« La vocation des sports militaires a toujours été la préparation opérationnelle »
- Par le commandant Céline Morin
- Publié le 15 avril 2025

Entraînement physique et préparation mentale des militaires, sport de haut niveau, sport pour tous, reconstruction des blessés par le sport, le Centre national des sports de la Défense (CNSD) est un acteur central de la pratique sportive au sein des armées et de la Gendarmerie. Il participe également au rayonnement de la France dans le monde à travers le Bataillon de Joinville et l’Armée de champions qui contribuent au succès du sport français depuis des décennies. Le général Paul Sanzey, commissaire interarmées aux sports militaires et commandant du CNSD, revient sur les missions et les différentes actions menées par le centre.
Mon général, le sport tient et a toujours tenu une place importante dans la préparation opérationnelle des militaires des armées et de la Gendarmerie. Quel est aujourd’hui le rôle du CNSD auprès de ces institutions ?
Le CNSD est avant tout un centre de formation, fruit du regroupement de deux écoles, l’École interarmées des sports (EIS) et l’École militaire d’équitation (EME), qui sont toujours implantées sur deux sites distincts à Fontainebleau. Nous y dispensons des formations dans deux grandes familles de disciplines, d’une part, l’équitation militaire, et de l’autre, les domaines de l’entraînement physique, sous l’égide du Bataillon d’Antibes (B.A.). La vocation première du CNSD est la même qu’en 1852, quand l’école de gymnastique de Joinville a été créée, à savoir préparer les soldats à l’exigence et à la dureté du combat, mais aussi aux différentes missions que rencontrent les forces armées. À travers les époques, la vocation des sports militaires a toujours été de contribuer à la préparation opérationnelle, plus précisément sur le segment de l’entraînement physique et de la préparation mentale. Nous recevons à ce titre près de 1 000 stagiaires par an au sein des deux écoles, dans le cadre de stages de durée variable.
L’autre grand volet de notre action est porté par le Bataillon de Joinville (B.J.), unité historique elle aussi, avec une Armée de champions qui participe grandement à la renommée de la France dans les compétitions sportives internationales. En outre, aujourd’hui, comme en 1917, lorsque l’école de gymnastique de Joinville avait été rouverte pour s’occuper de la reconstruction des nombreux blessés du premier conflit mondial, le CNSD s’occupe également aujourd’hui de l’accompagnement des blessés par le sport, afin de les aider à retrouver leur place dans nos rangs, au sein des unités, ou tout simplement dans la société. Nous accueillons ainsi entre 800 et 900 blessés des armées et de la Gendarmerie, qui sont pris en charge par le département des blessés.
Au-delà de la condition physique nécessaire à la capacité opérationnelle des troupes, peut-on aussi parler d’un profond partage de valeurs entre le monde du sport et celui des armées ?
Le CNSD est avant tout une école. Notre rôle est d’inculquer la pratique du sport dans le cadre de l’apprentissage du soldat, au titre des réflexes et bonnes habitudes à adopter. Le sport prépare les corps et les esprits à l’exigence de l’entraînement opérationnel et des missions, mais il permet aussi de maintenir en condition physique nos cadres, nos engagés et nos gendarmes tout au long de leur carrière, y compris en administration centrale. Après quelques années passées derrière un ordinateur ou au volant d’un véhicule, on n’a plus forcément la même souplesse, la même aisance, la même agilité. Le sport est là pour nous aider sur ce volet santé. C’est ce que j’appelle le sport pour tous les militaires. Je ne sais pas si c’est une valeur en tant que tel, mais c’est un élément de base sur lequel reposent l’équilibre personnel et la carrière.
Ensuite, il peut être question de valeurs quand on parle d’esprit d’équipe, de fraternité d’armes, donc de solidarité avec les blessés, qui va de pair avec la volonté d’accomplir la mission ensemble et jusqu’au bout. C’est cette même cohésion que l’on retrouve au sein d’une équipe sportive et d’une unité militaire lorsqu’elles se mesurent à un adversaire, que ce soit dans le champ sportif ou dans des opérations militaires plus rudes. On peut alors effectivement parler de courage physique, de rusticité, de résistance à la douleur et même d’abnégation. De ce point de vue, le sport et l’entraînement physique sont finalement des simulateurs de mise en condition avant la mission ou des simulateurs de préparation mentale.
L’une des missions du CNSD, la plus connue peut-être, consiste à gérer et à animer, à travers le Bataillon de Joinville, les sportifs de haut niveau de la défense. Comment est structurée cette Armée de champions aujourd’hui, et quelle est sa place dans le paysage du sport français et international ?
Le Bataillon de Joinville a littéralement porté les succès du sport français pendant des années. Il a toutefois suffi de quelques années de coupure entre la fin de la conscription et la reconstruction du B.J. moderne avec des engagés, pour que celui-ci disparaisse du paysage médiatique. Aujourd’hui, le B.J. est vraiment la cheville ouvrière de l’accompagnement que l’État apporte au sport français en complément des fédérations, des ligues et des associations qui, au niveau local ou régional, pilotent la pratique du sport. Au niveau supérieur, le ministère des Armées et la gendarmerie nationale portent la performance de haut niveau jusque dans les championnats du Monde et les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), comme nous avons pu le constater à Paris en 2024, et avant ça à Tokyo. On peut dire, sans être présomptueux, que les forces armées françaises sont de loin le premier contributeur aux podiums olympiques français, et plus largement au paysage du sport français. Notre rôle, en tant que militaires des forces armées, est avant tout de défendre les couleurs de notre pays lors des championnats du Monde ou des Jeux. En 2019, l’Armée de champions comptait 150 sportifs de haut niveau. Dans la perspective des JOP de Paris 2024, nous sommes montés à 224, dont 35 para-athlètes, avec une large prépondérance de l’armée de Terre, qui représente près de la moitié des effectifs. Les disciplines estivales concentrent 172 athlètes valides et para-athlètes, tandis que 52 sont tournés vers les sports d’hiver. Je suis en relation avec 28 fédérations sportives, qui nous proposent des profils d’athlètes, que nous recrutons sous la bannière du Bataillon de Joinville. Cette sélection est rude, puisque j’ai environ cinq dossiers pour une place, ce qui nous assure un niveau de recrutement élevé. Les sportifs sont rattachés et soldés par une armée ou la Gendarmerie nationale, mais recrutés, gérés, administrés et accompagnés par le CNSD au quotidien. Celui-ci apporte un complément de formation dans les domaines où les armées ont une expérience et une expertise reconnues, notamment en matière de rusticité, de goût de l’effort etbde l’engagement, de gestion du stress grâce aux techniques d’ORFA, etc. Pour cela, nous faisons appel au talent là où il se trouve, et nous envoyons ainsi régulièrement nos sportifs de haut niveau en stage au sein du GIGN, des forces spéciales, des troupes de montagne, etc. Souffrir et aller jusqu’au bout ensemble forge la force du collectif et celle de chaque individu ; cette expérience est donc tout aussi essentielle aux sports individuels. Les mises en situation sont conçues pour les sortir de leur zone de confort et leur permettre de progresser sur les plans physique et mental. Cela permet également de détecter ceux qui sont plus à l’aise face à une difficulté, ceux qui doutent rapidement, ou encore ceux qui pourraient avoir des blessures cachées… Ce qu’on leur apporte, c’est un savoir-être, l’esprit de groupe et une maturité qu’ils n’ont souvent pas quand ils arrivent. D’ailleurs, le CNSD est aussi un centre de préparation pour certaines équipes françaises, comme celles de plongeon, d’haltérophilie et d’escalade, qui mettent à profit nos installations. Nous leur proposons un stage sur mesure, en fonction de leurs objectifs. C’est aussi une forme de reconnaissance de notre savoir-faire, de la qualité de nos installations et de l’écosystème sportif que l’on trouve ici, à l’abri de l’effervescence médiatique. C’est le lieu idéal pour renforcer la cohésion d’une équipe ou intégrer de nouvelles personnalités.
Un autre pan important de votre activité concerne le sport Élite, à savoir l’organisation de compétitions militaires nationales et la participation des équipes de France militaires aux épreuves internationales. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce volet ?
Entre le sport pour tous les militaires, qui intervient sur l’équilibre personnel, en mission et en dehors, et permet l’acquisition de savoir-faire techniques et tactiques, et le sport de haut niveau, il y a en effet ce que j’appelle le sport Élite, représenté par les meilleurs sportifs des forces armées, de la Gendarmerie et des directions et services. Nous les regroupons au sein d’équipes interarmées destinées à rencontrer nos homologues internationaux dans les compétitions militaires organisées en France ou à l’étranger. Nous obtenons là aussi de nombreux podiums. La France est une référence dans le concert des armées étrangères, et ce pour deux raisons. Ces équipes de France militaires sont avant tout composées des meilleurs éléments de chaque armée et de la Gendarmerie. Leur métier premier est d’être gendarme, marin, aviateur, terrien, ou de travailler au sein des directions et des services des forces armées. Reconnus pour les missions qu’ils sont capables d’accomplir sur le territoire national et sur les théâtres d’opérations extérieures, ils sont également sportifs d’élite à temps partiel. Certains militaires de carrière intègrent même la catégorie des sportifs de haut niveau et rejoignent par la suite l’Armée de champions en raison de leurs performances. C’est le cas de l’adjudant Daru, qui s’est qualifié pour le 3 000 m steeple aux Jeux Olympiques, après avoir fait une belle carrière de commando des troupes de montagne. Le deuxième facteur de réussite tient au fait que ces équipes sont entraînées collectivement par le CNSD. Nous comptons près de 46 équipes de France militaire masculines et féminines, couvrant 30 disciplines. Je remercie les forces armées et la Gendarmerie, qui libèrent leurs militaires pour participer aux compétitions et qui les accompagnent et les soutiennent.
Le CNSD participe également au dispositif des armées et de la Gendarmerie de reconstruction des blessés par le sport. Comme cela se traduit-il ?
La responsabilité de la reconstruction des blessés au sens large incombe aux chefs d’état-major et à la chaîne hiérarchique de chacune des armées et de la Gendarmerie. Le CNSD joue quant à lui un rôle de tour de contrôle concernant la pratique du sport dans ce cadre. Il s’agit d’une mission ancienne, qui a repris vigueur avec le déploiement de nos forces en Afghanistan, théâtre ayant généré un grand nombre de blessés. Nous travaillons en étroite collaboration avec les cellules d’aide aux blessés des trois armées, de la Gendarmerie, du service de santé des armées, à qui nous apportons notre expertise et notre soutien. Grâce à nos structures, ici, à Fontainebleau, qui comprennent une piscine, des salles de sport, un mur d’escalade, etc., nous proposons différents stages, qui accueillent chaque année entre 800 et 900 militaires. L’objectif est de permettre au blessé de se (re)découvrir, de réapprendre à vivre avec son propre corps après la blessure, à travers la pratique de sports collectifs ou de disciplines nouvelles. Nous sommes d’ailleurs en contact avec des fédérations qui guident les blessés qui le souhaitent dans le choix d’une pratique sportive, puis nous les aidons à trouver un club sportif près de chez eux pour poursuivre cette pratique s’ils le désirent. Porter les couleurs de son équipe et de la France lors des rencontres internationales comme les Invictus Games est aussi une source de fierté pour le militaire blessé, qui retrouve ainsi son réflexe de défendre les couleurs françaises. Ces confrontations sportives offrent à certains l’opportunité d’avoir une vision totalement nouvelle d’eux-mêmes et de leurs capacités, de sortir de leur statut de victimes de blessure pour retrouver celui d’ambassadeur de notre armée. En termes de confiance et d’estime de soi, cela n’a pas de prix. J’ai souvent entendu les blessés évoquer un sentiment d’utilité retrouvé. C’est pour cette raison que le village des blessés, qui devrait être opérationnel à la fin du premier semestre 2025, constituera une véritable avancée dans le parcours de reconstruction des blessés par le sport. Non seulement il permettra d’accueillir à terme plus de blessés, y compris des personnes lourdement appareillées et des grands invalides, mais il permettra surtout d’accueillir en même temps quelques membres de leur famille. Cette évolution est le fruit d’une observation très concrète : quand la famille d’un blessé se trouve parmi les spectateurs au bord du terrain de sport, une alchimie s’opère. Nous sommes donc très heureux que l’armée de Terre et la Gendarmerie se soient associées pour financer une grande partie de ce village et que des mécènes extérieurs soient venus compléter le budget. C’est une belle cause au profit de personnes blessées dans l’accomplissement de leur devoir au service de la France et des Français.
Notre seconde mission, en tant que tour de contrôle, consiste à coprésider, avec le SSA, le comité ministériel de labellisation des stages envisagés par les armées et la Gendarmerie, qu’ils soient réalisés au sein de chacune des institutions ou du CNSD, de façon à avoir une vue d’ensemble et à rationaliser le plus possible l’existant. Nous essayons en effet de tirer profit des bonnes pratiques de chacun, de mettre les services en relation et de fédérer ce qui peut l’être, afin de répondre au mieux à l’ensemble des demandes, même si nous sommes conscients qu’il nous sera difficile de satisfaire toutes les attentes, compte tenu du grand nombre de blessés, en particulier psychiques. La priorité est de parvenir à tous les détecter, notamment ceux qui ne se manifestent pas spontanément. À cet égard, nous nous appuyons énormément sur le réseau des blessés eux-mêmes. En outre, le CNSD mène une troisième action moins connue : nous accueillons des blessés qui ont perdu tout lien avec leur armée d’origine. Ces derniers n’ont pas à se justifier pour se faire connaître du CNSD et participer, dans la mesure de nos moyens, à des stages, même s’ils ont quitté les armées depuis des années. La reconstruction des blessés par le sport ne consiste pas seulement à leur donner la capacité de retrouver une certaine autonomie personnelle. Il s’agit aussi de leur donner des occasions et des idées de reconstruction dans l’action, comme devenir un guide pour les jeunes blessés qui sortent à peine de la blessure et qui doutent encore. Quoi de mieux que de tendre la main à ces jeunes camarades moins expérimentés ? Ils sont aussi d’excellents ambassadeurs vers notre jeunesse, pour laquelle leur témoignage est un puissant exemple. Ils font vivre et rayonner nos valeurs très clairement.
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