Le psychologue clinicien en gendarmerie (2/5) : une pratique au plus près des gendarmes
- Par par la lieutenante Sophie Klein
- Publié le 05 février 2021
Pour la lieutenante Sophie Klein, psychologue au sein de la gendarmerie, il est important de « désacraliser le métier ». Pour elle, cela passe par une adaptation de sa pratique professionnelle au fonctionnement institutionnel. Un bouleversement qui nécessite de sortir de sa zone de confort, en s’immergeant au sein des unités, voire d’exercices opérationnels… toujours au plus proche des gendarmes.
« Ah, c’est vous la psy ! »
« Oui, tout à fait ! Pourquoi ? Vous vous attendiez à un stéréotype en particulier ? »
« Ben… Je m’attendais à accueillir à l’unité… un homme, un plus vieux que vous… avec des lunettes. »
« Si je puis me permettre Chef, Freud est mort il y a plus de 70 ans ».
Tel est le souvenir de ma première visite d’unité lors de mon premier mois d’affectation.
Les étiquettes prédéfinies sont loin de faciliter les échanges avec les militaires
Forte d’une histoire, de valeurs et de traditions de plus de 200 ans, la gendarmerie a dû se moderniser. Outre acquérir des formations et du matériel en adéquation avec le service, la hiérarchie institutionnelle a dû s’intéresser à d’autres problématiques, comme la préservation de la santé psychique de son personnel.
Pour faire face aux réalités du terrain, les militaires usent de stratégies d’ajustement, comme le recours à l’humour noir pour dédramatiser une intervention ou la pratique régulière de sport pour décompresser.
Une autre stratégie soulevée par de nombreux gendarmes est le soutien moral puisé dans l’Institution. Pour les militaires, les camarades sont les plus enclins à entendre et comprendre leurs maux, parce qu’ils sont confrontés aux mêmes réalités opérationnelles.
Le psychologue clinicien, aujourd’hui présent au sein de chaque région, propose son aide et son écoute. Il accompagne le militaire dans l’expression de ses émotions, l’aide à mettre du sens sur ce qui fait souffrance. Mais pour arriver à faire parler les gendarmes, il doit avoir leur confiance.
En gendarmerie, dans l’imaginaire du collectif, demander le concours du psychologue clinicien, c’est faire preuve de faiblesse, désavouer sa militarité et renvoyer à ses pairs l’image du gendarme qui n’a plus la légitimité d’endosser son uniforme.
Au cours de mes visites au sein des unités, je me suis rendu compte des représentations qu’ont la plupart des gendarmes sur notre profession. Le psychologue, c’est celui qui reçoit dans son bureau, analyse, détecte les faiblesses, diagnostique, c’est celui qui pourrait délivrer des inaptitudes. Ces étiquettes prédéfinies sont loin de faciliter les échanges avec les militaires.
Bouleverser sa pratique pour l’adapter au fonctionnement institutionnel
Pour que la fonction de clinicien puisse être désacralisée, il faut que le psychologue accepte de bouleverser sa pratique pour l’adapter au fonctionnement institutionnel. En sortant de ma zone de confort (que représente mon bureau), j'accepte une clinique peu ordinaire. Celle d’un échange plus familier provoqué par mon intégration au sein des unités et ma participation aux exercices opérationnels. Cela peut donner lieu à des entretiens assez cocasses mais cliniquement très riches, comme évoquer une intervention sensible en haut du toit d’un immeuble en attendant la mise en place du dispositif de descente en rappel pour un exercice d’effraction quelques étages plus bas, échanger avec un militaire au cours d’un exercice de rétablissement de l’ordre, couverte d’un masque à gaz, conclure un débriefing collectif par la participation à un match de football, assister, à 23 heures, dans un centre commercial, à un exercice opérationnel et débriefer à l’issue le ressenti des militaires, ou encore écouter, lors d’une patrouille en bateau, un militaire évoquer ses stratégies d’adaptation pour faire face à l’inattendu.
Démystifier la fonction et s’imprégner des codes de chaque spécialité
Hors de son bureau de consultation, le psychologue clinicien n’est plus considéré comme le « spécialiste » qui est systématiquement dans l’analyse clinique. Il est accueilli et intégré au sein du groupe comme un militaire en acculturation. Les échanges sont facilités, les bras se décroisent, les visages se détendent, l’hypervigilance s’estompe pour aborder les ressentis.
Par ces rencontres sur des espaces et des lieux inattendus, le psychologue clinicien se détache de la notion de gestion de crise qui lui est souvent associée. Sa présence dans le quotidien des unités permet de démystifier sa fonction mais aussi, pour lui, de s’imprégner des codes et des dialectes propres à chaque spécialité. Cette connaissance du terrain facilite nos interventions post-événementielles lorsqu’elles sont nécessaires.
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