Julien, gendarme de haute montagne et maître de chien : la passion chevillée au corps

  • Par Hélène THIN
  • Publié le 27 février 2024
Un gendarme se tient accroupi, un genou posé à terre, sur le sol enneigé. Il tient au collier de sa main droite un berger belge malinois, assis contre sa jambe gauche. L'homme porte une veste bleue portant sur la poitrine la mention PGHM Savoie et un écussion en haut de la manche droite sur lequel on aperçoit un chien. Derrière eux, on distingue des véhicules blancs floutés.
© SIRPA-G / BRC Frédéric ARRIGHI

Gendarme spécialisé dans le secours à la personne en montagne, le maréchal des logis-chef Julien est également maître de chien. Affecté au Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Bourg-Saint-Maurice, en Savoie, il intervient, été comme hiver, au service de la population. Dans le cadre de ces missions de secours en milieu périlleux, il fait équipe avec Sully, un berger belge malinois, formé à la recherche de victime d’avalanche.

« J’exerce un métier-passion, et n’en changerais pour rien au monde ! », déclare d’emblée le maréchal des logis-chef (MDC) Julien, maître de chien affecté au Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Bourg-Saint-Maurice, en Savoie. Né à Auxerre, dans l’Yonne, il y a trente ans, il se découvre dès l’enfance une véritable passion pour la montagne, à l’occasion de vacances dans les Alpes. Fasciné par l’hélicoptère survolant les massifs, il se fait alors la promesse d’être un jour à son bord. « L’attrait pour l’hélico, le secours en montagne et l’envie prégnante de devenir militaire m’ont conduit ici. Faire de la montagne mon métier, tel est l’objectif que je me suis fixé dès mon plus jeune âge. » Un but dont jamais il ne déviera.

C’est à l’âge de vingt ans qu’il intègre les rangs de la gendarmerie, et fait ses premières armes au Peloton de surveillance et d’intervention (PSIG) de Mouthe, dans le Doubs, en tant que Gendarme adjoint volontaire (GAV). Trois ans plus tard, il rejoint le Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Modane, en Savoie. Un département qu’il ne quittera plus. Il devient alors suppléant maître de chien, avant de prendre la direction de Chambéry, où il est affecté à l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM), en qualité de sous-officier.

Changement de cap

2021 est une année charnière. En septembre, il entre au Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG) de Gramat, dans le Lot. C’est ici que sont formés, depuis près de quatre-vingt ans, les maîtres de chien de la gendarmerie nationale. Après avoir fait acte de volontariat auprès de leur hiérarchie, les militaires doivent satisfaire aux examens de sélection : épreuve physique éliminatoire et tests psychotechniques. Outre une motivation inébranlable pour la conduite d’un chien, les sous-officiers doivent avoir exercé deux ans a minima au sein d’une unité traditionnelle.

Une fois sélectionnés, les militaires suivent un programme intensif d’une durée de quatorze semaines. C’est à Gramat que maîtres et chiens sont présentés, lors de la traditionnelle « cérémonie du mariage ». Julien fera ainsi équipe avec Sully, un jeune berger belge malinois né au printemps 2020. À Gramat, le binôme obtient sa validation « piste ». Une technique qui permet au chien, sous la conduite du maître, de retrouver une personne grâce aux empreintes olfactives que cette dernière a laissées dans l’environnement. Pour Julien et Sully, la formation se poursuit l’année suivante au sein du Centre national d'entraînement à l'alpinisme et au ski (CNEAS) des Compagnies républicaines de sécurité (CRS), à Chamonix-Mont-Blanc (74), afin de se spécialiser dans la recherche de victime d’avalanche.
Les maîtres de chien de haute montagne doivent également avoir réussi la formation montagne (diplôme de qualification technique montagne) délivrée par le Centre national d'instruction de ski et d'alpinisme de la gendarmerie (CNISAG), et détenir le Brevet de spécialiste montagne (BSM).

Un jeune gendarme se tient debout face à l'objectif. Il porte un gilet de montagne bleu marine, porté sur un vêtement bleu moyen. Il porte une sacoche en bandoulière que l'on devine, ainsi que l'antenne d'une radio.  Il porte une barbe brune, des lunettes de ski violettes ainsi q'un bonnet gris avec des liserets rouge et blanc, sur lequel est inscrit Savoie mont-Blanc.  On devine également le manche bleu de la pelle qu'il porte dans le dos, dépassant au-dessus de son épaule droite. Il neige légèrement. La barge et le bonnet reretiennent quelques flocons. A l'extrémité gauche de l'image, on devine un homme de dos, portant également un vêtement de neige bleu moyen, tourné vers le gendarme. L'arrière plan est tout blanc, sans aspérité et légèrement flouté.
© SIRPA-G / BRC Frédéric ARRIGHI

Un binôme fusionnel

« Les débuts n’ont pas été simples », confie Julien. Comme de nombreux maîtres de chien, le  militaire doit composer avec l’histoire et le tempérament de l’animal. Après avoir été récupéré par une fourrière, puis placé à l’adoption auprès de la SPA, Sully peine à faire confiance. L’adaptation et la sociabilisation du malinois requièrent par conséquent énergie, temps et détermination. Il s’agit, en outre, pour le jeune gendarme, de son premier chien de travail. C’est donc tout un apprentissage, pour l’animal comme pour le maître. « Il m’a fallu faire preuve de douceur pour que Sully m’accorde toute sa confiance, mais également tenir les rênes, et parfois serrer les vis, afin qu’il me considère comme le chef de meute. C’est là un point essentiel, garant de la bonne conduite opérationnelle des missions sur lesquelles nous sommes engagés au quotidien. » Un investissement et un savoir-faire qui porteront leurs fruits. « Aujourd’hui, Sully est transformé. C’est un chien équilibré, sociable et parfaitement épanoui, avec lequel je travaille en symbiose. J’ai pleine confiance dans ses capacités et dans son engagement. Depuis Gramat, nous avons parcouru ensemble un sacré bout de chemin », poursuit-il.

Un berger belge malinois se tient assis dans la neige. Il regarde devant lui. Il porte un collier bleu relié à une laisse qui disparait derrière un monticule de neige, mais que l'on devine. Devant lui, on disntingue une pelle bleue floutée. Et derrière, le bas d'un anorak bleu.
© SIRPA-G / BRC Frédéric ARRIGHI

Le domaine d’intervention du duo couvre toute la Tarentaise, une vallée étroite et encaissée, où se concentrent plusieurs grands domaines skiables, parmi les plus célèbres au monde (les 3 Vallées, Tignes / Val-d’Isère…), soit plus de 1 700 kilomètres de pistes au total. C’est donc un site de choix pour les amateurs de glisse, particulièrement prisé par les skieurs hors piste.
Le PGHM de Bourg-Saint-Maurice, unité d’affectation de Julien et Sully, compte deux maîtres de chien. À tour de rôle, les équipes cynophiles participent aux permanences de secours en montagne, basées à Courchevel. C’est d’ici que décolle l’hélicoptère du Service aérien français (SAF), armé les semaines paires par les secouristes du PGHM, et par ceux des CRS les semaines impaires.

Mission première : sauver des vies

En raison du niveau d’enneigement du département, la recherche de victime d’avalanche constitue le cœur de métier pour les gendarmes secouristes de Savoie. Un travail difficile, nécessitant exigence, engagement et technicité. « Notre mission première consiste à sauver des vies. Le risque fait partie intégrante du métier », indique Julien.
Lorsque survient une avalanche, les équipes cynophiles sont à chaque fois primo-engagées sur les lieux, bien que la plupart des skieurs hors-piste soient désormais munis d’équipements modernes, permettant leur localisation (détecteur de victime d’avalanche ou réflecteur RECCO). Engagé depuis une cinquantaine d’années à l’appui de nombreuses missions de secours en montagne, le chien demeure un acteur incontournable, ayant démontré son efficacité et sa fiabilité.

C’est en hélicoptère que s’effectuent ces missions de sauvetage, dès lors que les conditions météorologiques le permettent. Dès réception de l’alerte, Julien et Sully embarquent à bord de l’appareil aux côtés des autres membres de l’équipage : pilote, mécanicien, médecin et autre(s) secouriste(s). À partir de cet instant, le temps est compté, les chances de survie d’une victime ensevelie sous la neige étant quasiment nulles au-delà de vingt-cinq minutes.
Et Julien de relater le déroulement d’une intervention : « La première étape est celle du repérage depuis l’hélicoptère. Seul maître de chien à bord, c’est à moi que revient le travail de cartographie de la zone. J’ai pour objectif d’obtenir une vision globale du périmètre de l’avalanche, afin de cibler les espaces où j’interviendrai en priorité. Après avoir repéré le dépôt de l’avalanche, ainsi que d’éventuels indices de surface (matériel, gants...), j’identifie les endroits où les victimes sont potentiellement bloquées (contre un rocher, par exemple). J’élabore ensuite une stratégie de recherche, qui déterminera l’endroit précis où l’hélicoptère me posera, au plus près de l’emplacement supposé des victimes. Une fois au sol, Sully et moi entamons l’exploration de la zone. Se joue alors une phase cruciale. Pleinement concentré sur l’objectif, en osmose avec le chien, je fais abstraction de tout paramètre extérieur. Au fil de la manœuvre, je rends compte de l’avancement des recherches au chef de caravane, secouriste chargé de la coordination des opérations, avec lequel je suis relié par contact radio. Tout au long de l’opération, le malinois s’aide du vent qui véhicule l’odeur des victimes ensevelies sous le manteau neigeux. C’est un facteur déterminant, qui conditionne le mouvement de progression de l’animal. Aussi dois-je positionner Sully face au vent, afin que son nez capte au mieux les odeurs. C’est au son de la voix que je le guide durant toute la recherche. La parfaite connaissance du chien et de ses capacités, ainsi qu’une juste lecture de ses réactions, sont fondamentales. Lorsque Sully détecte la présence d’une personne sous la neige, il s’immobilise, puis gratte le sol avec ses pattes. Il est par la suite récompensé avec un jouet en tissu. Le but est d’associer l’odeur humaine au jeu, afin de conserver intacte la motivation de l’animal. »

Zones peu accessibles, intempéries ou brouillard épais peuvent compliquer les opérations. Afin de maintenir sa condition opérationnelle, et d’améliorer sa performance, le binôme s’entraîne tout au long de l’année. « Ce métier exige une préparation intense. Nous réalisons ainsi toutes sortes d’exercices, tels que l’hélitreuillage. Une manœuvre qui présente une difficulté pour l’animal, alors suspendu dans les airs, et attaché au maître par son harnais. Se jeter dans le vide n’a rien d’évident pour un chien, dont l’instinct le pousse à fouler le sol », complète Julien.
Le binôme est en outre soumis, chaque année, à une évaluation technique obligatoire, réalisée par le CNEAS, à Chamonix-Mont-Blanc.
Avec l’arrivée des beaux jours, et l’afflux des estivants, Julien et Sully restent fidèles au poste, prêts à s’engager pour porter secours à la population.

Sur une montagne enneigée, on voit une jeune homme vêtu d'une tenue de ski, équipé d'une pelle bleue, d'un gros sac à dos noir et de lunettes de ski blanches, précédé par un chien dont le museau est dirigé vers le sol.
© D.R.

Bien plus qu’un simple métier

« Ce métier implique un renouvellement permanent. J’apprends chaque jour auprès de Sully, observe Julien. Nous formons une équipe. Lorsque le chien rencontre une difficulté, il est essentiel de se remettre en question, pour trouver les clés qui lui permettront d’avancer. C’est là l’une des richesses de la relation avec l’animal. »
Outre ses facultés d’adaptation et de remise en cause, la fonction requiert une très grande disponibilité. « Donner du temps sans compter, cela fait partie du contrat ! », estime Julien, également père de deux jeunes enfants.
« Engagement, technicité, mais aussi partage, cohésion, passion et humanité », c’est ainsi qu’il résume son métier.
Lorsqu’il parvient à s’échapper, il peine à s’éloigner des sommets, auxquels il voue un attachement sans faille. « Mon regard a besoin de se poser sur un relief, glisse-t-il. Ma passion pour la montagne n’a cessé de se renforcer au fil du temps. » Il s’adonne ainsi à divers sports de montagne, notamment l’escalade, dont il est amateur.
Quant à Sully, considéré comme un membre à part entière du PGHM de Bourg-Saint-Maurice, quelques années le séparent encore de la retraite. « L’objectif est de l’emmener gentiment à la retraite, et de le voir ensuite rejoindre la maison, pour profiter d’un repos bien mérité en famille, après sept à huit ans d’intense activité », conclut le militaire.

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