Faire face aux violences confinées
- Par Antoine Faure avec le commandant Céline Morin et la capitaine Sophie Bernard
- Publié le 16 novembre 2020

Si la mise en place du confinement avait pour objectif de protéger la population du virus, cette situation exceptionnelle a pu engendrer ou accentuer un autre danger, à l’intérieur même des foyers, celui des Violences intra-familiales (VIF). Les groupements ont dû innover pour rester en contact avec les victimes de ces atteintes.
Sollicités toute l’année dans la lutte contre les Violences intra-familiales (VIF), les gendarmes ont immédiatement pris la mesure des risques liés aux règles de confinement : une promiscuité et un enfermement propres à aggraver les tensions ; la difficulté pour la victime de s’éloigner de son bourreau ou d’alerter les forces de l’ordre tout en étant à proximité de l’individu violent. Ce dernier point était particulièrement problématique pour les militaires.
Comment faire cesser des violences dont on n’a pas connaissance ? « La baisse du nombre de plaintes est très nette, notait ainsi le lieutenant-colonel Grégoire Charle, officier adjoint commandement du Groupement de gendarmerie départementale (GGD) du Loir-et-Cher, durant le confinement. Mais il est difficile de se faire une idée précise et fiable, car le thermomètre judiciaire est cassé. Nous continuons à accueillir les victimes et nous les encourageons à se signaler, mais nous savons que la situation peut entraîner une incapacité physique ou psychologique à le faire. »
A contrario, le confinement pouvait constituer une période propice pour permettre au voisinage de prendre la mesure de la gravité d’une situation et donner l’opportunité d’intervenir en signalant les faits comme témoin.
Sachets de pharmacie...
Afin de rappeler que les unités de gendarmerie restaient disponibles pour intervenir dans le cadre des atteintes à la personne, et redire l’existence des numéros d’urgence, de la brigade numérique et de la plate-forme gouvernementale, la communication demeurait un élément déterminant. Et les commerces de proximité ont constitué pour cela un relais essentiel.
Une grande opération, utilisant comme supports des sachets de pharmacie, a ainsi été lancée en avril dans le Gard. « C’est une action de proximité complémentaire de notre présence quotidienne sur le terrain, estime le lieutenant-colonel Marie-Béatrice Tonanny, commandant la compagnie de gendarmerie du Vigan et en charge de la problématique des violences intra-familiales au niveau de son groupement. Ces 200 000 sachets sont autant de messages qui ne sont pas destinés à être jetés immédiatement et que les membres de la famille auront un certain temps sous les yeux. »
Les kits distribués à chacune des 145 pharmacies du département comprenaient, outre les sachets, des flyers et deux affiches. L’opération a reçu un soutien précieux en la personne de l’actrice Alexandra Lamy, qui habite dans le Gard. « Elle a participé avec nous à la distribution à Anduze le 22 mai, relate le LCL Tonanny. Elle est très engagée sur la question des violences intra-familiales et a tout de suite accepté d’être notre marraine. »
D’autres groupements ont mis en place une opération similaire, comme celui des Yvelines. « Utiliser le réseau des pharmacies est une bonne approche pour faire circuler, et même imposer, l’information en zone rurale », remarque l’adjudant Virginie Redureau, chef de la Brigade de protection des familles (BPF) et référente du département des Yvelines sur la thématique des VIF. Au total, ce sont 64 000 sachets qui ont été répartis entre les 19 Brigades territoriales autonomes (BTA), pour être distribués aux 51 pharmacies situées en zone gendarmerie. « Cette initiative a été d’autant mieux accueillie par les pharmaciens, qu’ils ont été très sollicités pendant le confinement pour accueillir et aider les victimes de violences intra-familiales. »
… et tickets de caisse
En Vendée, dans le Loir-et-Cher ou encore dans le Var, toujours à l’initiative des groupements, un message de prévention pour lutter contre les VIF a été diffusé sur les tickets de caisse des supermarchés. « En période de confinement, on sait que ce sont les lieux de déplacements indispensables, notait alors le LCL Charle. Ce support, à message identique pour tous les clients, est un mode opératoire qui suscite peu de soupçons chez le conjoint violent. »
« Nous avons contacté plusieurs entreprises du département, explique la colonelle Véronique Sandahl, commandant le GGD de Vendée. Les centres E. Leclerc du département ont validé notre action et proposé de relayer également le message sur leurs panneaux lumineux. Par cette initiative, nous voulions inciter les victimes à venir vers nous après le confinement, pour que nous puissions reprendre notre travail d’enquête. »
Prise de contact et prise en charge
Différents dispositifs destinés à contacter et suivre les victimes de VIF ont également été mis en place à travers tout le territoire, au niveau des groupements ou des compagnies.
Ainsi, en Haute-Garonne, la lieutenante-colonelle Caroline Auzeville, chef du Bureau sécurité publique partenariat (BSPP) de la Région de gendarmerie d’Occitanie, a rapidement décidé de réorienter sur de nouvelles missions les cinq militaires sous ses ordres. Son idée était de soulager les unités de terrain, largement engagées au quotidien dans les opérations de contrôle, tout en permettant aux personnels de son bureau de participer à l’effort collectif en ayant une utilité au niveau opérationnel, en dépit, pour certains, du confinement imposé du fait de leur situation personnelle.
Fin mars, elle a donc scindé le BSPP en deux cellules, dont une spécifiquement dédiée aux VIF, armée par une maréchale des logis-chef affectée au BSPP et une gendarme du Centre opérationnel de la gendarmerie (COG). « Ces deux militaires, dotées d’une appétence et d’une expérience avérées dans le domaine de la prévention et du traitement des violences conjugales, ont immédiatement affiché un réel enthousiasme pour cette mission temporaire », confie la LCL Auzeville.
Elles étaient chargées de prendre contact par téléphone avec les victimes, identifiées à l’occasion d’interventions pour différends familiaux survenues durant la période de confinement. Elles évaluaient la situation, mettaient en exergue les éventuelles fragilités ou les besoins, et surtout pouvaient détecter une aggravation, qui aurait nécessité une intervention rapide et une prise en charge accélérée de la victime.
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