Dossiers

Une unité de traditions

Auteur : la capitaine Marine Rabasté - publié le
Temps de lecture: ≃7 min.
© GND S. Vermeere

À travers son histoire, le GIGN s’est construit une véritable identité, empreinte de symboles et de valeurs fortes. Adoptés par l’ensemble de ses membres, ceux-ci font partie intégrante de la vie de l’unité.

Depuis presque cinquante ans, le GIGN fascine. Avant sa création, en 1974, la France ne dispose pas d’unité d’intervention capable de libérer les otages, sans effusion de sang. Deux prises d’otages dramatiques, survenues en France en 1969 et 1971, viendront mettre en exergue les conséquences de ce manque. L’idée de la nécessité d’une unité d’intervention spécialisée commence alors à germer dans l’esprit de celui qui créera le Groupe quelques années plus tard, le lieutenant Christian Prouteau. Le déclencheur intervient cependant en 1972, lors des Jeux olympiques de Munich. La création d’une unité capable de faire face à des événements d’une telle ampleur et de défendre les intérêts de la France devient urgente. En 1974, le GIGN voit le jour. Depuis, le Groupe s’est forgé une identité forte, fruit de l’action des hommes qui l’ont composé et le composent encore. Traditions et symboliques conditionnent l’unité et contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance à un « groupe », uni et soudé face aux missions extrêmes que ses membres sont amenés à réaliser.

Des interventions qui ont façonné le GIGN

Loyada, La  Mecque ou encore Marignane sont des noms ancrés dans l’histoire du GIGN. Ils représentent les engagements les plus marquants de l’unité, ceux qui ont contribué à faire d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. En février 1976, à Djibouti, quatre indépendantistes armés du Front de libération de la côte des Somalis prennent en otage un bus scolaire transportant les enfants des militaires français. Rapidement, neuf militaires du GIGN sont déployés sur les lieux pour y mettre fin. Après plusieurs heures, les tireurs d’élite abattent les terroristes. Malheureusement, deux fillettes ont été tuées. Mais 29 enfants ont pu être libérés grâce à cette intervention. Trois ans après, en 1979, une tragique prise d’otages a lieu à La  Mecque, lorsque des terroristes prennent d’assaut la Grande Mosquée, séquestrant des milliers de fidèles. Face à ce coup d’État d’ampleur, orchestré contre la monarchie saoudienne, le GIGN est appelé en renfort. Mais un obstacle de taille apparaît rapidement : la Grande Mosquée est interdite aux non-musulmans. Les trois militaires du Groupe vont alors concevoir une intervention sur plan et former, dans un temps très court, les gardes saoudiens afin qu’ils réalisent la manœuvre. Grâce à leur capacité d’adaptation, ils ont permis de mettre fin à la prise d’otages la plus sanglante de l’histoire. Enfin, le 24 décembre 1994, à Alger, trois terroristes prennent en otage les 227 passagers d’un vol à destination de Paris. Exigeant le décollage de l’avion vers Paris, ils tuent trois personnes. Après près de 54 heures de négociations, sur le sol majorquin, puis français, le GIGN donne l’assaut. En un quart d’heure, les terroristes sont neutralisés et les otages évacués.

Mais en presque 50  ans d’existence, de nombreuses autres interventions du GIGN, mais aussi de l’EPIGN, ont également marqué les esprits, telles que l’assaut de Dammartin-en-Goële ou encore l’évacuation de l’ambassade de Libye, de Brazzaville, de la République de Côte d’Ivoire...

L’intégration à l’unité

L’intégration des jeunes recrues au sein du GIGN est marquée par des temps forts, dont chaque opérationnel se souvient. Après six  mois de formation intense, les stagiaires se voient remettre le revolver Manhurin 73, arme de tradition du GIGN, et le fusil. « Le MR 73 représente parfaitement l’école de la discipline du feu qu’est le GIGN. Avec un barillet dont la capacité est seulement de six cartouches, il montre qu’il est important d’apprendre qu’utiliser son arme n’est jamais un geste banal et que chaque coup tiré doit être mûrement réfléchi », explique le général Ghislain Réty. C’est également le moment de remise de la fourragère, l’un des emblèmes du GIGN, obtenue par l’unité à la suite de ses missions en opérations extérieures, aux côtés des forces armées, en Côte d’Ivoire, en Afghanistan et en Libye. Cette cérémonie marque la fin de la période probatoire. Les stagiaires sont accueillis comme des frères d’arme.

© Sirpa Gendarmerie - GND B. Lapointe

Le point d’orgue de l’intégration au sein du Groupe demeure la remise des brevets, à l’issue des douze mois de formation. « C’est un moment historique dans la carrière d’un opérationnel, qui se déroule devant tous les brevetés  », ajoute le commandant du GIGN. La cérémonie se termine par un événement emblématique du Groupe : le tir de confiance. Devant l’ensemble des brevetés, chaque nouvelle recrue vise une cible placée sur le gilet pare-balles d’un camarade. Cette ultime épreuve illustre l’excellence, le don de soi et la capacité à prendre des risques. Elle traduit également la confiance que placent entre eux les membres du GIGN.

La vie, une valeur centrale

« S’engager pour la vie », une devise lourde de sens. Les membres doivent être préparés à l’éventualité de la mort. S’engager au Groupe requiert une exigence forte vis-à-vis de soi. Dans le contre-terrorisme et la gestion des crises les plus extrêmes, la mort ne peut être niée. Chaque membre sait qu’il peut laisser sa vie.

S’engager pour la vie, c’est aussi faire le don de sa personne au profit d’un groupe. « Les individualités n’ont pas leur place, elles doivent s’effacer au profit du groupe. L’intelligence collective est recherchée. Dans des missions de haute intensité, il est indispensable que le groupe agisse ensemble et se fasse confiance  », indique le commandant du GIGN.

De cet engagement découle le principe de respect de la vie humaine, au cœur de l’action de l’unité. Même dans les situations les plus extrêmes, l’usage des armes doit être reculé au maximum, afin de protéger la vie de l’ensemble des personnes présentes. Chaque geste, chaque décision doivent être réfléchis et mesurés. Cela passe par des valeurs fortes telles que le dépassement de soi, le sens du devoir et la capacité de donner sa vie, d’aller jusqu’au sacrifice ultime.

"S'engager pour la vie", une devise lourde de sens.

© Sirpa-G - F. Garcia

L’adaptation au GIGN 3.0

Avec le rattachement des antennes GIGN le 1er août 2021, le GIGN a fait évoluer son identité et créé une symbolique et des traditions communes. «  La création d’un sentiment d’appartenance à une même unité était indispensable. Penser une identité commune a été un grand travail dans la réforme du GIGN 3.0, précise le général Réty. Il a fallu intégrer aux traditions et à l’histoire du GIGN, celles des antennes métropolitaines et celles des antennes ultramarines, qui sont déjà différentes.  » À commencer par l’écusson. Avec son parachute sur fond bleu, celui du GIGN est emblématique et identifiable par tous. « La rondache était la seule à être portée par les membres du GIGN. Mais les antennes ne sont pas des troupes aéroportées et ne pouvaient donc pas arborer le même symbole. » Un nouvel écusson a donc été conçu afin d’être porté communément par le GIGN de Satory et les antennes, en plus de leur rondache propre.

Pour chaque symbole du GIGN, un travail a été fait afin de déterminer s’il devait également être adopté par les antennes. Ces dernières pourront donc également porter la fourragère. «  Pour cela, nous avons consulté le Service historique de la défense nationale, qui nous a précisé que la fourragère était portée par l’ensemble des militaires de la formation administrative  », explique le commandant du groupe. De même, le fanion de l’unité a été harmonisé et une force antennes ainsi qu’un brevet intervention spécialisée ont été créés. L’histoire est également centrale pour le GIGN. Le devoir de mémoire et le souvenir des anciens sont primordiaux. Quid du monument aux morts de la caserne Pasquier, à Satory ? Devait-il intégrer les morts des antennes  ? Et cela ne concernait-il que le nom des décédés à compter du 1er août 2021 ou également ceux disparus antérieurement ? « Nous avons décidé que chaque caserne conserverait son monument aux morts, notamment afin de pouvoir rendre hommage aux décédés localement », explique le général. Quant au saint patron du GIGN, Saint Michel, il devient également celui des antennes. La traditionnelle fête de la Saint Michel sera dès lors célébrée par le GIGN dans son ensemble, et ses près de 1 000 membres.

Par la création du GIGN  3.0 et le rattachement des antennes, c’est donc désormais un nouveau chapitre de l’histoire du Groupe qui débute, après celui ouvert par le général Denis Favier en 2007, avec le GIGN 2.0.