Les deux vies de l’adjudant Michel, membre de l’équipe de France des Invictus
- Par Antoine Faure
- Publié le 15 avril 2022

Annulés en 2020 et 2021, en raison de la crise sanitaire, les cinquièmes Invictus Games se déroulent du 16 au 22 avril à La Haye, aux Pays-Bas. Rencontre à Fontainebleau avec l’adjudant Michel, l’un des trois gendarmes de l’équipe de France.
Invictus : en latin « Invaincu, dont on ne triomphe pas ». C’est le titre d’un poème écrit par William Henley en 1875 sur son lit d'hôpital, à la suite de son amputation du pied...
Au Centre national des sports de la Défense (CNSD), à Fontainebleau, ce mardi 12 avril, l’adjudant Michel transpire sur le rameur. Avec bientôt 58 ans au compteur, il est le doyen de la délégation qui représente la France aux cinquièmes Invictus Games, qui se déroulent du 16 au 22 avril à La Haye, aux Pays-Bas. Il est l’un des trois gendarmes engagés dans ces rencontres sportives qui réunissent 500 militaires blessés de 20 nations, avec le maréchal des logis-chef Nicolas et le gendarme Christophe (que Gend’Info avait rencontré l’an dernier lors d’un défi social RBS à l’école de gendarmerie de Châteaulin).
Je me suis dit : « C’est fini »
Michel a eu deux vies. « C’est quand on accepte cette réalité qu’on peut commencer à vivre la seconde », estime-t-il. Tout a basculé en juillet 2016. Alors affecté à la brigade motorisée de la gendarmerie de l’air de Bordeaux-Mérignac, il fait partie de l’escorte qui encadre la descente du système d’armes mis en place pour la bulle de sécurité du défilé du 14 juillet. Michel sécurise un rond-point à Bourges, puis une fois passée la colonne, remonte sur sa moto pour remettre la voie en circulation.
« Au moment de remonter, le premier véhicule remis en circulation a tourné sur la gauche, en oubliant ma présence. » Fauchée, la moto glisse sur la chaussée sur cinq mètres avant de percuter violemment un arbre. « Je revois parfaitement les images de l’accident, et notamment le moment où je vois arriver l’arbre. Je me suis dit : "C’est fini". J’ai été sauvé par ma sacoche réservoir, qui a évité que ma tête percute le tronc. »
Vivant, mais gravement touché. Sa jambe gauche est partie en équerre. « Tout était pété, de la rotule au pied. Je n’ai pas tout de suite pris conscience de la gravité de la blessure. A l’hôpital je voulais qu’on me répare tout de suite pour pouvoir remonter sur ma moto. » Il ne remontera pas sur sa moto.
Tout en noir
Michel est entré en gendarmerie en 1985, après une première expérience de 14 mois à Djibouti, comme fusilier commando. Après l’école de sous-officiers de Chaumont, il est affecté au Peloton d’autoroute de Bellegarde, où il sert pendant huit ans, puis à la brigade motorisée de la gendarmerie de l’air de Bordeaux-Mérignac, pendant 27 ans. « Mes principales missions étaient de prendre part aux escortes de véhicules hors gabarit, de transports sensibles au profit des unités de l’armée de l’air, ainsi que les escortes des hautes autorités militaires », décrit-il.
Lorsque l’accident survient, Michel a 52 ans. Il est déclaré inapte au service et obtient une dérogation à servir. « J’avais tout planifié pour ma fin de carrière. Je n’arrivais pas admettre que tout devenait impossible. Quand j’ai fini par réaliser, je suis tombé de très haut. Une véritable descente aux enfers. On ne peut plus aller sur le terrain, alors on se sent totalement inutile. Je n’avais plus aucune estime de moi. Les gens autour, la famille, les amis, essayaient de positiver, mais je ne voyais que le négatif. Tout en noir. »
Pour sortir de cette spirale infernale, Michel va trouver une porte, celle du sport. « C’est ma femme qui m’a parlé des stages de reconstruction Ad Victoriam (challenge sportif qui rassemble les blessés des armées, NDLR), raconte-t-il. Elle-même avait été victime d’une grave blessure, après une chute de cheval. Elle comprenait ce que je traversais, et cette épreuve nous a rapprochés, alors que malheureusement, dans bien des cas, la vie personnelle vole en éclats en même temps que la vie professionnelle. »
De quoi as-tu peur ? D’être pris ?
Un an après sa blessure, il participe donc à son premier stage Ad Victoriam. « Quand on m’a montré mon fauteuil pour le basket, j’ai demandé qu’on me laisse seul cinq minutes… J’avais déjà du mal avec le mot handicap, alors m’asseoir dans un fauteuil… Mais je ne pouvais pas me dégonfler et j’ai passé un bon moment. »
Il prend part à une saison complète, avec une activité différente chaque mois. « Chacune était comme une marche supplémentaire vers la sortie de cette spirale négative. Je pensais ne plus pouvoir le faire. Et en fait si, je pouvais, mais différemment. » Quand on lui propose de participer aux détections pour les Invictus, il rétorque : « Je ne vais quand même pas commencer une carrière de sportif de haut niveau à 55 ans ! » C’est sa femme qui va le pousser à franchir le pas. « Elle m’a dit : "De quoi as-tu peur ? D’être pris ?" »
Ne lâchez rien !
Et Michel est pris. Covid oblige, les Invictus sont annulés en 2020, puis en 2021. Trois ans après les détections, il va enfin pouvoir défendre les couleurs de la France lors des épreuves de tir à l’arc, rameur, rugby et basket fauteuil. « Je suis heureux d’y aller, pour moi d’abord, pour ma satisfaction personnelle, mais aussi pour tous mes camarades blessés que je vais représenter. C’est ma manière de leur dire : Ne lâchez rien ! »
Car Michel prend très à cœur le rôle d’ambassadeur qui échoit de fait aux Invictus. « Quand on est blessé, commence un parcours du combattant pour tout le volet administratif, les questions d’avancement… C’est très dur psychologiquement. J’avais tout de même 35 ans d’opérationnel, ce n’est pas rien. Mais je suis plus du genre à serrer les dents qu’à me plaindre. Dans mon malheur, j’ai eu la chance d’être proche de la retraite, sinon j’aurais été réformé, c’est certain. »
Au cours de cette seconde vie, l’adjudant Michel, aujourd’hui retraité de l’arme, a intégré le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM). « Cela m’a aussi aidé à me sentir à nouveau utile, à redonner du sens à mon existence », souligne-t-il. Il a ainsi pu formuler de nombreuses propositions pour améliorer l’accompagnement des blessés, notamment le principe d’un gendarme tuteur, sur la base du volontariat. « Je pense que c’est une bonne idée qu’il faudrait remettre à l’ordre du jour. Un militaire a besoin de savoir que si la blessure arrive, il ne sera pas seul dans cette épreuve. C’est aussi cela qui va lui permettre de s’engager sans retenue dans ses missions. »
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