La réforme de la gendarmerie mobile après mai 1968

  • Par par le commandant Gildas Lepetit, Délégation au patrimoine
  • Publié le 03 mai 2018
Protection arrière d'un escadron à l'angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Racine.
© Service historique de la Défense

Entre mai et juin 1968, Paris convulse. Les manifestations se multiplient. Les barricades poussent à l’ombre des platanes. Durant ces deux mois d’affrontements, la gendarmerie mobile démontre tout autant son savoir-faire que ses limites.

Les premiers heurts entre les étudiants et les forces de l’ordre éclatent dans la soirée du 3 mai 1968 après l’évacuation de l’université de la Sorbonne. Mille cinq cents policiers et gendarmes s’opposent à deux mille étudiants.

Après quelques jours de calme relatif, l’atmosphère s’envenime de nouveau lors du passage de huit meneurs de la contestation, dont Daniel Cohn-Bendit, devant le conseil de discipline de l’Université. Une nouvelle journée d’affrontements d’une grande violence s’en suit. Les premières barricades sont érigées dans Paris. La situation devient insurrectionnelle.

Aussi, pour la manifestation annoncée le 22 mai, en soutien à Daniel Cohn-Bendit, interdit de territoire depuis la veille, pas moins de 77 escadrons ont été mobilisés !

À compter du 30 mai et de la grande manifestation parisienne en soutien au général de Gaulle, la mobilisation estudiantine s’épuise et le dispositif de maintien de l’ordre est progressivement allégé, par le renvoi dans leur résidence de plusieurs unités de marche.

Finalement, si, le 30 juin 1968, 53 escadrons sont encore mobilisés sur Paris, dont 44 pour le maintien de l’ordre, seuls deux sont employés dans l’évacuation des derniers locaux occupés.

Au terme de ces deux mois de fièvre, la gendarmerie déplore quelque 430 blessés.

Barrage fermé à l'aide des fourgons-cars place de la Sorbonne.

© Service historique de la Défense

Un révélateur des insuffisances de la gendarmerie mobile

Après les événements, les autorités ne peuvent manquer de dresser le bilan des opérations. Si elles louent « la haute valeur morale et le professionnalisme » des hommes, elles constatent également l’inadaptation des matériels au nouveau mode de maintien de l’ordre.

À l’époque, l’équipement des gendarmes pour cette mission se compose d’un fusil MAS 36 (sans sa baïonnette) et d’un casque modèle 1951, dépourvu de visière. Quant à la tenue, elle est quasiment identique à celle des gendarmes départementaux : vareuse, pantalon bleu à galon noir, rangers, chemise bleue, cravate et baudrier. On comprend dès lors l’inadéquation des matériels. Le casque doit par exemple être maintenu avec la main quand le gendarme court. L’uniforme offre, en outre, de nombreuses possibilités de préhension aux manifestants (poche, cravate, baudrier, veste, ceinturon…).

Les modes de transport ont également démontré leurs limites. Les fourgons-cars sont certes solides, mais ils sont particulièrement compliqués à manœuvrer lorsqu’il s’agit de faire évoluer un dispositif face à des manifestants particulièrement mobiles. Cette lenteur laisse tout le loisir aux adversaires de se replier, de se réorganiser, voire d’ériger des obstacles qui gênent la progression des forces de l’ordre.

Par ailleurs, dépourvus de moyens à longue portée, les gendarmes mobiles ne peuvent disperser les groupuscules les plus actifs qu’en étant au contact. Les manifestants qui restent hors de portée, sur les toits par exemple, ne peuvent être délogés, faute de fusils lance-grenades.

Révolutionner « la mobile »

Devant ces carences, la gendarmerie ne tarde pas à réagir. Entre l’été 1968 et la fin de l’année 1969, elle crée quinze nouveaux escadrons, soit une augmentation de plus de 6 % des effectifs de la gendarmerie mobile, qui atteignent, à la fin de cette réorganisation, les 17 000 hommes. L’articulation même des unités est revue, avec la formation, au sein de chaque escadron, d’équipes légères d’intervention chargées, notamment, d’interpeller les manifestants les plus virulents.

L’équipement est également repensé. Les gendarmes mobiles sont ainsi dotés de boucliers et de fusils lance-grenades. La tenue de service courant évolue également avec le remplacement de la vareuse, de la cravate et du baudrier par une veste anorak, un pantalon fuseau, un gilet matelassé et des protège-tibias. Si l’on reste encore très éloigné de la tenue « robocop » actuelle, on commence malgré tout à se rapprocher de la « 4S ». Enfin, un dispositif est ajouté au ceinturon pour y accrocher le casque, désormais pourvu d’une visière.

Gendarmes mobiles refoulant, dans le calme, des manifestants, à l'angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Racine.

© Service historique de la Défense

 

De même, à compter du 1er avril 1969, s’ouvre à Saint-Astier (Dordogne), le centre de perfectionnement de la gendarmerie mobile. Ainsi dotée, la gendarmerie mobile peut non seulement instruire ses effectifs, mais également adapter ses tactiques aux différents environnements dans lesquels elle doit évoluer (urbain, rural, usine, prison, etc.)

 

Enfin, d’un point de vue réglementaire, le texte de 1930, qui régissait encore le maintien de l’ordre, est remplacé par l’instruction 7001 du 13 février 1975 sur les opérations de maintien de l’ordre menées par la gendarmerie.

Alors que les derniers feux de la fièvre estudiantine s’éteignent, la gendarmerie mobile entame une période de mutation sans précédent. Comme souvent, c’est face aux crises que la gendarmerie se réforme le plus efficacement. Encore gérée par des principes d’action hérités de l’entre-deux-guerres, elle prend toutefois conscience de ses insuffisances et se transforme en un instrument professionnel de maintien de l’ordre, dont l’efficacité est désormais reconnue internationalement, comme en témoigne le nombre de stagiaires étrangers reçus chaque année par le Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie.

Pour plus d’actualités, vous pouvez consulter le site de la Délégation au patrimoine.

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