Le bras armé de l’outre-mer

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 29 décembre 2021
Nouvelle-Calédonie.
© F. Balsamo

Présente outre-mer à hauteur de vingt escadrons, à même d’intervenir sur un large spectre opérationnel, la gendarmerie mobile est un élément de manœuvre essentiel pour ces commandements territoriaux implantés à des milliers de kilomètres de la métropole.

Saint-Pierre-et-Miquelon, Guadeloupe, Martinique, Guyane française, La Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française : 120 370 km2 de terre française répartis en plusieurs points du Globe, de l’Atlantique nord aux eaux du Pacifique, en passant par la côte nord-est de l’Amérique du Sud, la mer des Caraïbes et l’océan indien.

Compétente sur 98 % de ce territoire et responsable de la sécurité de 70 % de ses 2,8 millions d’habitants (près de 5,5 % de la population française), la gendarmerie y est organisée en neuf commandements (COMGEND), qui disposent d’une grande autonomie opérationnelle. En effet, afin de leur permettre d’apporter, en premier échelon, et ce en dépit de leur éloignement, une réponse immédiate et adaptée à toutes les problématiques de sécurité intérieure, des missions de Sécurité publique générale (SPG) aux opérations de Maintien de l’ordre (M.O.) public et de Rétablissement de l’ordre (R.O.), voire de contre-terrorisme, la majorité est dotée d’une large palette de moyens humains et matériels, lesquels, en métropole, peuvent relever du niveau départemental, régional, voire national.

« Les COMGEND sont de véritables boîtes à outils, au sein desquelles viennent parfaitement s’intégrer les vingt Escadrons de gendarmerie mobile (EGM) déployés en permanence outre-mer », décrit le général de corps d’armée Jean-Marc Descoux, à la tête du Commandement de la gendarmerie d’outre-mer (CGOM). Tous, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, où le dispositif territorial se suffit à lui-même, bénéficient de ce renfort, plus ou moins conséquent au regard des problématiques locales. Avec six EGM à temps plein, la Guyane accueille le déploiement le plus important, suivie de la Nouvelle-Calédonie, avec cinq unités, quand Wallis-et-Futuna se satisfait d’un détachement de onze G.M. Ce sont donc près de 1 500 militaires qui, par cycle de trois mois, renforcent au quotidien les 4 000 personnels affectés outre-mer (le nombre total de personnels correspond à 5,5 % l’effectif global de la gendarmerie, NDLR).

Ce socle peut évoluer en fonction d’événements particuliers, programmés (voyages officiels, référendums…) ou non (mouvements sociaux, catastrophes naturelles…), soit en procédant à une bascule de forces entre ces territoires, pour une durée limitée, comme cela s’est dernièrement produit entre La Réunion et Mayotte ou sur l’arc Antillais, soit en projetant des unités depuis la métropole.

À l’exception là encore de Wallis-et-Futuna, mais aussi de Saint-Pierre-et-Miquelon, où la situation sécuritaire ne le nécessite pas, les COMGEND sont également dotés de Véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), à même de garantir des interventions en sécurité, face à un adversaire qui peut se montrer violent. Ils sont d’ailleurs très régulièrement employés en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, pour protéger les personnels des prises à partie par armes à feu ou caillassage et dégager les axes entravés. Enfin, la Guadeloupe, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte bénéficient chacune de la présence d’un Groupement tactique de gendarmerie, ou GTG, confié à un Groupement de gendarmerie mobile (GGM).

« Avec l’injection de près du tiers de la ressource (l’emploi moyen est de 75 EGM par jour, NDLR), le CGOM se trouve être le plus gros employeur de la G.M. C’est un effort conséquent, mais indispensable, consenti au quotidien », poursuit le général, avant d’insister : « Le prépositionnement de la G.M. est la garantie d’un service public de sécurité complet dans les mains du COMGEND, et même dans celles du préfet, puisqu’en cas de troubles à l’ordre public en zone police, où se concentrent les différentes manifestations sociales, après l’intervention de la police en premier échelon, il sera très vite fait appel au dispositif G.M. et à son expertise, pour traiter, de la façon la plus professionnelle possible, des missions de R.O., dont la sensibilité requiert l’emploi d’un outil dédié. Plus largement, la G.M. est un formidable outil de gestion de crise, quelle qu’en soit la nature, de part la robustesse et le professionnalisme de ses militaires, mais aussi leur disponibilité totale le temps de leur séjour, à laquelle s’ajoute l’absence de contraintes de soutien familial sur place. Ils sont le cœur de la résilience ! »

Le couteau suisse de la boîte à outils

Si elle reste toujours en mesure de basculer en configuration M.O./R.O., au quotidien, sa principale mission reste la sécurité publique générale, que les militaires assurent dans le cadre de renforts au sein des brigades, notamment des unités très isolées, comme en forêt guyanaise ou sur les îles du Pacifique nord, ou par le biais de Détachements de surveillance et d’intervention (DSI).

Ces derniers permettent d’appuyer les dispositifs territoriaux, sur un secteur donné et pour un temps limité, par exemple là où l’on observe un phénomène de délinquance croissant, ou à l’occasion de missions nécessitant un dimensionnement adapté, à l’instar d’opérations de contrôles en ZSP ou de services d’ordre liés à des événements festifs... La G.M. vient donc « oxygéner » le dispositif territorial mis en tension par une sollicitation opérationnelle souvent très lourde. Très souvent, afin de renforcer leur efficience, les DSI sont appuyés par des réservistes opérationnels, qui vont aider ces unités déplacées à mieux appréhender chaque territoire, leur population et leur culture.

Certains COMGEND sont aussi le théâtre de missions atypiques confiées aux gendarmes mobiles. Ainsi, en Guyane, un EGM participe à la sécurisation du centre spatial guyanais, tandis qu’un autre est pleinement intégré à la mission harpie de lutte contre l’orpaillage illégal. À Mayotte, les unités déplacées interviennent aussi dans le cadre du plan Shikandra, de lutte contre l’immigration clandestine, en renfort des dispositifs maritime et terrestre.

Enfin, les G.M. sont également engagés de manière significative dans les missions de transfèrements judiciaires, et ils participent aussi, dans une moindre mesure, à diverses actions conduites par les COMGEND, comme les formations à l’attention des GAV, des réservistes ou encore des préparations militaires gendarmerie.

L’excellence de la G.M. reconnue

La G.M. est donc indissociable de l’outre-mer. Depuis des décennies, elle fait ses preuves au quotidien dans la lutte contre la délinquance, particulièrement aux Antilles et en Guyane, ou encore contre la violence à Mayotte. Elle s’est aussi démarquée à de multiples reprises sur des événements d’ampleur, que ce soit les émeutes en Guadeloupe en 2009, pendant la crise de la vie chère à Mayotte en 2011, après le passage de l’ouragan Irma sur l’arc antillais en 2017, ou plus récemment, en décembre 2020, toujours en Nouvelle-Calédonie, pendant les exactions faisant suite à la vente d’une usine de Nickel…

Et les sollicitations risquent de ne pas manquer dans un futur proche. Le CGOM et la direction générale de la gendarmerie (Centre national des opérations et Sous-direction de l’emploi des forces) anticipent en effet la tenue du troisième référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie le 12 décembre 2021. Mayotte reste également un point de vigilance, au regard des multiples tensions engendrées par la pression démographique sur l’île, de même que la forêt amazonienne, où l’augmentation du cours mondial de l’or ne manquera pas de susciter un regain d’activité pour l’orpaillage illégal.

Alors même que l’outre-mer voit passer quasiment toute la G.M. en un peu plus d’un an, que ses effectifs sont eux-mêmes en constante évolution, que ces militaires sont déployés dans des environnements qu’ils ne connaissent pas, face à des situations souvent compliquées, voire très violentes, particulièrement à l’encontre des forces de l’ordre (l’outre-mer enregistre plus d’un quart des violences commises sur des gendarmes et 46,5 % des agressions avec armes, NDLR), que ces violences sont en grande partie absorbées par la G.M. au regard de sa forte exposition, celle-ci, reconnue pour son professionnalisme dans les situations dégradées, apporte « une réponse d’excellence, puisqu’elle ne fait pas débat, ni sur le plan judiciaire, ni sur le plan médiatique, ni sur le plan moral et social », insiste le général Descoux, confiant n’avoir eu qu’une seule mise en cause depuis sa prise de commandement en 2019, interrogeant sur la proportionnalité de la réponse par rapport à l’événement. « La G.M. contribue ainsi à procurer, sur nos territoires ultramarins, une offre de sécurité cohérente et adaptée aux attentes de la population ultra-marine, désireuse d’un service public efficient et juste. »

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