Grand Chelem pour l’adjudant-chef Jean-Luc, intendant du XV de France

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 02 avril 2022
Jean-Luc, entouré à sa droite de Mathieu Brauge, team manager, et à sa gauche de William Servat, co-entraineur.
Jean-Luc, entouré à sa droite de Mathieu Brauge, team manager, et à sa gauche de William Servat, co-entraineur.

Recruté en 2020 par la Fédération française de rugby, et détaché par la gendarmerie lors des compétitions internationales, l’adjudant-chef Jean-Luc, de la brigade de recherches d’Auch, a su se rendre indispensable comme intendant d’une équipe qui vient de réaliser le Grand Chelem lors du Tournoi des Six Nations, et qui vise désormais la première victoire du rugby français en coupe du Monde.

Allez, avouons le d’emblée, nombreux sont ceux qui auraient rêvé de prendre part à cette aventure hors du commun. De faire partie de cette équipe et de ce staff, qui ont si brillamment réalisé le Grand Chelem lors du dernier Tournoi des Six Nations ; d’être sur la pelouse à Cardiff, le 11 mars, au moment du coup de sifflet libérateur, à l’issue d’un combat de tous les instants ; de célébrer, dans les vestiaires du Stade de France, le 19 mars, cette cinquième levée glanée au nez et à la barbe de nos meilleurs ennemis anglais ; et, bien sûr, de vivre la nuit qui suivit, pour une troisième mi-temps qu’on imagine mémorable… sauf pour ceux qui auront du mal à se souvenir de tout. Bref, nombreux sont ceux qui auraient aimé être à la place de l’adjudant-chef Jean-Luc. « Je vis un rêve de gosse », reconnaît-il volontiers.

Jean-Luc, à droite, avec les autres Gersois du XV de France, dont le capitaine Antoine Dupont, au centre avec le trophée du Tournoi des Six Nations.

Jean-Luc, à droite, avec les autres Gersois du XV de France, dont le capitaine Antoine Dupont, au centre avec le trophée du Tournoi des Six Nations.

Avant de devenir l’intendant du XV de France, Jean-Luc a donc été, et est toujours, gendarme. Il est entré en 1993, lors de son service national. Après avoir passé son concours de sous-officier, il est affecté en 1996 à l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 24/2 de Bayonne. Sa toute première mission sera la sécurisation de la résidence de François Mitterrand, à Latche, juste après le décès de l’ancien président de la République. En 2001, il rejoint la brigade territoriale d’Eauze, dans le Gers, où il passe l’examen d’OPJ (Officier de Police Judiciaire). Il est affecté, depuis 2009, à la Brigade de recherches (B.R.) d’Auch. Mais la gendarmerie n’est pas la seule à colorer sa vie en bleu.

Ça envoyait du bois niveau discipline !

Joueur de rugby depuis son plus jeune âge, Jean-Luc a évolué dans de nombreux clubs, dont Tarbes, Albi ou Miélan, « comme troisième ligne centre, puis comme talonneur et, enfin, comme pilier droit, au fur et à mesure de la prise d’années et de poids ! » Sur les traces de son père, qui jouait en équipe nationale militaire, il intègre l’équipe de France de la gendarmerie, où il pousse en mêlée jusqu’en 2008, moment où il prend sa retraite sportive.

Cinq ans plus tard, Gilles Soirat, alors sélectionneur des équipes de France de la gendarmerie et interarmées, le sollicite pour s’occuper de l’intendance, de la recherche de sponsors et du volet administratif. Lors de la coupe du Monde 2019 au Japon, les militaires français terminent à la troisième place, après une mémorable petite finale contre les Blacks néo-zélandais, en partie disputée sans poteaux, à la suite du passage d’un typhon ! Jean-Luc ne le sait pas encore, mais la Fédération française de rugby l’a à l’œil pendant cette compétition…

En janvier 2020, le XV de France cherche un sparring-partner pour un match à haute intensité lors d’un stage à Nice. Les militaires s’y collent. Le staff de l’équipe de France en profite pour superviser Jean-Luc, et le contacte quelques mois plus tard pour lui proposer le poste d’intendant. « Au début, je pensais que c’était une blague. Quand on m’appelait à ce sujet, je répondais « très drôle »… Franchement, je ne pensais pas que c’était possible. Ils m’ont dit qu’ils m’avaient choisi parce qu’ils avaient remarqué que ça envoyait du bois niveau discipline ! Ils cherchaient à la fois la rigueur militaire et la discrétion. »

Il a toujours une longueur d’avance

Jean-Luc rencontre Mathieu Brauge, team manager du XV de France, au centre d’entraînement de Marcoussis, puis Raphaël Ibanez, le manager général, et, enfin, le sélectionneur Fabien Galthié, lors d’un déjeuner avec le premier cercle. William Servat, co-entraîneur, en fait partie. « On avait besoin de quelqu’un de très organisé et de fiable, explique ce dernier. Jean-Luc nous facilite énormément le travail. Il a toujours une longueur d’avance. On sait qu’on peut compter sur lui pour régler tous les détails qui peuvent perturber une préparation. Cela nous permet de nous concentrer uniquement sur le rugby, et cela n’a pas toujours été le cas par le passé. C’est un travail de l’ombre, mais nous savons l’importance qu’il a au sein du groupe. Je peux le dire au nom du staff : nous avons beaucoup de chance que la gendarmerie l’ait autorisé à nous rejoindre. »

Jean-Luc avec William Servat et le trophée tant convoité du Tournoi des Six Nations.

Jean-Luc avec William Servat et le trophée tant convoité du Tournoi des Six Nations.

La direction générale de la gendarmerie nationale a effectivement accepté que Jean-Luc soit détaché à chaque fois que le XV de France a besoin de lui. « C’est-à-dire environ deux mois pour le Tournoi des Six Nations, un mois pour la tournée d’été, et un mois pour la tournée d’automne », détaille l’adjudant-chef. « Il véhicule une grande et belle image de la gendarmerie, insiste William Servat. Au-delà de ses qualités organisationnelles, il y a cette passion qui l’anime et les fortes valeurs humaines qu’il possède. Tous les joueurs l’ont adopté. » Jean-Luc s’amuse de cette complicité : « J’essaye d’en recruter certains, notamment Matthieu Jalibert, qui aime beaucoup les émissions d’enquêtes ! »

Je me dis que je vais me réveiller

Dans le groupe France, Jean-Luc s’occupe de toute l’intendance d’avant-match : la mise en place des entraînements, la préparation du vestiaire, des tenues des joueurs, pour le terrain comme pour les réceptions. Pendant les matches, il ne chôme pas non plus, toujours à l’affût, si un maillot est déchiré, si un joueur a besoin d’un casque, ou d’une autre paire de crampons… « J’arrive à profiter de l’instant, mais pas complètement », reconnaît ce perfectionniste.

Lors de ce tournoi 2022, il n’a finalement connu qu’une seule grande frayeur : « Je ne connaissais pas l’ambiance de Cardiff et j’en rêvais. Juste avant le match, j’ai été contrôlé positif au COVID. J’étais au fond du seau. Heureusement, le deuxième et le troisième tests se sont révélés négatifs et j’ai finalement pu être sur le terrain. Une ambiance de dingue, je n’avais jamais connu ça. » À en croire William Servat, c’était aussi une grande inquiétude pour le staff. « Je le dis sans exagérer : le seul qui soit irremplaçable, c’est Jean-Luc. Les autres membres du staff peuvent se suppléer les uns aux autres, mais ce qu’il fait, il est le seul à savoir le faire. »

« Parfois, je me dis que je vais me réveiller, souffle Jean-Luc. Je suis un privilégié et je remercie la gendarmerie de me permettre de vivre ces émotions, particulièrement Gilles Soirat, car c’est grâce à lui que cette aventure a pu commencer, et c’est lui qui m’a emmené, depuis 2013, à ce niveau d’exigence qui correspond à celui du XV de France. Je tiens aussi à remercier ma hiérarchie, qui a validé ce détachement, ainsi que le colonel Jean-Christophe Sansonnet et le major Patrick Carpentier, qui ont pris en charge la partie administrative, sans oublier mes camarades de la B.R. d’Auch, qui me soulagent au niveau de mon travail. Cette aventure, je la vis grâce à eux. »

Le premier engagement de Jean-Luc avec les Bleus courait jusqu’au Tournoi des Six Nations 2021. Désormais, il a dans le viseur une coupe du Monde, en France, en 2023. En rugby, on ne change jamais une équipe qui gagne.

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