Le sport, axe majeur de la reconstruction des blessés

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 15 avril 2025
Un homme de dos, en t-shirt noir, avec un logo sur la largeur du dos représentant un centaure blanc, avec une épée et un bouclier portant une flamme. Sont inscrites les mentions : GENDARMERIE NATIONALE - CENT'OR et RECONSTRUCTION DES BLESSES PAR LE SPORT. A droite, au second plan, deux personnes de profil.
© Gendarmerie Nationale - GND Samantha Vermeere

« Protéger ceux qui protègent ». Fidèle à sa devise, la sous-direction de l’accompagnement du personnel de la Gendarmerie nationale renforce, depuis une dizaine d’années, sa politique d’accompagnement des blessés. Elle offre ainsi une approche plus globale et protectrice dans la durée, tant pour les gendarmes que pour leur famille. Parmi les axes majeurs de cette politique, la reconstruction des blessés par le sport a elle-même connu un nouvel essor, avec la création d’une mission dédiée et la montée en puissance des stages proposés par la gendarmerie.

En 2024, 9 995 gendarmes ont été blessés en service, dont près de 5 100 lors d’une mission opérationnelle. Des chiffres élevés, en augmentation par rapport aux années précédentes, qui traduisent le durcissement du métier et les risques désormais inhérents à l’engagement quotidien des gendarmes au service de la population, dans des missions de sécurité publique, d’intervention ou encore de secours. Ces blessures, qu’elles soient physiques ou psychologiques, en lien avec un événement traumatisant ou une succession de faits marquants, bouleversent la vie professionnelle mais aussi personnelle des militaires et de leur famille.

L’accompagnement de ces gendarmes blessés en service est donc un enjeu majeur pour l’Institution. Au cours des dix dernières années, la Gendarmerie s’est donc structurée afin de les aider à se reconstruire et à retrouver des perspectives d’avenir, notamment à travers la création d’une cellule d’aide aux blessés au sein de la Sous-direction de l’accompagnement du personnel (SDAP) et l’intégration du dispositif de Reconstruction des blessés par le sport (RBS) des armées. Cette politique d’accompagnement a connu une nouvelle dynamique en 2022, avec une refonte en profondeur du dispositif, visant à offrir un accompagnement plus complet, plus protecteur et s’inscrivant dans la durée.

Un écosystème en action pour un accompagnement individualisé et suivi

Dans ce parcours du blessé, élaboré par la SDAP autour des valeurs de solidarité et d’entraide qui sont au cœur de la Gendarmerie, l’accompagnement de l’Institution est désormais pluridisciplinaire, touchant à la fois les domaines du médical, du sport, de l’accompagnement psychologique et du social. Outre la protection fonctionnelle et l’expression de la reconnaissance de l’Institution pour le service accompli, il se veut également réparateur, grâce à des dispositifs de reconstruction et d’aide à la réorientation professionnelle, au sein ou en dehors de l’Institution, selon l’existence d’un handicap et son degré. Cet accompagnement se concrétise également à travers le soutien apporté à la famille du militaire décédé en service. Cette pluridisciplinarité, tout comme le nombre croissant de blessés chaque année, implique par conséquent une action conjointe de nombreux acteurs, du niveau central (avec la cellule d’aide aux blessés et la section médico-sociale) aux bureaux de l’accompagnement du personnel dans les régions, en passant bien évidemment par la chaîne hiérarchique.

« Chaque situation requiert une prise en charge sur mesure, qui peut aller de la chancellerie à la reconstruction des blessés par le sport, en passant par la reconversion ou la transition professionnelle. Il s’agit d’une démarche globale et protéiforme qui s’appuie sur des structures et des partenariats. On peut parler de cercle vertueux, qui concrétise l’esprit de solidarité qui anime notre institution, estime le lieutenant-colonel Florence Pélardy, chargée de projets à la SDAP. Il ne serait pas possible de tout gérer à l’échelon central. L’idée, c’est que nous soyons tous des acteurs de cet accompagnement, que nous fassions preuve de vigilance les uns envers les autres. Et cela, c’est propre à la communauté militaire. Faire vivre ces valeurs est essentiel, surtout pour les jeunes générations qui viennent chercher du sens dans leur métier. Il est essentiel qu’ils sachent que nous serons là pour les aider et les accompagner s’ils ont besoin de nous. »

Sept personnes cheminent de nuit dans la neige, en lisière de forêt.
© Gendarmerie Nationale - GND Samantha Vermeere

L’accompagnement des blessés se trouve donc au cœur d’un véritable écosystème, au sein duquel les services dédiés de la Gendarmerie, tant au niveau central qu’au niveau local, peuvent s’appuyer sur les unités de terrain (Garde républicaine, PGHM, etc.) pour la mise en œuvre des stages de RBS, et sur le Centre national des sports de la Défense (CNSD) pour leur labellisation. Ils peuvent également compter sur le Service de santé des armées (SSA), la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS), l’Action sociale des armées (ASA), les mutuelles, la Fondation Maison de la Gendarmerie, qui finance ou met à disposition des locaux, ainsi que sur le tissu associatif, à l’instar de l’association Sébio Solidarité Secours en Montagne, qui contribue à l’organisation du stage « Esprit de cordée », et de celle des Phénix. Les membres de cette dernière, née de la mise en relation des blessés lors des stages, sont aussi des relais sur le territoire, des sentinelles à même d’orienter le militaire blessé. Très présents sur le terrain, les Phénix organisent régulièrement des actions afin de récolter des fonds et d’aider l’Institution à financer certains de ses projets.

La RBS, un axe majeur

Bien que de nombreuses actions aient été menées en lien avec les Armées depuis les années 1980, la RBS ne s’est réellement développée au sein de la Gendarmerie qu’à partir de 1997. Elle s’est progressivement imposée dans le paysage, pour devenir aujourd’hui l’un des axes majeurs de la politique d’accompagnement des personnels blessés.

« Le sport fait partie de l’ADN de la gendarmerie, cela parle à nos blessés. L’objectif est de leur permettre, à travers le sport, de regagner confiance en eux, de retrouver un maximum de leurs capacités, de s’adapter à leur nouvelle anatomie, ou d’apprendre à vivre avec certaines séquelles, potentiellement importantes, pour retrouver une pleine autonomie. Dans le meilleur des cas, après la consolidation de leur blessure, ils pourront reprendre leur activité au sein de l’Institution, avec ou sans l’obtention d’une dérogation pour servir sur un poste adapté. Et si ce n’est pas possible, ou si le nouvel emploi n’est pas aussi satisfaisant que le militaire pouvait l’imaginer, ce dernier pourra être accompagné dans le cadre des emplois réservés ou d’un projet professionnel plus personnel », détaille le LCL Pélardy.

Neuf personnes en tenue de canyoning descendent une rivière au milieu d'une gorge rocheuse de couleur ocre.
© Gendarmerie Nationale - GND Samantha Vermeere

Des stages par thématique

Dans le cadre de son dispositif de RBS, la Gendarmerie propose ainsi chaque année, avec l’appui des unités de terrain, de la FMG et du tissu associatif, deux stages « Esprit de cordée », axés sur les activités de montagne, qui se déroulent à Chamonix (Haute-Savoie) ; deux stages « Cent’Or » d’équitation adaptée, organisés à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) ; et, depuis mai 2023, un stage « Aquaphénix », autour des activités aquatiques, organisé à Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales).

Deux stages « Ad Refectio », incluant cette fois les familles des blessés, sont également mis en place au Grand-Crohot (Gironde), dans les établissements de la FMG. Durant une semaine, de nombreuses activités sont proposées, en famille, entre militaires ou encore entre adultes. La dimension psychologique tient une large part, à travers notamment la mise en place de groupes de parole, entre conjoints, entre militaires et avec la chaîne d’accompagnement. L’objectif est de soutenir et de ressouder la famille, qui est également impactée lorsqu’un accident survient. D’ailleurs, depuis 2023, la prise en compte de l’aidant familial - le plus souvent le conjoint - est également mise en œuvre à travers un stage dédié, organisé deux fois par an.

Dans une volonté d’accompagnement et de bienveillance, ces stages protéiformes, encadrés par des gendarmes diplômés et des psychologues, poursuivent la même finalité : permettre, à travers une pratique adaptée de l’activité physique, la reconstruction des blessures, physiques et psychiques, mais aussi une resociabilisation et une réinsertion au sein de leur unité, et, in fine, le dépassement du traumatisme de la blessure. Des événements sportifs sont également organisés ponctuellement afin de valoriser le courage et la résilience de ces militaires, comme la participation de blessés à la course des gendarmes et des voleurs de temps en juin 2023, ou encore l’ouverture d’une étape du Tour de France en juillet 2024.

Dans ce même esprit de reconnaissance, une journée nationale de reconstruction par le sport, plus communément appelée « journée des Phénix », est organisée chaque année à l’automne depuis 2018. Elle réunit, à la Direction générale de la Gendarmerie nationale, les gendarmes ayant participé à un stage de RBS au cours de l’année, ainsi que leurs encadrants. Ces moments solidaires, d’entraide et de cohésion, sont très importants, tant pour l’Institution que pour tous les Phénix. En 2023, 150 militaires ont ainsi bénéficié du programme de RBS. Si certains peuvent « doubler » un stage, « l’idée n’est pas de fidéliser nos blessés sur ce dispositif. Au contraire, l’objectif est qu’ils retrouvent une dynamique, une pleine autonomie, leur emploi, et cela passe par le sport », précise l’officière. Dans leur parcours de reconstruction, certains découvrent ainsi des disciplines et s’y épanouissent pleinement, jusqu’à en approfondir la pratique lors des rencontres militaires (Rencontres militaires blessés et sports/ RMBS, Invictus Games) ou de compétitions civiles, même si la performance n’est pas l’objectif premier. L’an dernier, un seul gendarme, sur les sept ayant participé aux épreuves de présélection, a été retenu pour prendre part aux Invictus Games qui se dérouleront au Canada en 2025. « Il faut garder à l’esprit qu’il y a plus de candidats que de places. Il faut donc être prêts à gérer ce qui peut être perçu comme un échec. Il faut savoir accompagner sans générer de frustrations. »

Un homme en jean et pull bleu marine, une bombe d'équitation sur la tête, caresse un cheval que l'on voit de trois-quarts dos, dans un manège intérieur.
© Gendarmerie Nationale - GND Samantha Vermeere

À qui s’adresse le dispositif de RBS ?

Avec près de 10 000 blessés recensés en 2024, tous ne pourront pas bénéficier du dispositif de RBS. Alors qui peut y prétendre ? « Le programme est avant tout dédié aux blessures survenues en service, sans distinction entre blessure physique ou psychique. En théorie, il est évidemment ouvert à tous, mais en raison de nos capacités et des moyens dont nous disposons, nous sommes obligés de cibler les militaires qui sont le plus impactés. Toutes les blessures ne donnent pas lieu à des arrêts de travail de longue durée, précise le LCL Pélardy. Nous avons actuellement 150 militaires qui pratiquent la RBS au sein des dispositifs proposés par la Gendarmerie ou en interarmées, par exemple à travers les RMBS ou par l’intermédiaire du Cercle sportif de l’Institution nationale des Invalides (CSINI). »

La veille des messages Evengrave permet à la cellule d’aide aux blessés d’identifier les militaires, ou les familles, qui auront besoin d’un accompagnement, et de le mettre en place, selon le principe du « aller vers », c’est-à-dire dans l’application du principe de subsidiarité : « Au moment de l’accident, nous laissons les unités agir au plus proche de l’événement. La difficulté est d’accompagner ces militaires lorsque leur blessure s’inscrit dans la durée, avec les conséquences que cela peut induire, comme la perte du Logement concédé par nécessité absolue de service (LCNAS), explique l’officière. À l’échelon central, nous avons cette démarche du « aller vers » le militaire dans la durée, et de manière régulière, en lien avec les bureaux d’accompagnement du personnel en région, afin de suivre son évolution. Lorsque la blessure est consolidée, les militaires passent devant une commission pluridisciplinaire régionale qui émet un avis concernant la participation à la RBS. L’avis du médecin qui suit la personne est nécessaire, car il existe des pathologies qu’il nous serait impossible d’encadrer. En effet, il ne s’agit pas de stages médicalisés. Nous travaillons donc avec des militaires dont la blessure est consolidée, qui sont dans une dynamique de reprise d’activité ou qui ont déjà repris et ont encore besoin d’être confortés dans leur démarche. Cela peut les aider à s’interroger sur leur retour sur le terrain, et, par exemple, à choisir un poste en fonction de leurs capacités. »

Cette démarche « d’aller vers » évite aussi d’ajouter au parcours du blessé la lourdeur du parcours administratif et de rompre le lien avec l’Institution. « Au regard de l’engagement opérationnel actuel, on peut comprendre qu’il puisse parfois être compliqué pour les unités, notamment en raison des changements de personnels et de commandement entre le moment des faits et le retour du militaire, de faciliter cette réintégration. Notre rôle est de faire comprendre que cela peut arriver à tout le monde et que le blessé a toute légitimité à reprendre son activité. Notre accompagnement va aussi dans ce sens. Enfin, il arrive que nous fassions de l’écoute active pour trouver des solutions à des problématiques spécifiques. »

De nouvelles perspectives avec le village des blessés

Le dispositif de RBS n’a eu de cesse de se développer et a vocation à continuer sur cette dynamique, notamment à travers le futur village des blessés, qui devrait être opérationnel dès la fin du premier semestre 2025. Bâtie au cœur du CNDS, cette nouvelle structure, à laquelle la Gendarmerie contribue financièrement au côté des Armées, permettra à l’Institution d’accroître sa capacité d’accueil de militaires blessés dans le cadre du programme de RBS, et ce, dans un environnement adapté.

Dans cette perspective, la SDAP travaille sur trois axes de réflexion. Le premier consisterait à créer des stages supplémentaires de RBS. Le deuxième serait de mettre en place un stage dans le domaine de la santé mentale, afin de prévenir les cas de stress post-traumatique. Celui-ci permettrait de donner aux gendarmes des clés et des outils pour comprendre leur état et avoir connaissance des solutions existantes. Ce stage ciblerait dans un premier temps les personnels confrontés à la mort de manière réitérée, comme les techniciens en identification criminelle et les personnels des unités de recherches.

« L’état de stress post-traumatique fait partie des pathologies croissantes, il est insidieux et dormant. C’est certainement une pathologie propre à notre métier, liée à l’usure opérationnelle de certaines unités engagées de manière répétée sur des événements difficiles, comme la découverte de cadavre ou la pluralité de victimes. L’idée serait donc de créer un sas qui permettrait de libérer la parole et d’échanger sur ces difficultés, en étant accompagnés par les psychologues de la Gendarmerie. C’est une démarche vraiment innovante. Nous n’excluons pas non plus la possibilité de mettre en place, ponctuellement, des sas à l’attention d’unités fortement impactées par un événement particulier. »

Enfin, la dernière piste de réflexion concerne les aidants, c’est-à-dire les familles de blessés. Cette politique d’accompagnement dynamique des blessés témoigne également de la reconnaissance de la Gendarmerie, et plus largement de la Nation. La reconnaissance d’un engagement sans faille au quotidien pour assurer la sécurité du pays et de leurs concitoyens.

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