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Un rayonnement à l’international

Auteur : le lieutenant Floriane Hours - publié le
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© GIGN

Force de sécurité intérieure, la gendarmerie nationale est aussi un acteur incontournable de la scène internationale, notamment à travers cette unité bien spécifique qu’est le GIGN, dont les relations internationales sont gérées par un bureau dédié.

Directement rattachée au commandant du GIGN et en lien étroit avec le Pôle affaires internationales (PAI) de la direction générale de la gendarmerie, la cellule des relations internationales du GIGN a été créée le 1er septembre 2007. Les missions de cette division, comprenant un officier et un sous-officier, sont triples : coordonner l’ensemble des actions de coopération et de formation du groupe à l’international, s’assurer de la répartition des personnels du GIGN 3.0 sur les territoires étrangers et concevoir puis mettre en œuvre les partenariats internationaux propres au Groupe. Des actions qui, au-delà de la simple création de partenariats étrangers, participent au rayonnement du savoir-faire français en matière de sécurité, et cela au travers de plus de 120 missions menées chaque année. Ces dernières s’incarnent sous trois formes : la création et le renforcement de partenariats bilatéraux, la réalisation d’actions de coopération technique, en lien avec la Direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS), et la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), et, enfin, des échanges de compétences techniques et tactiques, via notamment des échanges multilatéraux avec plusieurs réseaux européens et transcontinentaux.

Partenariats bilatéraux : du gagnant-gagnant

Chaque année, dans l’emploi du temps des différentes forces opérationnelles du GIGN, sont inscrits des temps forts avec d’autres forces d’intervention étrangères. Des échanges bilatéraux de deux types : des rendez-vous majeurs réguliers et d’autres ponctuels. Réalisés sous la forme d’immersions, les premiers sont planifiés plusieurs fois par an auprès d’autres unités d’intervention et de contre-terrorisme ayant des modes opératoires et des technicités biens particulières, opérant aux quatre coins du monde, de l’Asie à l’outre-Atlantique, en passant par l’Europe et l’Afrique. Lors de ces rencontres, le GIGN et les unités partenaires, aussi appelées « unités sœurs », réalisent des entraînements conjoints, des échanges sur leurs modes opératoires et leurs technicités, ainsi que des RETEX (Retours d’Expérience) communs sur des opérations réalisées par l’un des deux acteurs et pouvant apporter à l’autre une plus-value opérationnelle. Ces échanges réguliers, concernant en moyenne cinq à six militaires du GIGN, viennent enrichir les process tactiques et techniques des forces opérationnelles, dans les domaines du contre-terrorisme, de la lutte contre la criminalité organisée ou des savoir-faire techniques, comme l’ouverture fine, l’emploi des maîtres de chien, l’effraction chaude, etc. Principalement issus de la F.I., les gendarmes qui y participent affichent des profils variés, des anciens de l’unité aux plus jeunes, afin de « varier les équipes et de diffuser plus largement l’expérience au sein des sections de la F.I. », précise le lieutenant à la tête de la CRI.

Le GIGN entretient également des liens bilatéraux ponctuels avec des unités ciblées, dans une logique transfrontalière, pour envisager, dans les meilleures conditions, toute opération conjointe sous le signe de l’urgence. C’est le cas avec le GSG9 allemand (première unité de contre-terrorisme créée à la suite des attentats de Munich en 1972, dont la coopération bilatérale avec le GIGN a été relancée en octobre 2019), la DSU belge (Direction des Unités Spéciales, reconnue pour sa capacité d’analyse prospective, avec laquelle le GIGN travaille en étroite collaboration), la UEI espagnole (Unidad Especial de Intervencion, unité d’intervention historique), l’unité spéciale de la police des Pays-Bas ou le SBS du Royaume-Uni (Special Boat Service, spécialisé dans le contre-terrorisme maritime). Ces différentes unités, avec lesquelles le GIGN a noué des liens de partenariat étroits, sont soit des forces d’intervention et de contre-terrorisme équivalentes au GIGN, comme les carabiniers italiens ou la guardia civil espagnole, soit des entités plus proches des forces spéciales, comme le Yamam israélien. Ces actions de coopération sont co-financées par le GIGN et par l’unité sœur. Source d’un enrichissement mutuel, elles contribuent à la préparation des forces opérationnelles du GIGN.

Une coopération technique soutenue

Le deuxième axe des actions du GIGN à l’international concerne la formation et l’influence. Grâce à ses quatre lettres, reconnues dans le monde entier, le rayonnement du GIGN permet d’appuyer la politique étrangère française, en répondant aux sollicitations d’unités étrangères en termes de formation et en participant aux visites d’autorités. Sur ce volet de coopération dite technique, la cellule des relations internationales du GIGN travaille en lien direct avec la DCIS du ministère de l’Intérieur et le ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères (MEAE). Le premier point, et le plus important, de cette collaboration, est le volet des formations. Dispensées par des gendarmes des différentes forces opérationnelles du groupe, elles sont réalisées auprès de gendarmeries « sœurs », dans des pays comme ceux du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso). Sur ces territoires, le GIGN est présent depuis plusieurs années au côté des forces locales pour apporter des connaissances techniques et tactiques liées au terrain, mais aussi aux différents types de menaces. Plus largement, le groupe apporte aussi son expertise sur des projets d’envergure, comme l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT). Basée en Côte d’Ivoire, cette structure a vocation à devenir un centre d’expertise majeur pour de futurs gendarmes, douaniers, policiers ou magistrats d’Afrique de l’Ouest.

L’intérêt du GIGN, et plus largement de la France, dans ces actions de formation, est double. Tout d’abord, il s’agit de renforcer les connaissances « terrain » des gendarmes français du G.I. et, via la création ou l’accompagnement d’unités d’intervention et de contre-terrorisme locales, d’intervenir à la source sur les menaces impactant directement la sécurité nationale française. En Tunisie, par exemple, le GIGN entraîne et forme les membres de l’Unité spéciale de la garde nationale (USGN), pour les aider à gérer la problématique terroriste en Afrique du Nord, dont les mouvements, via l’espace méditerranéen, touchent le territoire européen. C’est ce que l’on appelle le retour en sécurité intérieure. « Si l’on veut obtenir un retour en sécurité en France, il faut juguler la menace sur place, et donc aider la Tunisie à développer un service de contre-terrorisme efficace. Aider ces partenaires en leur délivrant le savoir-faire français, contribue ainsi à la stratégie internationale de la France, et plus précisément celle du ministère, déclinée par la DCIS et par la gendarmerie nationale, pour un retour en sécurité intérieure. » Un travail facilité par le modèle de ces unités d’élite, semblable à celui du GIGN. « Le modèle français est transposé dans de nombreux pays au Proche-Orient et en Afrique. On arrive donc facilement à identifier des acteurs avec lesquels travailler et des unités avec lesquelles on peut correspondre », précise le lieutenant. Chaque année, ce sont ainsi 30 à 40 formations qui sont réalisées par le GIGN, et plus précisément par le centre national de formation à l’intervention spécialisée, anciennement la force formation. Outre ces missions de formation, les gendarmes du GIGN réalisent aussi des audits de sécurité au profit d’autres pays, comme la Tunisie, le Qatar (notamment dans le cadre de la préparation de la coupe du Monde de football 2022), la Côte d’Ivoire, et plus largement l’est de l’Afrique. Les antennes contribuent pleinement à la stratégie internationale du groupe, en réalisant elles aussi des formations au profit des gendarmeries sœurs. La mondialisation des menaces et le fait qu’elles trouvent leur origine dans des pays souvent éloignés de la France, poussent le GIGN à poursuivre son travail de coopération avec les gendarmeries sœurs de ces zones. Le prochain enjeu pour le GIGN à l’étranger est le renforcement de la sécurisation des flux sur certaines zones, comme le golfe de Guinée, en particulier au Sénégal, en Guinée-Conakry, en Côte d’Ivoire, au Togo, au Bénin et au Cameroun.

Une coopération multilatérale au travers de réseaux européens

Plus proche du territoire métropolitain, le GIGN entretient des relations multilatérales avec de nombreux autres pays européens. Nouées par le biais de réseaux, elles sont transposables à chacune des trois forces opérationnelles du GIGN : la F.I. s’appuie ainsi sur le réseau ATLAS, la FOR (Force Observation Recherche) sur le réseau European union group, et la FSP (Force Sécurité Protection) sur le réseau Black Griffin. Ces liens multilatéraux avec les pays européens se mettent en place aussi bien sur le territoire européen que sur des théâtres d'opérations extérieures. « La protec’, c’est-à-dire la FSP, est l’archétype de la force qui travaille dans des pays en crise, où sont potentiellement présentes d’autres unités étrangères alliées. Il est donc cohérent d’avoir un réseau européen rassemblant les unités qui font ce métier », explique le chef de la cellule relations internationales, avant de préciser, « Le réseau Black Griffin réunit cinq unités occidentales qui font de la protec’ comme nous, et avec lesquelles, dans la même logique que ce qui est fait en bilatéral, nous organisons chaque année des préparations opérationnelles communes, afin de mixer les détachements français, néerlandais, allemand, roumain ou américain. » Durant ces exercices, les opérationnels apprennent à se connaître, à travailler ensemble, à échanger sur leurs tactiques et leurs techniques. Une préparation qui leur permet d’agir en totale interopérabilité sur tous types de terrain, comme cela a été le cas, il y a quelques années, avec les Néerlandais sur le sol libyen.

Loin des théâtres d'opérations extérieures, la coopération multilatérale au sein de ces réseaux s’incarne aussi à travers des actions communes réalisées directement sur le territoire européen : « Comme pour la protec’, on va travailler pour la FOR avec des unités homologues dans le domaine de la surveillance et de la filature, elles aussi spécialisées sur les questions de terrorisme et de criminalité organisée. Sur ce volet, on a le réseau European Surveillance group (ESG), au sein duquel des unités de recherches se rencontrent régulièrement pour analyser la menace et effectuer des entraînements conjoints sur les techniques de filature ou encore les équipements, comme les balises et les caméras. » Comme pour le réseau Black Griffin, le réseau ESG permet aux unités d’identifier des points de contact dans chacun des pays européens, offrant ainsi une plus-value essentielle en cas d’observation transfrontalière d’urgence (filature se poursuivant dans un pays voisin).

La F.I. est, quant à elle, rattachée au réseau européen ATLAS, qui compte aujourd’hui 38 unités d’intervention et de contre-terrorisme de pays de l’Union européenne ou situés à proximité des frontières de l’Europe. En France, deux unités en font partie : le GIGN et le RAID. Du contre-terrorisme aérien à ses débuts, ses missions se sont étendues, notamment aux problématiques de contre-terrorisme maritime, aussi bien dans le nord de l’Europe (mer baltique) qu’au sud (mer Méditerranée).

Au-delà des exercices, l'action des membres de ces réseaux peut également donner lieu à des opérations transfrontalières concrètes. Le 15 janvier 2015, quelques jours seulement après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hypercacher, l’unité spéciale de la police belge, la DSU, a ainsi démantelé une cellule djihadiste sur la commune de Verviers. Lors de cette interpellation d’ampleur, l’unité belge était appuyée par les gendarmes de la F.I. du GIGN.

Si cette opération a été particulièrement médiatisée, ce n’est pas le cas de la plupart des missions du GIGN. Ces actions, régulièrement réalisées dans l’ombre, sur le territoire national comme à l’étranger, permettent aux forces opérationnelles du Groupe d’enrichir leurs méthodes pour faire face au mieux et ensemble aux menaces contemporaines.

Cette coopération multilatérale trouve aussi sa déclinaison par le GIGN pendant la Présidence française de l’Union européenne, à travers l’organisation, à Versailles, au cours du premier semestre 2022, de quatre événements dédiés au rayonnement français. Ceux-ci ont rassemblé les interlocuteurs privilégiés du GIGN au sein de ces réseaux européens, dont l’intégralité des commandants d’unités du réseau ATLAS, à l’occasion de l’ATLAS Commanders Forum (ACF), en présence du directeur général de la gendarmerie nationale, le général d’armée Christian Rodriguez.

« La finalité est d'aider les pays étrangers en étant nous-mêmes encore meilleurs dans notre action sur le territoire national », conclut le lieutenant.