Haute-Savoie : rencontre avec l’adjudant Johan, du PGHM de Chamonix-Mont-Blanc
- Par Antoine Faure
- Publié le 19 septembre 2024
Affecté au Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix-Mont-Blanc depuis 2014, l’adjudant Johan revient sur son parcours et sur un secours en montagne particulièrement marquant.
Le plus souvent, les militaires qui arment les Pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) sont nés en montagne ou du moins y ont passé une bonne partie de leurs vacances pendant leur enfance. Certains savaient skier avant même de pouvoir marcher. Et la plupart connaissaient déjà la montagne comme leur poche avant d’intégrer leur unité. Pour l’adjudant Johan, l’histoire est différente. Né en Champagne-Ardenne, fils d’agriculteurs, il ne partait jamais en vacances. Et s’il a bien connu le gel et la neige, c’était sur les champs à perte de vue, et non sur les champs de bosses. « J’ai commencé à skier à 24 ans… en Corse », sourit-il. Un Champenois qui a appris à skier sur une île, et qui se retrouve sous-officier au PGHM de Chamonix-Mont-Blanc, ce n’est pas banal, et ça lui a valu de se faire parfois un peu charrier par ses camarades haut-savoyards.
À l’origine, Johan voulait être motocycliste. « Mais j’ai manqué le concours sous-officiers et je suis devenu Gendarme adjoint volontaire (GAV), affecté dans une brigade en Corse. » Quand il voit passer un appel à volontaires pour rejoindre le PGHM de Corte, toujours comme GAV, il saute sur l’occasion et passe les tests avec succès. « Ils étaient plus physiques que techniques. J’ai tout appris avec les gendarmes du PGHM. Le ski, l’escalade, le secours… Si j’avais été GAV à Calvi, je serais peut-être en brigade nautique aujourd’hui ! »
Il passe ensuite le concours de sous-officiers, avec succès cette fois, et est affecté à l’escadron de gendarmerie mobile de Gap, dans le département des Hautes-Alpes. Après un peu plus d’un an, il passe les tests de la spécialité montagne pour intégrer un PGHM, et finit dans les premiers. La formation sur le tas et sur le tard avait du bon ! Il souhaitait rejoindre le PGHM de Briançon, ou retourner en Corse, mais il est affecté en 2014 à Chamonix-Mont-Blanc, avec ses sommets à plus de 4 000 mètres d’altitude. Et en 2019, il s’inscrit à l’École nationale de ski et d’alpinisme (ENSA) pour devenir guide de haute montagne. « J’avais besoin de pratiquer un peu d’abord, je ne voulais pas brûler les étapes. » Après dix ans à Chamonix, il envisage un retour en Corse, dont sa femme est originaire. « Ce sont des montagnes différentes, avec d’autres missions de secours qui sont également intéressantes. »
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Quand on lui demande s’il a gardé en mémoire un secours en particulier, il n’hésite pas bien longtemps. « C’était en 2021, ma journée se terminait, je m’apprêtais à rentrer chez moi, quand nous avons reçu un appel. Deux Anglais coincés sous le sommet du mont Blanc, côté italien. Ils sont là depuis quatre jours, épuisés, et ne peuvent plus continuer. L’un d’eux a un œdème cérébral et a perdu conscience. On avait déjà réalisé une caravane terrestre pour un secours difficile le matin, au sommet du mont Maudit, à plus de 4 000 mètres d’altitude, et on était tous un peu cramés. »
C’était à la vie, à la mort
Les prévisions météo sont très mauvaises, des orages sont annoncés. Tous ceux qui ont déjà vécu un orage en montagne savent qu’il vaut mieux ne pas être dessous. Il fallait donc réussir à atteindre un refuge avant la foudre. Pour certains gendarmes du PGHM, c’est mission impossible. Mais comment laisser un homme en vie dans la montagne ? « Les Italiens ne voulaient pas y aller, poursuit Johan. On a réussi à monter une équipe de quatre volontaires du PGHM. Dans mon esprit, on allait devoir abandonner l’alpiniste inconscient. C'était trop dangereux. On fait tout ce qui est possible pour sauver les gens, mais on ne doit pas mettre nos vies en danger. »
Malgré le vent qui approche les 100 km/h, les deux hélicoptères réussissent à droper les gendarmes en montagne, sous le Dôme du Goûter, vers 4 000 mètres, d’où ils continuent à pied. La température est de -20 °C. La visibilité est quasi-nulle. « On s’arrêtait toutes les 30 minutes pour faire le point avec la salle opérationnelle du PGHM et le régulateur météo, qui nous ont apporté un soutien rassurant et des informations d’une fiabilité exceptionnelle. Par chance, l’orage tardait, tout en sachant qu’il allait éclater tôt ou tard. On a avancé comme ça pendant presque deux heures, parfois à quatre pattes à cause du vent. »
Les quatre gendarmes basculent au sommet du mont Blanc, en Italie. « Là, c’est devenu très technique, on traversait pointe avant sur les crampons. » Ils retrouvent les deux alpinistes sous une corniche. Ils ont creusé un trou dans la neige pour s’abriter du vent. Les sauveteurs, qui sont venus sans médecin, leur administrent une bonne dose d’oxygène et des corticoïdes. « On a attendu que ça agisse, puis on a pris la décision de partir une heure plus tard, comme convenu ensemble précédemment. » Il est alors presque 19 heures. « Fred, le chef de caravane de cette équipe de secours, a dit à l'Anglais encore conscient de dire adieu à son pote… Ça a dû agir comme un électrochoc ! Il a ouvert les yeux, tenté de se lever, avant de retomber à genoux et de nous dire qu’il voulait marcher ! »
Évidemment, ça change tout. Il n’y a plus d’homme inconscient. Plus une seule vie à sauver, mais deux. « On a dû refaire le passage technique dans l’autre sens, avec deux hommes à bout de forces, dont un qui tenait à peine debout, se remémore l’adjudant. On a bien galéré. On avançait en grappe, accrochés les uns aux autres. On ne respectait plus vraiment les règles de sécurité. C’était à la vie, à la mort. »
On avait à peine fermé la porte, qu’on a entendu un énorme coup de tonnerre…
Les six hommes atteignent le sommet, basculent côté français, alors que l’orage menace de plus en plus. L’objectif est alors de passer la nuit dans un refuge et de redescendre le lendemain. « L’Anglais qui était inconscient s’était un peu refait la cerise, mais l’autre était devenu aveugle et risquait de tomber dans le vide à chaque instant… Finalement, on a réussi à atteindre l’observatoire du CNRS, sur l’arête des Bosses, et coup de chance, des personnes étaient présentes pour faire des travaux. Il était donc chauffé, et on a pu s’alimenter. Il est équipé d’un caisson hyperbare permettant de faire redescendre artificiellement l’altitude d’une victime d’un mal des montagnes sévère, mais il n’avait pas été vérifié depuis longtemps et avait des petites fissures, qu’on a tenté de reboucher avec du scotch… sans succès. Il en fallait absolument un qui fonctionne. On a alors décidé de descendre encore, jusqu’au refuge du Goûter, situé 500 mètres plus bas. »
Cette fois, l’orage est imminent, il est même là, dans la vallée. Le groupe fonce à travers le brouillard et finit par atteindre le refuge in extremis. « On avait à peine fermé la porte, qu’on a entendu un énorme coup de tonnerre… On a passé la nuit là-bas. Il faisait encore mauvais le lendemain, mais l’hélicoptère a pu nous récupérer plus bas, dans la descente en direction du couloir du Goûter. » Sains et saufs, même s’il en est fallu de peu. Johan assure : « On a pesé à chaque fois le bénéfices-risques, sans faire les fous. » Avant d’ajouter, dans un souffle : « Enfin si, un peu. »
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