Judo : l’ascension de la gendarme Silvia P.

  • Par Olivier Remy – L’esprit du judo
  • Publié le 23 mai 2021
© L’esprit du judo

Cet automne, la gendarme Silvia P., affectée au Peloton de surveillance et d'intervention gendarmerie (PSIG) de Cernay (68) sera la co-responsable de l’équipe de France lors des mondiaux militaires organisés à Brétigny-sur-Orge, sous l’égide du Centre national des sports de la Défense (CNSD) avec la Fédération française de judo. Une énergie aussi discrète qu’efficace pour un parcours inspirant.

Père ceinture noire, jeune fille au milieu d’une fratrie, choix à faire entre tatamis et bassins, l’histoire de Silvia est celle de débuts en judogi finalement assez ordinaires.

Pourtant, quelque chose chez elle a eu rapidement besoin de se révéler. À elle, aux autres, un peu de tout cela sans doute. D’abord en classe départementale de Fruges, dans le Pas-de-Calais, où elle habite alors. La jeune fille est bonne élève, mais surtout hyperactive. Plus de judo ? Plus de sport ? « Mes parents étaient d’accord, à la condition qu’il n’y ait plus de mot dans les carnets et que je sois au minimum à 14 de moyenne », resitue Silvia, qui entre en classe départementale, puis au lycée au pôle espoirs de Lille.

Elle remplira le contrat. Pas si facile à vivre pourtant. « Cela m’a permis de grandir, de m’ouvrir, mais c’est parfois compliqué à cet âge, on se sent en décalage entre ce que l’on vit la semaine et ce que vivent les autres, avec ces week-ends où il faut jongler entre famille, amis, lessives et devoirs. »

Bac S en poche à dix-sept ans, elle retourne vivre chez ses parents pour attaquer sa formation STAPS à Liévin. « Plus d’appartement, alors que j’étais indépendante depuis cinq ans, j’ai fait l’inverse de mes amis, s’amuse-t-elle, avant d’analyser ces années avec sensibilité. Je rêvais d’être championne, d’aller à l’INSEP, de montrer ce que je valais, de faire carrière dans le judo en somme. Mes parents, eux, me répétaient que l’on ne vivait pas du sport et que tout pouvait vite basculer. Ils m’ont donc poussée à continuer mes études. »

Une blessure au pôle fréquenté de 2004 à 2007 et la progression s’arrête. « Pire, tu régresses alors que les autres continuent de progresser. Au final, ce sont eux, les compagnons de pôle, devenus des frères – les Clémentine Louchez et les frères Czukiewycz – qui vont à Paris. Ce fut le passage le plus dur pour moi. Mais je ne pouvais pas rester là-dessus, je devais en faire quelque chose. Je crois que les pépins arrivent souvent pour une bonne raison. Sans cela, j’aurais peut-être mis les études de côté et je n’aurais jamais été championne du Monde non plus. Aller à Paris pour être numéro 3 ou 4 et jamais médaillée, ni même sélectionnée sur un grand championnat, en fournissant le même travail que les autres, j’ai échappé à cela finalement. Certains ne s’en remettent jamais vraiment. »

De gendarme adjoint volontaire à OPJ

Pour autant, elle compense : licence STAPS spécialité rééducation-réadaptation, DEJEPS Judo, avec lequel elle donne des cours dès l’âge de dix-huit ans, pompier volontaire… « Après ma licence, je ne voulais pas un métier plan-plan, mais quelque chose qui me surprenne tous les jours. J’ai enchaîné les petits contrats et cela me plaisait ; l’idée d’être tournée vers les autres aussi. »

De 2009 à 2014, ses semaines sont rythmées entre missions d’éducatrice sportive, cours de judo pour enfants et gardes de nuit à la caserne. Les week-ends ? Ils sont consacrés aux compétitions avec ses jeunes, aux siennes, aux gardes encore… « Finalement, à vingt-quatre ans, j’en ai eu marre du côté instable. » 2014, une troisième vie se profile. Elle devient alors gendarme adjoint volontaire. Sa voie, comme un déclic jusque sur le tatami. « Moi qui échouais toujours à rien aux interrégions, j’accède enfin aux 1re div’. C’est aussi là que je découvre que l’on peut continuer le judo avec l’équipe de France militaire. Honnêtement, j’ai vécu ce que je pensais ne plus pouvoir éprouver en termes d’émotion. Pouvoir représenter la France sur le tatami… Tout d’un coup, ce monde devenu inaccessible m’a fait retrouver du plaisir et de la confiance. »

2015 marquera son passage en école de sous-officiers, 2016 ses premiers pas en brigade à Nancy, avant une nouvelle révélation, en 2018. « Je me suis portée volontaire pour être plastron au Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG), c’est-à-dire partenaire pour les tests de combat au sol notamment. Me voilà Uke, une opportunité de montrer ce que je valais. » Elle est repérée, franchit le pas, arrive en poste en unité d’intervention près de Mulhouse. Un parcours déjà solide complété, il y a quelques mois, par une formation pour devenir Officier de police judiciaire (OPJ).

Trente-et-un ans, jeune maman de Céléna, Silvia vient aussi de prendre la responsabilité de l’équipe de France militaires. Le commandant Nicolas Ferré, en charge des équipes de France militaires, définit les contours d’une mission, où la jeune femme sera là aussi attendue. « Nos équipes ont des objectifs de performance. Le judo fait partie des trois sports les plus pourvoyeurs de médailles. Il est aussi exemplaire dans le lien armée-nation que nous développons. » Dans la continuité de ce qui a été mis en place par le major Fabrice Guilley, président de la ligue de l’Essonne depuis près de vingt ans.

« Ne jamais sous-estimer l’autre »

« Je prends la suite, mais il va continuer à accompagner l’équipe et à apporter son expérience, comme le capitaine Erwan Lebrun, confirme Silvia, par ailleurs licenciée au JC Wittenheim. Poursuivre avec eux était d’ailleurs "la" condition. Concrètement, c’est du temps supplémentaire pris sur mon temps personnel, de l’organisation, de la confiance à obtenir de ma hiérarchie… Ma motivation ? Rendre ce qu’on m’a donné. »

Guide pour le groupe qui a cartonné aux mondiaux militaires 2018 à Rio, autour de Clarisse Agbegnenou, la Nordiste, qui intervient également auprès des blessés de la Défense, démontre bien plus de détermination que son visage poupon ne veut bien laisser paraître.

« Analyser les intentions de l’adversaire, le regard, l’attitude, la gestuelle, avoir cette capacité d’adaptation et de prise d’initiative… tout cela, c’est judo »

« La France doit rayonner, être exemplaire et protéger ses valeurs. Silvia incarne tout cela grâce à son parcours et son rapport aux autres », tranche Erwan Lebrun, chef du département des blessés militaires et sport. « Analyser les intentions de l’adversaire, le regard, l’attitude, la gestuelle, avoir cette capacité d’adaptation et de prise d’initiative… Tout cela, c’est le judo et on le retrouve clairement dans les interventions du quotidien. On apprend surtout à ne pas sous-estimer l’autre, jamais », glisse-t-elle au moment de conclure, un brin espiègle.

Rendez-vous fin octobre !

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