoir transmis du cannabis à un détenus lors d’un parloir.

Découverte de cadavre en milieu carcéral

Certains ne trouvent à l’enfermement, à la rupture des liens familiaux et sociaux qu’une issue : celle du suicide. La maison d’arrêt en dénombre une dizaine par an, en particulier en fin d’année. « Lorsque nous sommes alertés pour un suicide présumé, nous sommes engagés sur une découverte de cadavre avec une présomption d’affaire criminelle. C’est pourquoi les TIC, le procureur (ou son adjoint) et un médecin légiste sont dans l’obligation de se déplacer immédiatement sur les lieux », confie l’ADC S. L’officier de permanence, en lien avec le commandant de groupement, se rend également sur place au regard de la situation dite « sensible ». La recherche d’indices criminels permet aux magistrats de pouvoir statuer. Dans le même temps, les gendarmes du BMA procèdent à l’audition des surveillants.

« L’enquête est diligentée de manière à créer le moins de gêne possible dans le fonctionnement de l’administration pénitentiaire. Ainsi, les dépositions des surveillants sont recueillies, dans la mesure du possible, pendant leur temps de travail, sur un carnet de déclaration... à l’ancienne ! »

Prélèvements d’ADN

Autre mission et non des moindres : procéder aux prélèvements biologiques demandés dans 80 % des condamnations. « Les longues peines n’existent pas à Fleury-Mérogis. Les détenus restent quelques semaines voire plusieurs mois dans l’attente de la décision du juge avant d’aller purger leur peine ailleurs. La détention provisoire engendre un turnover : il y a 4 500 détenus mais 8 000 identités différentes à l’année, dont seulement 20 % ne nécessitent pas de prélèvement », précise l’ADJ. Les priorités opérationnelles associées à l’absence de personnels exclusivement dédiés à la maison d’arrêt avant la création du BMA avaient placé entre 3 000 et  3 500 réquisitions en attente. Depuis, ce nombre a été divisé par huit.

Audition des soit-transmis

À cela s’ajoutent les enquêtes transmises pour auditionner des détenus à la suite de la saisie d’une plainte recueillie par un autre service en métropole ou en outre-mer. « Étant donné le volume de détenus à Fleury-Mérogis, nous avons de grandes chances d’y trouver des individus recherchés pour d’autres affaires », indique l’ADC. Entre 800 et 1 000 soit-transmis nécessitent en janvier 2017 une audition. « Il n’est pas possible d’entendre 4 ou 5 détenus par jour. Il faut se fixer des priorités. Les nôtres sont, sans négliger les soit-transmis, de traiter les faits commis en flagrance au sein de la M.A. », conclut le sous-officier. Le téléphone sonne. L’administration pénitentiaire a une nouvelle fois découvert des stupéfiants à la sortie d’un parloir. Le quotidien du BMA...

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