Un hommage tout en justesse à l’adjudant-chef Marcellin Cazals

  • Par commandant Céline Morin
  • Publié le 10 mars 2020
© Groupement de gendarmerie départementale de l’Aveyron

Pendant la Seconde guerre mondiale, l’adjudant-chef Marcellin Cazals a sauvé des centaines de résistants et de juifs. Pour son action remarquable, le gendarme lozérien s’est vu décerner le titre de Juste parmi les Nations en 1993, quatre ans avant sa mort. Sous l’impulsion de la fédération nationale des retraités de la gendarmerie de l’Aveyron, un hommage lui a été rendu le 7 mars dernier, au mémorial de la Résistance, à Sainte-Radegonde, en présence notamment de son petit-fils, François Cazals.

« Mon grand-père a commencé comme simple gendarme et a fini adjudant-chef, ce qui a l'époque était une très belle carrière professionnelle. C'était une personne qui avait de vraies valeurs de justice, de simplicité relationnelle, de rigueur. C'était un militaire avant même d'être un gendarme. Il était vraiment obsédé par l'idée de la justice et du respect des lois, en toute simplicité, ce qui a façonné la vision qu'il avait de son rôle de gendarme », se remémore François Cazals, petit-fils de Marcellin Cazals.

Ce sens aigu et authentique de la justice a aussi guidé le gendarme dans ses actes, notamment au cours de la Seconde guerre mondiale. Héros de la Résistance, il a aidé, protégé et sauvé des dizaines de résistants et des centaines de juifs. « Il nous a simplement expliqué qu'il ne pouvait pas arrêter des gens qui n'avaient commis aucun délit. Sa motivation était d'être juste, poursuit François Cazals avec émotion. Ce qui est frappant, c'est que nous n'avons découvert cette partie de sa vie que très tardivement, quatre ans seulement avant sa mort. Il n'en avait jamais parlé. »

Marcellin Cazals s’est éteint le 28 octobre 2001, à l'âge de 96 ans. Mais son nom reste gravé dans les mémoires… à travers celui d'une place qui lui est dédiée à Naucelle, son village natal dans l'Aveyron, celui d'une caserne de gendarmerie, à Florac, en Lozère, ou encore celui de la salle de réunion jouxtant le bureau du directeur général de la gendarmerie. Gravé, son nom l'est aussi dans la pierre du mémorial de la Shoah, à Paris et celui de Yad Vashem, à Jérusalem, au titre de Juste parmi les Nations.

© Groupement de gendarmerie départementale de l’Aveyron

© Groupement de gendarmerie départementale de l’Aveyron

Hommage au mémorial de Sainte-Radegonde

Sous l’impulsion de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG) de l’Aveyron, un hommage a été rendu à Marcellin Cazals, le 7 mars dernier, au mémorial de la Résistance, à Sainte-Radegonde, en présence notamment de son petit-fils François et de certains « anciens » qui l’avaient connu en service.

En effet, à l’occasion de son assemblée générale, qu’elle organise tous les ans sur une commune différente, la FNRG rend hommage à un gendarme aveyronnais, ou ayant servi dans le département, et qui par ses actions a fait honneur à la gendarmerie, que ce soit par « ses faits de guerre, le sacrifice ultime de sa vie pour la France ou simplement pour le service rendu à ses concitoyens dans le cadre du service quotidien. »

Quoi de plus symbolique pour honorer cet homme, que ce lieu où un massacre fut perpétré le 17 août 1944, devenu un espace mémoriel rendant hommage à toutes les victimes en Rouergue.

« J'ai été immédiatement séduit par cette idée et je ne pouvais que participer à cette cérémonie en hommage à l'engagement extraordinaire de mon grand-père, estime François Cazals. Il me semble important de perpétuer sa mémoire, et surtout, à travers son souvenir, de porter un message de courage, d'héroïsme et de justice. La leçon que l'on peut retenir et transmettre, à mon avis, c'est que dans un moment où la vie est troublée, il faut être simple et juste. »

Le petit-fils de Marcellin Cazals a donné lecture d'un message officiel du général d'armée Christian Rodriguez.

Le petit-fils de Marcellin Cazals a donné lecture d'un message officiel du général d'armée Christian Rodriguez.

© Groupement de gendarmerie départementale de l’Aveyron

« Juste parmi les Nations, mais aussi juste parmi les gendarmes »

Devant l'assistance, notamment composée de membres de la FNRG, de représentants du groupement de gendarmerie départementale de l'Aveyron et de nombreuses autorités civiles et militaires, le petit-fils de Marcellin Cazals a donné lecture d'un message officiel du général d'armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie, dont voici un extrait : « Marcellin Cazals était un gendarme juste, reconnu pour ses qualités de commandement, pour son charisme, pour son dévouement entier à la France, à la gendarmerie et à la sécurité des concitoyens dont il avait la charge. Mais il était surtout un homme juste, qui le jour venu n'a pas fermé les yeux et qui a mis en pratique, simplement, humblement, ce en quoi il croyait. »

Il a eu le « courage de prévenir et de protéger les familles juives de son territoire lorsque l'ordre lui a été donné, en février 1943, de procéder à leur arrestation. Et, fidèle à ses convictions, à ses valeurs, à son engagement, il a continué à faire ce que lui commandait son honneur, ce qu'il croyait juste : la Résistance, la clandestinité, l'action armée contre l'occupant nazi.

Juste parmi les Nations, mais aussi juste parmi les gendarmes. Son engagement et la fidélité à cet engagement font de l'adjudant-chef Marcellin Cazals un exemple à suivre pour nous tous aujourd'hui comme demain (…) Ces valeurs nous les avons tous en chacun de nous (…) À nous, fort de son exemple, de les révéler pour servir au mieux. À nous surtout, le moment venu, de ne pas les enfouir. À nous de rester justes. »

« Ta volonté et ta détermination ont fait de toi un exemple »

Avant qu’une gerbe ne soit déposée au pied du monument de la Résistance par deux enfants, et qu’une vibrante Marseillaise, suivie de la Complainte des partisans ne soient entonnées par l’assistance, Gérard Laussel, le président de la FNRG de l’Aveyron a également rendu un hommage direct à Marcellin Cazals : « Fidèle à tes convictions, tu n’as pas accepté ce joug que l’on posait sur tes épaules. Fort de tes certitudes, tu t’es tracé une voie et tu as pris un chemin qui, à cette époque, était certainement le plus difficile à suivre. Ta volonté et ta détermination ont fait de toi un exemple (…) Chevalier des temps modernes, tu as défendu la veuve et l’orphelin et bien au-delà, car tu as combattu sous toutes leurs formes, les inégalités. Tu as fait honneur à notre devise, acceptée lors de ton engagement dans la Gendarmerie : pour la Patrie, l’Honneur et le Droit (...) Ton esprit est toujours vivant et il nous fait obligation de participer et de contribuer au devoir de mémoire. »

Une gerbe a été déposée au pied du monument de la Résistance par les deux petits-fils du président de la FNRG.

Une gerbe a été déposée au pied du monument de la Résistance par les deux petits-fils du président de la FNRG.

© Groupement de gendarmerie départementale de l’Aveyron

Un passé si secret…

Si l’entourage de Marcellin Cazals connaissait son passé de gendarme et même son soutien à la Résistance pendant la Seconde guerre mondiale, pendant très longtemps, personne ne s’est douté de l’ampleur de son action durant cette période troublée. L’homme restait discret sur sa carrière, humble…

Son intégration sous les drapeaux, avant même d’être appelé, ses premières campagnes au Maroc et en Syrie, puis son entrée en gendarmerie et ses missions en Algérie, à Tizi-Ouzou, en Lozère et dans l’Aveyron… Tout cela a quasiment été passé sous silence… Tout comme son affectation au sein de la prévôté de la 3e DLM, au cours de laquelle il est fait prisonnier avant de s’évader avec deux autres camarades…

Et puis, en janvier 1941, au regard de ses états de service, il se voit proposer de rejoindre la garde personnelle du maréchal Pétain. Son refus lui vaut 30 jours d’arrêt et une mutation disciplinaire en Lozère.

Pour ses proches, la période qui suit est plus imprécise encore. De Marcellin Cazals, on sait alors seulement qu’il a rejoint la Résistance avant de réintégrer la gendarmerie à la Libération. Il est alors promu adjudant à titre exceptionnel, pour services rendus à la Résistance, et nommé à la tête de la brigade de Saint-Chély-d’Apcher, où il restera jusqu’en 1952, puis à Florac, où il finira sa carrière comme adjudant-chef.

Il est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1959, ce qui ne manque pas de susciter la curiosité de son petit-fils, François Cazals, avant de prendre sa retraite l’année suivante… Un 18 juin… comme un clin d’œil à l’Histoire !

Chaque année, à l’occasion de son assemblée générale, la FNRG rend hommage à un gendarme aveyronnais, ou ayant servi dans le département.
© Groupement de gendarmerie départementale de l’Aveyron

En 1993, il est nommé Juste parmi les Nations

Les années passent tranquillement. Le gendarme retraité coule des jours paisibles dans sa ville natale de Naucelle, jusqu’à cette journée de septembre 1993 et l’arrivée d’une lettre…

Elle provient du directeur du département des Justes, à Jérusalem, qui l’informe qu’il vient de se voir conférer le titre de Juste parmi les Nations pour son action en faveur des Juifs, lorsqu’il était à la tête de la brigade du Malzieu.

En février de l’année suivante, il est invité à participer à l’émission de télévision « La Marche du Siècle », dont le thème est « Quelques Justes contre l’Holocauste ». C’est ainsi qu’à l’âge de 89 ans, il fait son baptême de l’air pour se rendre à Paris, où il est reçu par l'ambassadeur d'Israël en France. Un grand moment d'émotion pour lui et sa famille…

À cet instant, le voile se lève sur un pan de la vie de cet homme, resté si secret jusqu'alors.

Car avant de rejoindre le maquis d'Auvergne, le 6 juin 1944, et de participer aux combats du Mont-Mouchet, du 10 au 12 juin, puis à celui de Chaudes-Aigues, du 20 au 21 juin 1944, Marcellin Cazals a épaulé la Résistance en lui fournissant des renseignements, mais aussi en cachant des munitions et des explosifs, et surtout en sauvant de nombreux hommes d'arrestations qui leur auraient été fatales. Des dizaines de résistants, de réfractaires au STO, de déserteurs des Chantiers de Jeunesse ont ainsi eu la vie sauve grâce à son intervention… Au cours de la même période, il sauve plus de 200 juifs, les prévenant des opérations d'arrestations, voire en les cachant… jusque dans son appartement de fonction.

Dénoncé en 1944, il s’enfuit avant d’être arrêté et intègre alors les FFI des maquis d’Auvergne. Déclaré déserteur de la gendarmerie et condamné à mort par contumace, il réintégrera la gendarmerie à la Libération et recevra de nombreuses décorations, dont la Croix de guerre 1939-1945, avant d'être fait chevalier de la Légion d'honneur en décembre 1959, puis Juste parmi les Nations en 1993.

Une lignée de gendarmes d'active… et de réserve

Pour perpétuer la mémoire et l'engagement de son grand-père Marcellin, mais également de son arrière-grand-père, gendarme à cheval, et de son père, qui a fini colonel de gendarmerie, François Cazals a lui aussi rejoint à sa manière l'Institution, en devenant réserviste citoyen. « J'ai découvert cette opportunité sur le tard. Aujourd'hui, je vis ces années de réserviste citoyen comme un retour chez moi. Je suis sollicité pour mon expertise et c'est passionnant de pouvoir être utile à une institution qui le mérite. C'est un choix personnel très fort de servir, autant que je peux le faire au regard de mes disponibilités, dans une institution qui a marqué toute ma vie et qui représente quelque chose de très fort pour ma famille depuis plusieurs générations. »

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