FIEP : l'association des gendarmes du monde

  • Par la lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 21 septembre 2023
Dans un amphithéatre en rond, les hautes autorités de polices européennes en table ronde. A gauche les drapeaux européens, français, espagnol, italien, portugais. Au plafond, de part et d'autre, deux écrans "Inititive G4"
© SIRPA-G - GD B. Lapointe

Association de gendarmeries du monde, la FIEP a été fondée, il y a 29 ans, autour de quatre grands pays, dont elle a hérité le nom (France, Italie, Espagne et Portugal). Aujourd’hui, devenue une entité de premier plan dans la réflexion des forces de police à statut militaire, elle compte vingt pays.

En 1994, confrontées à des phénomènes de délinquance et de criminalité communes et à un fort dualisme police – gendarmerie, les forces de sécurité intérieure à statut militaire de France, d’Italie et d’Espagne se réunissent et fondent la toute première association de gendarmeries européennes. Deux ans plus tard, la garde nationale républicaine du Portugal rejoint le mouvement. La FIEP, acronyme des quatre pays, est alors créée.

Au fil des ans, d’autres forces de gendarmerie, basées sur le même modèle que celui des pays fondateurs, vont rejoindre les rangs de l’association. De petite association de quatre gendarmeries européennes, la FIEP est devenue, en 29 ans, un réseau fort et structuré, recherchant le renforcement de la coopération entre ses membres, pour répondre aux enjeux de sécurité de demain, notamment par l’échange de bonnes pratiques et de savoir-faire techniques et tactiques, assurant ainsi la pertinence du « modèle gendarmerie », présent dans 46 pays du monde.

Un cercle de réflexion structuré

En montant en compétences et en nombre, la FIEP s’est, au fil du temps, « professionnalisée » et structurée. À sa tête, un pays, désigné par les autres membres pour une durée d’un an, en assure la présidence. Les représentants de chaque pays membre, à hauteur d’un par État, réunis en commission, en assurent le fonctionnement structurel. Durant son année de présidence, qui débute en octobre, lors de la réunion du conseil supérieur de la FIEP, la force choisie va avoir une mission centrale : le choix du thème qui sera débattu en séance durant l’année à venir. L’Espagne, qui détient la présidence de l’association depuis octobre 2022 et jusqu’en octobre 2023, a ainsi choisi pour thème l’impact d’un conflit régional sur la sécurité publique.

Pour échanger autour de cette thématique, les vingt forces de gendarmerie membres de la FIEP se retrouvent quatre fois par an à l’occasion de quatre grandes commissions, abordant chaque fois un volet bien précis en lien avec le thème central : ressources humaines, affaires internationales, organisation des services pour faire face, par exemple, aux menaces émergentes liées à ce type de conflit et, enfin, nouvelles technologies. Lors de chacune de ces commissions, organisées dans des villes hôtes de pays différents (Sénégal, Qatar, France et Djibouti pour cette année), chaque force est représentée par au moins deux gendarmes. Le premier est le point de contact national. Rattaché pour la France au CGMEx (Commandement de la Gendarmerie pour les Missions EXtérieures), cet officier est présent à chacune des quatre réunions. Avec les autres points de contact nationaux des autres forces membres, ils assurent le suivi des affaires courantes, étudient les dossiers de candidature, identifient au sein de la gendarmerie les militaires experts pouvant intervenir lors des commissions et préparent le conseil supérieur annuel.

Ces vingt points de contact nationaux ont tissé, au fil du temps, un réseau privilégié, permettant l’appui, le conseil et la montée en puissance de toutes les gendarmeries. L’autre militaire convié à prendre part aux commissions de la FIEP est un gendarme expert. Attaché à un service de la gendarmerie, il va intervenir sur une thématique précise, en lien avec le sujet de la commission. Des interventions d’une grande richesse, qui permettent aux forces de gendarmerie présentes d’observer les savoir-faire, la structure et le fonctionnement de leurs homologues, afin de s’en inspirer. Lors des commissions, tous les experts des forces présentes réalisent une présentation qui peut être suivie ou non de débats. Ces interventions durent généralement plusieurs jours et sont, pour les vingt gendarmeries partenaires, une sorte de Think Thank, véritable source d’idéation et de transformation pour ces forces de police à statut militaire. À la suite de l’Espagne, dont le mandat se termine dans quelques mois, l’Italie accédera pour un an à la présidence de la FIEP, avant de laisser la place à la France en 2024.

Trois chefs de police dont le directeur général de la gendarmerie nationale effctuent la revue des troupes. A droite, les troupes: des gendarmes mobiles en tenue de cérémonie présenant les armes
© SIRPA-G - GD B. Lapointe

Des conditions d’intégration strictes

Pour intégrer la FIEP, le pays candidat doit remplir un critère majeur : être une force de police à statut militaire, exerçant des missions de police, sous l’autorité de la justice, et des opérations de maintien de l’ordre public, sous le contrôle d’une autorité civile. S’il répond à ce critère, il doit ensuite passer plusieurs étapes.

Tout d’abord, des représentants de la force requérante doivent venir présenter son statut et ses missions au cours d’une commission. Ensuite, une équipe, composée des représentants de plusieurs pays membres de la FIEP, effectue une mission d’évaluation au sein de la force candidate, avant d’émettre ou non un avis favorable. Un cap qu’a passé, en novembre 2022, l’arme des carabiniers moldaves, en attente d’adhésion.

À la suite de cette mission, si le conseil supérieur accepte l’admission de la force, le statut d’observateur lui est accordé, en général pour un an, afin de vérifier les similitudes structurelles et les affinités institutionnelles du candidat. San Marin, en tant que pays observateur, est actuellement dans cette phase du processus. À la fin de la période d’un an, et sur décision du conseil supérieur, si les deux parties le souhaitent, la force observatrice devient membre associé et intègre alors officiellement le réseau dense et extrêmement enrichissant de cette association de gendarmeries du monde qu’est la FIEP.

France, Italie, Espagne, Portugal : le noyau dur

En marge des échanges et des commissions entre ces vingt pays, quatre membres de la FIEP ont développé, au fil du temps, des liens renforcés et privilégiés, qui s’expliquent par une proximité historique et géographique (frontières communes), par un modèle de dualité police-gendarmerie identique, et par des phénomènes de délinquance et de criminalité étroitement liés. Ces quatre pays, sorte de noyau dur de la FIEP, sont les quatre forces fondatrices de cette association : la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal.

Appelées « initiative G4 », elles se retrouvent régulièrement pour échanger sur des problématiques liées à trois grands enjeux majeurs de notre époque : la cybercriminalité, la criminalité environnementale et la formation. « L’enjeu est de porter collectivement ces concepts de nouvelles frontières, avec l’idée d’anticiper les futures menaces et de consolider l’expertise de ces quatre forces, par exemple en matière de lutte contre lacriminalité environnementale, pour laquelle les gendarmeries du G4 ont développé une expertise reconnue au niveau européen et international », explique le colonel adjoint au chef du Pôle des affaires européennes et internationales (PAEI) de la gendarmerie nationale, avant de poursuivre : « L’intérêt du G4 est de pouvoir traduire concrètement, et plus facilement, ces initiatives, à l’instar de la formation commune des quarante jeunes cadets de la gendarmerie, de l’arme des carabiniers, de la garde civile espagnole et de la garde républicaine portugaise, en juillet 2023, à  Florence. »

Pour cela, le renforcement de la coopération et de l’interopérabilité entre les unités est central et prend toute son acuité dans les bassins de vie transfrontaliers, comme c’est le cas dans les Pyrénées, entre les gendarmes français et les gardes civils espagnols. Sur ces points-là, le sujet de la formation est au centre des échanges. Déjà développé sur la formation des cadres, notamment via le CEPol (collège de formation des polices européennes), l’enjeu est de créer une culture européenne commune des forces de sécurité intérieure, au travers de la formation initiale des forces de police à statut militaire, afin d’être plus rapidement interopérables, mais aussi au travers de formations thématiques sur la lutte contre la cybercriminalité et la criminalité environnementale, pouvant être ouvertes, le cas échéant, aux forces de police à statut civil, afin que les forces de type gendarmerie puissent coopérer avec toutes les forces de sécurité intérieure.

Cette recherche d’interopérabilité et ces échanges de bonnes pratiques au niveau de l’« initiative G4 », mais aussi et surtout au niveau des vingt membres, sont les deux plus grandes forces de la FIEP. Elles offrent un regard et des connaissances d’une grande richesse, qui permettent de comprendre les phénomènes de criminalités transnationales, non plus sous le seul prisme régional, mais au travers d’une vision globale. Un changement de paradigme, nourri de l’expertise de ces vingt forces de gendarmerie, du fin fond du Brésil aux Pays-Bas, de Djibouti à l’Italie.

A noter

Les 20 membres qui composent la FIEP sont issus des pays suivants : la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Turquie, les Pays-Bas, le Maroc, la Roumanie, l’Argentine, le Chili, la Jordanie, le Qatar, la Tunisie, le Brésil, la Palestine, l’Ukraine, Djibouti, le Sénégal, le Koweït et San Marin (observateurs depuis octobre 2022). La Moldavie, en processus d’admission, pourrait devenir le 21e membre.

Contacter la gendarmerie

Numéros d'urgence

  • Police - Gendarmerie : 17
  • Pompier : 18
  • Service d'Aide Médicale Urgente (SAMU) : 15
  • Sourds et malentendants : www.urgence114.fr ou 114 par SMS
  • Urgence Europe : 112

Sécurité et écoute

  • Enfance en danger : 119
  • Violences conjugales : 39 19
  • Maltraitance personnes âgées ou en situation de handicap : 39 77

Ces contenus peuvent vous intéresser