Héros du quotidien : Maryline, une réserviste de la gendarmerie au cœur de l’attaque d’Annecy

  • Par lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 16 février 2024
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Le 8 juin 2023, sur l’esplanade du Pâquier, à Annecy (Haute-Savoie), un homme attaque violemment au couteau plusieurs personnes. Parmi les victimes, deux enfants de 22 et 24 mois sont très gravement blessés. Grâce au courage de la brigadière-cheffe de réserve Maryline, ils pourront être sauvés.

Pour Maryline, assistante maternelle depuis plus de 13 ans et réserviste au sein de la gendarmerie depuis trois ans, accompagner les nourrissons dans leurs premières années de vie est une évidence. Alors, ce 8 juin 2023, lorsqu’elle se retrouve face à deux enfants de 22 et 24 mois gravement blessés lors d’une attaque au couteau, elle ne va pas hésiter. Grâce à des gestes précis, une expertise tirée notamment de son expérience en réserve opérationnelle et un sang-froid admirable, elle va leur sauver la vie.

Face à l’assaillant

C’est un jeudi qui s’annonce comme beaucoup d'autres à Annecy, sous les meilleurs augures ! En ce début juin, alors que le soleil monte dans le ciel, laissant présager d’une belle journée d’été, Maryline, 41 ans, assistante maternelle, décide d’emmener les trois enfants dont elle a la charge à la plage. Prenant la route du lac, elle arrive sur l’esplanade, où elle décide d’entrer dans le square pour laisser les enfants jouer avant que le soleil ne monte trop haut dans le ciel. Alors qu’elle est encore sur son vélo, dans le virage qui mène à la petite allée du parc, elle entend hurler. « À ce moment-là, je n’arrive pas à identifier si c’est une dame, si c’est un jeu, si ce sont des animaux… Il n’y a pas de mot, elle criait tout simplement. » C’est en s’approchant qu’elle découvre la scène. Un homme avec un couteau s’en prend aux passants. Sans en saisir tous les enjeux, Maryline comprend rapidement que quelque chose de grave est en train d’arriver. « Je ne m’arrête pas. Je sais que je ne peux pas m’arrêter sans nous mettre en danger, les bébés qui sont avec moi et moi-même. Du coup, je prends les informations visuelles que je peux, et dans ma tête, j’ai déjà le plan visuel qui est fait. Je sais qu’il faut appeler les collègues. Je suis détachée au CORG depuis deux mois, donc je sais quoi leur dire. » Au même moment, sur l’esplanade bordant le lac, elle assiste impuissante au coup de couteau donné par l’assaillant à Youssef, un homme de 78 ans assis sur un banc et venu profiter du soleil matinal.

« J’ai peur que les enfants lâchent les armes avant que les secours n'arrivent »

Après seulement quelques minutes, des motards de la police nationale arrivent et foncent vers l’individu pour le maîtriser. Comprenant que la situation ne présente plus de danger, Maryline repart alors en arrière avec son vélo, toujours chargé des trois petits, pour porter secours aux blessés. Après avoir constaté des plaies superficielles sur Youssef et l’avoir rassuré, elle se rend immédiatement au chevet d’une vieille dame qui crie et qu’elle croit blessée. Lorsqu’elle arrive à sa hauteur, c’est une situation bien différente qu’elle découvre. « J’arrive dans le parc avec le vélo, puisque j’ai toujours les trois petits avec moi que je ne peux pas lâcher, et je me rends compte qu’il y a deux nourrissons, deux bébés de même pas deux ans, dans une poussette double, face à face, avec les yeux révulsés, qui râlent, qui sont touchés. Il y a du sang sur les bodies blanc. À côté de moi, un monsieur me dit, “il faut les mettre en PLS”, et donc là, direct, je lui réponds que non, que là, il faut les mettre au sol et comprimer les plaies qui saignent. Je prends alors le petit garçon avec moi et le monsieur s’occupe de la petite fille. »

Durant vingt minutes, Maryline exerce ainsi un point de compression sur les plaies du petit garçon, tout en donnant des instructions à son voisin pour prendre en compte la petite fille, consciente, mais mal en point. Voyant qu’elle commence à perdre son petit patient et alors qu’il sombre dans l’inconscience, la brigadière-cheffe de réserve va aller jusqu’à lui mordre le bras pour le réveiller. Un geste qui va permettre à l’enfant de revenir à lui. « Je n’ai pas trop de sentiments à ce moment-là, je sais que le garçon et la petite fille sont conscients. Je sais en tout cas qu’il est réactif à la voix au début et ensuite, quand je lui mords le bras, je sais qu’il est encore avec moi. Il râle, il respire, mais je ne peux pas enlever mes mains et je trouve le temps long. Vraiment ! En même temps, je vois la mamie qui est à côté, qui crie, qui crie et que je mets à l’écart et à qui je dis : “je suis désolée, c’est affreux, c’est horrible ce que je vais vous demander, mais il faut vraiment vous éloigner.” Tout ça s’entremêle, se mélange et on est impatients, on trouve le temps long et on est démunis, parce qu’on ne peut pas faire plus que ça. Et j’ai peur que le temps passe trop vite et que les enfants lâchent les armes avant que les secours n'arrivent. »

Après une attente qui lui paraît interminable, les secours vont enfin arriver sur place, prévenus par l’un des policiers municipaux que Maryline, le voyant passer, a envoyé chercher de l’aide. « Je me souviens qu’il y a un pompier qui arrive sur ma gauche et qui me demande : “Tu veux que je prenne la relève ?” et je lui dis oui avec plaisir. Là, il arrive avec ses gants, ses compresses… Parce que moi, je n'avais rien. J’arrivais pour aller à la plage, j’étais en tongs. Il a mis ses mains sur les miennes et j’ai pu me lever et je me suis éloignée un peu sans regarder la scène. » Immédiatement, Maryline se rend au côté de la grand-mère des deux petits, rejointe entre-temps par son mari. Elle va les rassurer et leur dire à quel point leurs petits sont courageux, que ça va aller, qu’ils sont entre de bonnes mains. Elle va ensuite reprendre son vélo avec les trois enfants à l’intérieur et rentrer chez elle. Ce jour-là, il n’y aura pas de plage.

Un stress post-traumatique

C’est une fois chez elle que Maryline va prendre conscience des événements qu’elle vient de vivre. « Une heure après, j’ai des collègues qui commencent à appeler pour avoir le descriptif de l’assaillant, pour avoir plein de choses pour l’enquête. C’est là, en racontant tout, que je commence à pleurer et que je relâche la pression. Ensuite, il y a la famille qui appelle, les amis qui demandent si tout va bien. Il y a eu les médias, la rencontre avec Emmanuel Macron, qui remet dans l’action, la commémoration, l’hommage, etc. Donc on reste dans le stress, en alerte. Il a fallu attendre encore une semaine avant que ça ne se calme. Au début, et pendant cette semaine-là, je n’ai pas dormi de la nuit à cause du stress, du stress post-traumatique. Le cerveau travaillait encore, je me refaisais la scène. Et puis on ne savait pas si les enfants allaient survivre. À ce moment-là, on n’est pas sûr que ce soit réellement arrivé, notre cerveau ne veut pas l’encaisser. Je me refaisais le film en revalidant tout, en validant mon action, tout ce que j’avais fait. » C’est lorsqu’elle apprend que les deux enfants sont sortis d'affaire, que Maryline va enfin pouvoir s’apaiser.

« On protège, on alerte, on secourt ! »

Ces réflexes et ces automatismes, qui ont permis à Maryline d’agir extrêmement rapidement et efficacement, que ce soit au début de l’événement, lorsqu’elle prévient les passants de l’attaque en cours, à la justesse des informations transmises lorsqu’elle appelle le 17, au sauvetage du petit garçon et aux conseils donnés pour porter secours à la petite fille, la jeune femme les doit à son pragmatisme et à son bon sens naturel, mais également aux compétences et aux formations développées dans le cadre de son métier d’assistante maternelle et de son engagement de réserviste opérationnelle. « Je suis contente d’avoir suivi ces formations, contente d’être arrivée là où je suis aujourd’hui, contente d’avoir pris la décision de devenir réserviste, d’avoir pu grâce à ça agir, de ne pas être restée hébétée, de ne pas m’être enfuie. Je suis plus que contente aussi que les enfants soient sortis d’affaire. Et effectivement, j’ai beau refaire le film, je n'aurais pas pu faire plus, car j’avais moi-même trois enfants avec moi. Je n’aurais pas eu les enfants, j’aurais tenu ma casquette de gendarme réserviste, je serais allée au combat. Là, je ne pouvais pas faire plus, ce n’était pas possible, il fallait que je les mette en sécurité. On protège, on alerte, on secourt ! »

Ce vendredi 16 février, sur la place d’arme de la caserne de la région de gendarmerie Auvergne-Rhône-Alpes, à Sathonay-Camp (69), Maryline sera décorée pour son courage et sa bravoure. Une récompense qui lui sera remise à l’occasion de la cérémonie rendant hommage aux héros de la gendarmerie, morts et vivants. Un événement fort en symboles pour celle qui se rêvait plus jeune gendarme enquêtrice. « C’est un honneur ! On est fiers, mes enfants sont fiers, je suis fière de moi, mais j’aurais préféré que ça n’existe pas et ne pas être médaillée. Il y a des situations comme ça où la vie des gens est en péril et ça vaut une médaille parce qu’on a contribué à leur survie, mais s’il n’y avait pas la mise en danger d’autrui, il n’y aurait pas de médaille et je préférerais ne pas avoir de médaille et ne pas avoir à vivre ça. »

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