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Soutien logistique : la colonne vertébrale du GIGN

Auteur : le lieutenant Floriane Hours - publié le
Temps de lecture: ≃7 min.
© GIGN

Lorsqu’on pense au GIGN, on pense à la colonne d’assaut, la protection des hautes personnalités, à l’observation et à l’intervention. Mais ce à quoi on pense moins, c’est à la cinquantaine de militaires qui œuvrent dans l’ombre pour assurer le soutien opérationnel des troupes… Ces militaires, ce sont ceux de l’état-major du soutien finances.

Au GIGN, la réussite de la mission est la priorité. Elle nécessite un fort engagement de la part des militaires qui y sont affectés. L’activité de cette unité impose d’aller « vite et bien ». Pour répondre à ses besoins opérationnels bien spécifiques, les services dédiés au soutien obéissent à des règles qui leur permettent de réagir vite et d’intervenir en tout lieu et en tout temps, en France comme à l’étranger, en temps de paix comme en période de crise. Ainsi, le GIGN est une unité intégrée et intégrable. Intégrée, car le chef dispose de tous ses moyens, ce qui le rend autonome. Intégrable, car les militaires qui arment le soutien sont formés en permanence pour être en mesure d’agir dans une manœuvre plus importante, organisée par la gendarmerie ou les Armées.

Une ressource sélectionnée et formée

L’État-major soutien finances (EMSF), que ce soit en temps de paix ou lors de crises, prend à son compte tous les domaines du soutien opérationnel. Sa mission est claire : fournir les moyens nécessaires (armes, munitions, véhicules blindés, etc.) à l’exécution des missions, partout dans le monde. Pour y parvenir, l’EMSF est composé de militaires de tous les statuts (O.G., OCTA, SOG, CSTAGN), recrutés au sein de l’unité après des tests de sélection et une période d’observation (« le probatoire »). Cette spécificité du GIGN permet d’identifier les profils qui pourront s’intégrer au sein de cette unité atypique et qui possèdent la capacité d’évoluer et d’acquérir de nouvelles compétences. Elle vise également à clarifier auprès des candidats les contraintes et les exigences de l’unité dans le domaine du soutien opérationnel : tous les militaires de l’EMSF doivent être rapidement autonomes, développer leurs compétences et être projetables en cas de nécessité. En 2021, par exemple, les militaires de l’EMSF (mécaniciens, magasiniers, spécialistes du matériel, gestionnaires du budget…) étaient présents en Nouvelle-Calédonie, lors des traques en Dordogne et dans les Cévennes, aux Antilles, en Irak et dans d’autres pays. En 2022, l’engagement du soutien opérationnel sur la crise ukrainienne a permis de répondre dès le début aux besoins du Groupe. À cela s’ajoute la participation quotidienne des magasiniers aux alertes de la force intervention dès que celle-ci est engagée, pour assurer le soutien au plus près de la colonne d’assaut, aux ordres directs du chef de mission.

Pour garantir l’efficacité du soutien opérationnel, tous les militaires de l’EMSF bénéficient de formations complémentaires. Ainsi, les officiers sont formés à l’école de Bourges pour obtenir les brevets de qualification logistique 2 et 3, indispensables pour évoluer dans un environnement interarmées. Les sous-officiers, tant SOG que CSTAGN, bénéficient de formations dans les armées et auprès des Douanes, pour leur apprendre à maîtriser l’ensemble des outils informatiques et des réglementations permettant de projeter du matériel sensible. De même, le GIGN bénéficie de régimes dérogatoires à la dépense publique (ATAF), dont l’emploi est contrôlé, et qui nécessitent des formations supplémentaires. En interne, les opérationnels du Groupe forment également les militaires de l’EMSF à différentes spécialités (conduite rapide, tir, salle de crise, renfort de la cellule de négociation), ce qui permet de garantir la parfaite adéquation des capacités du soutien aux besoins des opérationnels.

Répondre à des besoins opérationnels spécifiques au GIGN

L’action de l’EMSF s’effectue sur trois temporalités : en temps normal, lors d’événements planifiés et lors de crises. En temps normal, l’EMSF gère des moyens dont la majorité n’existe pas dans une formation administrative traditionnelle. Qu’il s’agisse des blindés (Sherpa), de l’armement ou des munitions, leur gestion nécessite une expertise et des compétences techniques supplémentaires pour en assurer l’entretien et le maintien en condition opérationnelle. Sur les manœuvres planifiées, comme le référendum de Nouvelle-Calédonie, en décembre 2021, le caractère intégrable de l’unité lui permet de se greffer au dispositif global mis en place par la gendarmerie, sans pour autant alourdir la charge de travail des unités déjà sur place. La spécificité des moyens employés par le GIGN (armements et munitions spécifiques, véhicules blindés, hélicoptères du GIH…) a nécessité pour l’occasion l’envoi d’une mission de reconnaissance afin d’évaluer in situ les besoins en compétences et en matériels nécessaires. L’analyse et les échanges avec le CNO et le COMGEND ont ainsi conduit à l’envoi d’un mécanicien, d’armuriers et de magasiniers, ainsi que de pièces pour les véhicules blindés et l’armement. Que ce soit pour ce type de manœuvre ou lors des exercices de grande ampleur menés avec les armées, l’EMSF prend alors la dénomination de J4 GIGN (un terme OTAN indiquant les fonctions de chacun lors de manœuvre globale ; J4 représentant la fonction logistique).

En situation de crise, lorsque l’anticipation n’est pas possible, les gendarmes du soutien opérationnel sont aussi capables de faire partir en quelques heures du fret et des hommes de différentes forces. « Au GIGN, le maître mot, c’est l’autonomie. Il faut être capable de travailler avec n’importe quelle autre institution ou de façon indépendante, en tout lieu, en tout temps. Quand on nous prévient le jeudi qu’on doit mettre du matériel et des hommes dans un A400M qui part d’Orléans le vendredi à 2h du matin, on doit savoir faire, et si on ne sait pas, on doit apprendre rapidement », explique le colonel Cédric, chef de l’EMSF. La crise en Ukraine a également révélé la nécessité d’avoir un soutien réactif et disponible H.24, susceptible d’être projeté. Là encore, les militaires de l’EMSF ont su répondre présent, tant en salle de crise que sur zone.

Pour arriver à un tel niveau de technicité, les personnels de l’EMSF, recrutés pour leurs compétences et pour leur état d’esprit « GIGN compatible », sont constamment recyclés et entretiennent des rapports privilégiés avec les armées ainsi qu’avec des prestataires privés, qui comprennent l’urgence des situations. L’exigence est forte, car il n’est pas envisageable de déroger aux règles imposées par ces interlocuteurs, au risque de perdre toute crédibilité et de briser le lien de confiance établi au fil des années.

Un métier en évolution avec le GIGN 3.0.

Le récent rattachement organique des antennes au Groupe et dans le même temps celui des PHP aux antennes, dans le cadre de la réforme du GIGN 3.0, a logiquement impacté l’EMSF. Son spectre missionnel s’est ainsi trouvé élargi, avec la gestion du soutien de quatorze unités supplémentaires et de 14 théâtres à l’étranger. Un défi de taille pour l’EMSF, qui mène depuis 2020 une politique de conduite du changement pour prendre en compte les spécificités de chaque antenne, dont sept sont situées en outre-mer. Tous les domaines du soutien sont concernés, que ce soit le budget, les matériels, les moyens mobiles, etc. Il faut dès lors parvenir à concilier les contraintes de toutes les unités, tout en maintenant le même niveau d’exigence. Là aussi, il a fallu que les chefs de section de l’EMSF innovent et fassent évoluer les procédures, pour éviter d’alourdir la charge administrative des commandants d’antenne. Grâce à la qualité des rapports avec le commandement de la gendarmerie d’outre-mer et les formations administratives, plusieurs difficultés ont pu être rapidement réglées. Ce dispositif est appelé à évoluer encore en 2022.