Escroquerie au vin : carton rouge pour des falsificateurs de grands crus

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 02 juillet 2022
Photo d'illustration
© Sirpa Gend - F.Garcia

En septembre 2021, alors qu’ils effectuent des perquisitions dans le cadre d’une affaire de trafic de stupéfiants, les gendarmes sont tombés sur du matériel nécessaire à la contrefaçon de bouteilles de vin, telles des matières sèches et autres fausses étiquettes au nom de domaines viticoles.

De la piquette dans des grands crus

Suite à ces découvertes, le parquet de Bordeaux décide d’ouvrir une enquête préliminaire en novembre 2021 du chef de tromperie sur la qualité du produit. Il confit le dossier au groupe d’enquête « atteintes au vin », une unité de la gendarmerie chargée de répondre aux atteintes subies par la filière vitivinicole du sud-ouest. En plus de ce groupe « Vins », le parquet co-saisit la Section de recherches (SR) de Bordeaux.

Bien lui en a pris au vu de l’ampleur de la fraude, révélée par les premières investigations. Le trafic porterait alors sur plusieurs centaines de milliers de bouteilles de vin de contrefaçon. Un trafic potentiellement organisé par le propriétaire d’un vignoble ayant le statut de négociant, installé dans le Médoc.

Si le volume de la fraude paraît impressionnant, l’escroquerie mise sur pied par le viticulteur était en réalité plutôt simple. Sa combine consistait à vendre des bouteilles étiquetées aux noms de prestigieux châteaux bordelais à des tarifs défiant parfois toute concurrence. Sauf qu’à l’intérieur, ne se trouvait par un grand cru, mais des vins bas de gamme, provenant la plupart du temps de terroirs assez éloignés du Bordelais.

Pour distribuer sa marchandise, le négociant s’appuyait sur trois complices et sur tout un réseau de distributeurs officiels comme officieux, constitué de sociétés, de retraités, d’auto-entrepreneurs, qui s’étendait sur plusieurs départements.

Une escroquerie sans frontières

Face à tous ces éléments, une instruction est ouverte et confiée à un magistrat instructeur du tribunal judiciaire de Bordeaux. Sur commission rogatoire, les enquêteurs parviennent à établir que cette escroquerie, liée à la qualité du vin, n’est pas que locale. Elle toucherait également la grande distribution, qui aurait commandé plusieurs milliers de bouteilles. Ces grands crus factices seraient même vendus dans des pays étrangers, grâce au soutien d’intermédiaires se livrant à des manipulations illégales.

Des investigations poussées permettent d’identifier avec davantage de précisions ce réseau de revendeurs. On ne parle pas de vente sous le manteau, mais bien de livraisons de vins contrefaits par palettes entières, et ce, sur plusieurs départements.

Un trafic estimé à plusieurs centaines de milliers de bouteilles

L’argent généré par ce trafic aurait servi à alimenter le train de vie des principaux mis en cause. Une partie des bénéfices engendrés a été blanchie grâce aux financements de travaux de rénovation, en recourant à de la main d’œuvre irrégulière, payée en numéraire.

Fin juin, le parquet considère que les preuves sont suffisamment accablantes pour passer à l’action. Le lundi 27, une opération judiciaire de grande ampleur est menée à la fois dans le Médoc et aussi dans sept autres départements. Elle mobilise une centaine de militaires, issus du groupement de gendarmerie départementale de la Gironde, des enquêteurs de la SR de Bordeaux et du groupe « Vins », ainsi que d’autres gendarmes affectés dans divers groupements.

Sur la vingtaine d’objectifs visés, 11 ont été placés en garde à vue et neuf auditionnés sous le statut de mise en cause. Les perquisitions, menées dans le cadre de l’opération, permettent de saisir une dizaine de véhicules, un stock important de vin contrefait, du matériel informatique, des téléphones portables, des documents et enfin du numéraire.

Du côté des mis en cause, trois d’entre eux, dont le principal instigateur, ont été présentés devant le magistrat instructeur le 29 juin. Ils ont été mis en examen pour tromperie sur la marchandise, escroqueries en bande organisée, blanchiment et falsification de denrées alimentaires. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire avec l’obligation de verser des cautionnements allant de 20 000 à 50 000 euros. L’enquête, elle, est toujours en cours, notamment pour évaluer l’ampleur de l’escroquerie. Mais selon le parquet, elle est estimée à plusieurs centaines de milliers de bouteilles.

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