Les gendarmes de Diên Biên Phû

  • Par M. Alexis Geider, délégation au patrimoine de la gendarmerie
  • Publié le 07 mai 2024
De gauche à droite : un prisonnier interné militaire, le gendarme Arnone, le gendarme Sansus, un gendarme inconnu, le gendarme Adam (assis), le gendarme Desry (avec le calot), le gendarme Pochelu, un sous-officier de la circulation, le MDC Salaün.

De gauche à droite : un prisonnier interné militaire, le gendarme Arnone, le gendarme Sansus, un gendarme inconnu, le gendarme Adam (assis), le gendarme Desry (avec le calot), le gendarme Pochelu, un sous-officier de la circulation, le MDC Salaün.

© ECPAD/Daniel Camus/Jean PÉRAUD

À l’occasion des commémorations de la guerre d’Indochine, la gendarmerie rend hommage à ses personnels qui ont servi au péril de leur vie durant le conflit. En 1946, la colonie indochinoise est agitée par un mouvement indépendantiste paramilitaire : le Viet Minh. Soutenu par la Chine et l’URSS, le Viet Minh prend de l’ampleur à mesure que s’amorce une guerre de décolonisation qui va durer jusqu’en 1954. Les gendarmes sont mobilisés tout au long du conflit, y compris lors de sa dernière grande bataille : Diên Biên Phû.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’hégémonie française sur ses colonies est remise en question. À partir de 1946, l’Indochine devient le théâtre d’une guerre de décolonisation opposant le gouvernement français au Viet Minh. Pour contrer la domination indépendantiste, la France met en œuvre l’opération Castor. Elle prend position dans le nord de l’actuel Vietnam et y établit une enclave militaire capable de mener des opérations. C’est la vallée de Diên Biên Phû qui est choisie du fait de sa proximité avec les frontières chinoises et laotiennes. Cette plaine de 17 km de long, entourée de montagnes, est traversée par une rivière et une piste d’atterrissage sommaire. Elle doit être ravitaillée en vivres et en munitions par un pont aérien. Le 25 novembre 1953, les premiers avions français atterrissent. La zone est fortifiée et la défense se coordonne autour de la piste d’atterrissage, sous les ordres du colonel Christian de la Croix de Castries. Des points d’appuis sont établis autour de la base afin d’en garantir la défense : Huguette, Dominique, Claudine, Béatrice, Anne-Marie, Isabelle et Éliane.

Les gendarmes sont présents très tôt à Diên Biên Phû

Les premiers gendarmes présents à Diên Biên Phû sont des prévôts. Parmi eux, le gendarme Roger Couëtmeur. Affecté à la colonie depuis 1951, Couëtmeur est rattaché aux forces prévôtales en mars 1953. Il arrive à Diên Biên Phû avec neuf de ses camarades pour encadrer les soldats de la base. Il contrôle les militaires du camp et sanctionne le non-respect du règlement. Les prévôts sont rejoints par un groupe de gardes républicains, dont le maréchal des logis (MDL) Frédéric Arnone et le maréchal des logis-chef (MDC) Pierre Martinez. Ces gendarmes sont chargés d’encadrer les ressortissants étrangers des troupes coloniales et de surveiller les prisonniers militaires. À ces dix-neuf  soldats de la loi s’ajoutent deux gendarmes de l’Air encadrant la piste d’atterrissage de Diên Biên Phû : les gendarmes Guillamot et Le Roy. Durant les quatre mois qui précèdent la bataille, les gendarmes font partie intégrante de la vie du camp bien qu’ils ne s’inscrivent pas dans une logique combattante. Ils surveillent et participent à l’aménagement de la base. Ils creusent eux-mêmes un poste prévôtal à 100 mètres de celui du colonel de Castries.

De gauche à droite : un prisonnier interné militaire, le gendarme Arnone, le gendarme Sansus, un gendarme inconnu, le gendarme Adam (assis), le gendarme Desry (avec le calot), le gendarme Pochelu, un sous-officier de la circulation, le MDC Salaün.

De gauche à droite : un prisonnier interné militaire, le gendarme Arnone, le gendarme Sansus, un gendarme inconnu, le gendarme Adam (assis), le gendarme Desry (avec le calot), le gendarme Pochelu, un sous-officier de la circulation, le MDC Salaün.

© ECPAD/Daniel Camus/Jean PÉRAUD


Les gendarmes se mobilisent pendant le siège

L’attaque des forces armées du Viet Minh, sous les ordres du général Vö Nguyen Giap, est lancée le 13 mars 1954. Sa violence est un choc pour les défenseurs, qui ne s’attendent à essuyer les tirs que de quelques canons isolés. Mais le Viet Minh est parvenu à acheminer à dos d’hommes une véritable artillerie de campagne. Les défenses ne sont pas conçues pour résister à un tel déluge d’acier, et certains abris sont pulvérisés dès le début de la bataille. L’artillerie française répond sans jamais faire taire les canons Viet Minh. Le soutien aérien et le recours au napalm sont entravés par le relief et les rizières. L’ennemi est également beaucoup plus nombreux : les 14 000 soldats du corps expéditionnaire français font face à cinq divisions Viet Minh, soit plus de 48 000 hommes. Certains assaillants n’hésitent pas à se jeter sur les barbelés pour permettre à leurs camarades de les franchir. Les points d’appuis Béatrice et Gabrielle sont rapidement neutralisés. La piste d’atterrissage devient l’enjeu majeur des combats : elle est le cordon ombilical qui ravitaille les défenseurs et permet l’exfiltration des blessés. Pourtant, elle est vite menacée par la chute de Béatrice et Gabrielle. Le camp est progressivement asphyxié par l’artillerie ennemie et les infrastructures sont saturées par les blessés. Et le siège ne fait que commencer.

Dans le chaos de la bataille, les gendarmes de Diên Biên Phû sont livrés à eux-mêmes. Ils décident de participer aux combats du mieux qu’ils peuvent. Les prévôts, dirigés par le MDC Salaün, se mettent à la disposition de l’antenne médicale de la base. Pour le reste des combats, ils assurent un rôle d’infirmiers et de brancardiers. Ils s’occupent également de ravitailler les soldats des différents points d’appuis, à l’image du MDL Frédéric Arnone, tué par un obus tandis qu’il acheminait le ravitaillement aux soldats du 2e Bataillon étranger de parachutistes. Durant les premières semaines de siège, avant la neutralisation de la piste d’atterrissage, les gendarmes organisent des colonnes d’évacuation sous le feu afin d’exfiltrer les blessés par avion. Ils se portent volontaires pour récupérer les munitions parachutées, toujours au péril de leurs vies. On les retrouve aussi pour encadrer et rallier les troupes lors des coups durs, et pour coordonner des tirs de mitrailleuses.

Le MDC Salaün apportant les premiers soins à un légionnaire, 3 mai 1954.

© ECPAD/Daniel Camus/Jean PÉRAUD

 

L’artillerie Viet Minh pilonne tous les jours. Les Français composent avec le manque de sommeil, de vivres et de munitions. Ils combattent dans des températures extrêmes, sans jamais être relevés. Durant la nuit du 6 au 7 mai 1954, des avions larguent des fusées éclairantes, dont les lumières révèlent des combats à la baïonnette à un contre dix. « Les Viets semblent sortir de terre partout », lance un officier paniqué. Le 7 mai, à 17 h 30, la base de Diên Biên Phû se rend. Les défenseurs, blessés et épuisés, sont faits prisonniers et envoyés dans des camps, où ils meurent des tortures du Viet Minh. Les personnels étrangers, notamment les volontaires thaïs, sont exécutés. Parmi les victimes des camps Viet Minh, on compte des gendarmes comme le MDC Pierre Martinez, fait prisonnier alors qu’il combat au côté de la 13e demi-brigade de Légion étrangère. Envoyé au camp n° 73 de Vinh-Loc, Pierre Martinez meurt des mauvais traitements qui lui sont infligés en captivité. D’autres gendarmes, comme Roger Couëtmeur, ont la chance d’être libérés en août 1954.

Devoir de mémoire

Présents dès le début du siège, les gendarmes de Diên Biên Phû illustrent la place charnière qu’occupent les soldats de la loi dans le dispositif militaire français. De l’encadrement à l’action armée, ils ont démontré leur capacité à s’inscrire dans un affrontement ouvert et à s’adapter aux nécessités opérationnelles d’une situation désespérée. Des 11 721 soldats français envoyés en camps Viet Minh, seuls 3 290 reviendront en vie. La moitié des 21 gendarmes de Diên Biên Phû périt dans les camps. Plusieurs d’entre eux reposent encore à côté de l’ancien camp n° 73 de Vinh-Loc, où ils étaient internés.

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