Héros de l’ombre au service de la liberté : les gendarmes du Morbihan dans la Résistance
- Par Pierre Boulay
- Publié le 15 juin 2024
En cette année 2024 riche en événements commémoratifs à l’occasion du 80e anniversaire de la Libération, il est important de se souvenir du rôle crucial joué par les gendarmes de l’hexagone dans la Résistance contre l’occupant nazi. Dans le Morbihan, sous le commandement du général Maurice Guillaudot, ces patriotes dévoués ont accompli des missions périlleuses pour renseigner les Alliés, saboter les installations ennemies et protéger la population civile.
Bien que la gendarmerie ait été détournée de sa mission sous le régime de Vichy, son image a été préservée grâce aux actions individuelles ou collectives des gendarmes qui ont choisi de suivre la voie de l'honneur. De nombreux officiers et sous-officiers se sont en effet engagés dans la Résistance, à l'exemple de Maurice Guillaudot, alors commandant, premier chef de l'Armée secrète du Morbihan, qui entraîna la totalité de ses brigades avec la consigne confidentielle suivante : « En soldat, ne pas faillir à l’honneur militaire et se préparer à reprendre les armes pour libérer le pays. En Français, ne rien faire contre nos compatriotes, au contraire les aider, les défendre de toutes nos forces, même à leur insu. »
Ainsi, en quelques mois, la grande majorité des 300 gendarmes composant les 42 brigades de la Compagnie de gendarmerie du Morbihan, actuel Groupement de gendarmerie départementale (GGD 56), suivent l'exemple de leur chef, héros de la Grande Guerre et combattant de 1939 à 1940, sur le chemin de la Résistance. De 1941 à 1944, avec ou sans leur uniforme, ces gendarmes engagés participent activement, jour après jour, à la lutte du peuple français pour sa libération. Pour leur action héroïque pendant la Seconde Guerre mondiale, les militaires de la Compagnie de gendarmerie du Morbihan seront décorés de la Croix de Guerre 1939-1945 avec Citation à l’Ordre de la Division. 25 d'entre eux paieront de leur vie le prix de cet engagement. Arrêtés, torturés, morts au combat, fusillés, déportés, exécutés, massacrés, ils rejoindront ainsi la longue liste des Martyrs de la Résistance.
Histoire d’un militaire peu ordinaire
Fils de garde républicain, Maurice Guillaudot est né le 28 juin 1893 à Paris. À 18 ans, il s’engage au 1er Régiment d’artillerie de campagne à Bourges. Volontaire pour l’infanterie en 1915, il est promu sous-lieutenant au 13e Régiment d’infanterie. Il est quatre fois blessé, six fois cité, et est fait Chevalier de la Légion d’Honneur en août 1918 sur le champ de bataille. Il entre dans la gendarmerie en 1920 et sort 3e de sa promotion de l’École des officiers de la gendarmerie, à Versailles.
Capitaine en 1928, puis chef d’escadron en 1936, il prend le commandement du 2e Groupe de la 4e Légion de la Garde républicaine mobile à Vitré (35). Après la dissolution des unités de la Garde républicaine mobile en zone occupée, il est nommé à la tête de la gendarmerie de Rennes. Le 17 juin 1941, le commandant Guillaudot refuse de faire disperser la foule de Rennais venus déposer des fleurs sur les tombes des victimes du bombardement du 17 juin 1940. Il est rapidement muté à Vannes, dans le Morbihan.
En avril 1943, il entre dans le réseau « Coockle » sous le nom de « Yodi ». En juin 1943, il transmet au Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) de Londres le célèbre plan « Panier de cerises », qui décrit de manière précise et exacte, l'ensemble du dispositif allemand dans le Morbihan : armement, secteurs de tirs, garnisons, points faibles, dépôts de carburants et de munitions, terrains d'aviation, postes de commandement, etc. Le 20 juillet au soir, Maurice Guillaudot écoute la B.B.C Radio et entend ce message personnel : « Le panier de cerises est bien arrivé, ses fruits sont remarquables. Nous aimerions en recevoir d’autres. » Suivi de cet autre message : « Félicitations et remerciements à Yodi pour son action et son excellent travail ».
Jamais à court d’imagination, l’officier, bien conscient que la Gestapo surveille les lignes téléphoniques, trouve une astuce efficace pour donner des ordres sans se trahir. Il lui suffira de donner les ordres en langage courant, puis de conclure les messages par « kenavo ». En breton, cela signifie « au revoir », mais pour Yodi, cela voulait dire « faîtes exactement le contraire de ce que je viens de vous dire », et cette méthode fonctionnait échappant ainsi à la vigilance des nazis.
Arrêté le 10 décembre 1943 à son domicile, le chef d’escadron Guillaudot est torturé pendant des mois, sans ne jamais rien révéler, avant d’être dirigé vers le camp de Neuengamme, en Allemagne. Il y parvient en juillet 1944 et ne rentrera qu’en mai 1945, épuisé et gravement touché. En novembre 1945 , il est promu au grade de général de brigade et assure la fonction d’inspecteur de la gendarmerie à Paris. Il quitte le service actif en 1949.
Grand croix de La Légion d’Honneur, Compagnon de la Libération, Croix de Guerre 1914-1918, Croix de guerre 1939-1945, le général Guillaudot est décédé le 23 mai 1979 à Hédé-Bazouges (35).
La Salle de Tradition du GGD 56
En 1994, afin de perpétuer le souvenir de ces « Soldats bleus de l’ombre » et du général Maurice Guillaudot, une Salle de Tradition est inaugurée au sein de la caserne Général Guillaudot, à Vannes. Également connue sous l’appellation de « Musée Guillaudot », et tenue par l’association « Les amis du Musée Guillaudot », le lieu est ouvert au public lors des Journées européennes du patrimoine en septembre et des visites sont organisées aux nouveaux affectés à la Compagnie de Vannes, ainsi qu’aux élèves de troisième lors des journées de découverte des métiers.
Le visiteur y découvrira, dans une ambiance d’époque, de nombreux objets de la vie courante, des objets de prestige, des documents historiques comme le fameux « Panier de Cerises » et divers témoignages originaux, qui permettent de mieux comprendre la situation difficile des gendarmes pendant cette période particulièrement troublée, leur engagement, leurs souffrances, leur lutte et leur gloire.
L’épopée de tous ces héros engagés dans la Résistance bretonne a été racontée par le général Maurice Guillaudot dans son ouvrage « Les Soldats bleus dans l’ombre », publié en 1977 et présenté dans l’exposition. Décorés individuellement ou collectivement sous le fanion du Groupement arborant la Croix de guerre 1939-1945 pour leurs faits d’armes, les gendarmes résistants du Morbihan méritent, à l’occasion des 80 ans de la Libération, un hommage appuyé afin de ne pas oublier leur sacrifice.
C’est ainsi qu’une quinzaine de gendarmes départementaux du GGD du Morbihan et de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 15/3 de Vannes, portant un tee-shirt « Les soldats bleus dans l’ombre » prendront le départ de l’Ultra Marin du 27 au 30 juin prochain, aux côtés de près de 10 000 concurrents. En mémoire de leurs aînés, ils parcourront plus de 1 000 kilomètres toutes épreuves confondues (29, 36, 54, 70, 100 et 177 km).
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