Concilier le numérique avec nos valeurs

  • Par le capitaine Éric Costa
  • Publié le 03 février 2020
Accessible depuis une tablette, Gendform 3.0 permet de se former en continu.
© MAJ F. Balsamo

La formation de ses militaires constitue pour la gendarmerie nationale un levier essentiel pour poursuivre sa transformation numérique, tout en préservant ses valeurs fondamentales, et ce afin d’optimiser son action de service public.

La meilleure façon de se préparer aux enjeux d’une société digitale est de réfléchir à comment se transforme le métier de gendarme. « Les grands traits sont d’ores et déjà dessinés : le travail en mobilité via Néogend, une forme renouvelée de relation à l’usager via la brigade numérique. Il s’agit aussi d’anticiper l’évolution des compétences spécifiques que devra détenir le gendarme. De plus, l’inflation à venir des contentieux liés au numérique, volontaires ou non, invite à orienter l’acquisition de savoir-faire spécifiques vers le plus grand nombre, et plus seulement vers des spécialistes Nouvelles technologies (N-Tech) », explique le général de corps d’armée Thibault Morterol, commandant les écoles de la gendarmerie nationale.

Mieux maîtriser les outils

« Dès leur formation initiale, les gendarmes doivent apprendre à utiliser les moyens numériques qui sont à leur disposition et qu’ils emploieront à des finalités opérationnelles en unité, en particulier les nombreuses applications métier, explique le colonel Laurent Taveneau, chargé de projets au commandement des écoles. La plate-forme d’auto-évaluation formative Pix, déployée dans les écoles de sous-officiers et qui a vocation à être étendue à l’ensemble des cursus de formation initiale, vise à élever le niveau en compétences numériques des personnels. On observe d’ailleurs dans ce domaine que nos jeunes recrues, bien que digital natives, ne sont pas toujours aussi à l’aise que cela dans le domaine numérique. C’est ensuite, et bien sûr, l’apprentissage aux outils opérationnels et à Néogend, qui constitue leur outil de travail du quotidien dès l’arrivée en unité. Une réflexion est enfin engagée pour instaurer un dispositif de « mise à niveau » obligatoire pour tous les personnels, sur le terrain comme en état-major. »

Faciliter l’accès à la formation

L’activité du Centre de production multimédia de la gendarmerie nationale (CPMGN) s’inscrit pleinement dans la dynamique de la transformation numérique de la formation, en développant des éléments de formation à distance.

Sa Section ingénierie pédagogique (SIP) de la Division de l’enseignement numérique (DEN) réalise ces productions avec le concours d’experts matière, possédant les connaissances techniques de fond et affectés sur le terrain, en écoles ou centres, ou bien encore en état-major. L’association de cet Enseignement à distance (EAD) à des phases de présentiel au sein des écoles constitue un nouveau genre de formation, dite hybride.

« La formation hybride est aujourd’hui très avancée en gendarmerie, puisqu’elle concerne la formation des élèves-gendarmes, des sous-officiers du corps de soutien technique et administratif, des officiers de gendarmerie, la formation d’Officier de police judiciaire (OPJ) pour les gendarmes départementaux, du Diplôme d’arme (D.A.) pour les gendarmes mobiles, ou encore celle de l’enseignement militaire supérieur », détaille le chef d’escadron Éric Enjalbert, commandant la DEN. Ces cursus hybrides concernent environ 18 000 personnels chaque année.

Néogend donne accès aux applications métier en tout lieu et en tout temps et facilite le contact avec la population.

© MAJ F. Balsamo

La diffusion, en amont, de certains volets théoriques d’une formation par un EAD permet notamment de dégager du temps durant la phase d’enseignement en présentiel, qui peut alors être davantage consacré aux mises en situation opérationnelle.

L’EAD peut se poursuivre en aval de la sortie d’école pour consolider les acquis, comme cela est le cas pendant trois mois pour les élèves-gendarmes venant d’être affectés en unité.

Un EAD bien pensé

Le dispositif d’EAD est supporté, depuis 2007, par la plateforme Gendform, désormais dans sa version 3.0, qui représente bien plus qu’une simple base de données.

L’enseignement à distance offre un accompagnement à l’apprenant sous la forme d’un tutorat. Grâce à cette interactivité, les éventuelles incompréhensions sur les contenus peuvent être levées et la dimension humaine de la formation reste préservée.

« En plus de comprendre les besoins institutionnels en termes de formation, l’enjeu est de bien analyser le public à qui sera destiné l’EAD. La réponse apportée est adaptée à la nature, au volume, aux besoins et aux usages des personnels concernés », précise le capitaine André-Maurice Lasserre, chef de la SIP.

Une formation pour tous

S’adapter aux évolutions vers le numérique ne concerne pas seulement les jeunes gendarmes, mais bien toute l’Institution. C’est pourquoi, en octobre 2018, a été lancée, dans tous les groupements de gendarmerie départementale, la première journée nationale de formation au numérique.

Animée par un technicien des Systèmes d’information et de communication (SIC) et un gendarme d’unité territoriale, cette journée est destinée à faciliter l’évolution des personnels dans l’écosystème du numérique, leur permettant ainsi de gagner en autonomie dans ce domaine.

Des tutoriels ont donc été produits par le CPMGN, à la demande du bureau de la formation de la sous-direction des compétences, pour répondre aux besoins exprimés par les directions de programmes de chacun des outils métiers. Ces tutoriels ciblent également les fonctionnalités pour lesquelles les militaires de terrain sollicitent le plus le Centre national d’assistance aux utilisateurs (CNAU).

Dans cette même démarche de soutien aux personnels, d’autres ressources pédagogiques sont proposées par la division des examens et des domaines métiers du CPMGN : fiches réflexes opérationnelles, mémento numérique, etc. Le tout est consultable directement sur le site intranet du CPMGN, et donc depuis Néogend. Le Centre national de ressources pédagogiques (CNRP) du CEGN, disponible sur Gendform 3.0, regroupe quant à lui des mallettes pédagogiques à la disposition des formateurs. Ces mallettes, prêtes à l’emploi, contiennent les objectifs à atteindre, un support de formation et une fiche synthèse, sur des thèmes bien précis, afin de pouvoir construire une session de formation sécurisée dans son contenu, en école comme en unité.

De la formation continue vers la formation en continu

L’évolution vers la juste formation, au juste moment, vers le juste personnel constitue un idéal à atteindre. Il s’agit, au fond, d’inverser le sens de la formation. Aujourd’hui, le militaire va vers la formation dans le cadre d’un rendez-vous de cursus (recyclage, perfectionnement, obtention d’un grade, etc.) Demain, ce sera la formation qui ira vers le militaire, dès que le besoin s’en fera sentir. L’idée est de créer une base de données qui sera couplée à une capacité d’intelligence artificielle liée à Agorh@ et pouvant identifier une évolution dans le profil du gendarme.

Une nouvelle formation, justifiée par l’évolution de ce profil, serait alors automatiquement suggérée au militaire via Néogend. Cela prendrait la forme de micro-capsules agglomérant des modules appropriés. Par exemple, un gendarme nouvellement affecté dans une gendarmerie spécialisée pourrait se voir proposer des modules dédiés et spécifiques à son nouvel environnement.

Développer la simulation numérique

Sur le terrain, aucune intervention n’étant identique à une autre, le gendarme doit développer ses capacités d’adaptation et son agilité intellectuelle pour réagir avec pertinence et efficacité le moment venu. C’est tout l’intérêt du travail sur simulateur, qui autorise le drill sur des cas simples ou complexes, standards ou non conformes.

Le Centre d’entraînement et de simulation au commandement opérationnel (CESCO), développé à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) depuis 2018, s’appuie sur des simulateurs pour l’apprentissage théorique des élèves-officiers.

Un élève-officier travaillant sur un simulateur tactique du Centre d’entraînement et de simulation au commandement opérationnel (CESCO), à l’EOGN.

© MAJ F. Balsamo

« La simulation numérique ne se suffit pas à elle-même mais prend son entière place entre les apports théoriques, délivrés en cours présentiels ou distanciels, et les exercices terrain, évidemment seuls à même de faire acquérir les notions de résilience, de rusticité, de confrontation physique ou encore de perfectionner les gestes techniques. L’entraînement sur simulateur, en environnement maîtrisé et sécurisé, a l’avantage d’engager un processus d’acquisition plus rapide des connaissances, un meilleur ancrage mémoriel à long terme, et développe des capacités de réflexion accrues.

Intégrée à bon escient dans le parcours de formation, cette méthode pédagogique permet l’acquisition d’automatismes indispensables. En termes de commandement, cet exercice immersif autorise des recherches de manœuvres innovantes grâce au principe d’erreur gratuite. Enfin, le temps de formation est ainsi pleinement optimisé », explique la capitaine Stéphanie List, chef du département ingénierie de la formation numérique de l’EOGN.

Rester fidèles à un socle de valeurs

Malgré toutes les évolutions que connaît la formation, le face-à-face entre l’apprenant et le formateur reste essentiel. Cet apprentissage humain est indispensable, en particulier pour la transmission du savoir-être et des autres fondamentaux du métier de gendarme que sont notamment les valeurs militaires et la notion de contact.

« Bien au-delà du numérique, il s’agit avant tout de servir la population. Le gendarme se convertit au numérique sans devenir virtuel, par conséquent c’est cette dimension humaine qui constitue l’ADN de notre métier », ajoute le colonel Taveneau.

Informer sur les risques du numérique

Le domaine du numérique intègre également les réseaux sociaux, leur pratique…et leurs dérives. Certains d’entre nous peuvent ainsi oublier leur devoir de réserve ou de discrétion, voire relayer, volontairement ou non, de fausses informations, les fameuses fake news. À cet égard, les modules d’éthique déontologie dispensés en formation initiale et continue traitent désormais du bon usage des réseaux sociaux. Un EAD sur les fake news a par ailleurs été récemment mis en ligne sur Gendform 3.0, rubrique « À la une ».

Vers de nouvelles avancées

« Le CPMGN travaille pour améliorer en permanence l’ergonomie de Gendform et proposer de nouvelles fonctionnalités pour les utilisateurs. Un de nos enjeux actuels est d’extraire les contenus cloisonnés de certaines formations spécifiques, à l’instar de l’OPJ, et de les rendre accessibles à tous, dans une branche formation continue, où les domaines métiers seraient facilement localisables grâce à un moteur de recherche plus performant. Dans un autre registre, le centre a mis en place un groupe de travail pour tester des lunettes de réalité virtuelle. Un projet d’étude consiste à mettre un utilisateur en situation immersive dans un contexte et avec des objectifs pédagogiques précis. Par exemple, le cas d’une découverte d’objet suspect au sein d’une caserne de la gendarmerie permettrait d’observer les réactions et la mise en œuvre de certains actes réflexes », conclut le capitaine Lasserre.

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