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La division technique, des capacités rares au service de l'opérationnel

Auteur : la capitaine Marine Rabasté - publié le
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Au sein de la Division technique, le GIGN dispose d'une cellule composée de techniciens SIC (Systèmes d'information et de communication) dédiés aux infrastructures numériques et aux projets d'ampleur.
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Dans le cadre de sa réorganisation, le GIGN s’est doté d’une Division technique (D.T.) depuis le 1er août 2021.

Regroupant tous les services spécialisés sous un même commandement, la D.T. permet une complémentarité approfondie des moyens. Composés de militaires experts, dotés de compétences techniques spécifiques, ses moyens peuvent être engagés sur le territoire métropolitain, dans les DROM-COM et dans le cadre d’Opérations extérieures (OPEX). Les capacités rares à forte valeur ajoutée qu’elle regroupe peuvent être mises en œuvre au profit des différentes forces mais également en autonomie, pour le GIGN ou d’autres services de la gendarmerie ou de l’État.

Pour le lieutenant-colonel Franck, chef de la division, son existence est une réelle plus-value. « Avant la création de la D.T., les différentes capacités offertes étaient disséminées dans les forces ou d’autres services de l’unité. Il s’est donc agi de réunir, au sein d’une même entité, des techniciens avec un niveau d’expertise avéré. Cela permet une communication et un développement des projets plus rapides et plus efficaces. Il y a une interaction réelle entre les différentes cellules. »

LA CELLULE INTRUSION OPÉRATIONNELLE

© Sirpa Gendarmerie - GND B. Lapointe

La Cellule intrusion opérationnelle (CIO) est en charge de l’ouverture, en discrétion, des portes, cadenas ou autres systèmes d’ouverture. Ses quatre personnels maîtrisent tous parfaitement les serrures mécaniques et électroniques, mais également les systèmes d’alarme. « C’est un domaine très technique, qui demande une grande maîtrise, explique le lieutenant-colonel Franck. Aujourd’hui, entre le cadre juridique et la domotique, c’est de plus en plus difficile d’entrer dans un domicile. » L’action de la CIO vient généralement en appui de celle des forces opérationnelles. Lors d’opérations avec la Force intervention (F.I.), elle va permettre aux militaires de progresser discrètement, facilitant ainsi l’approche. Pour cette raison, on parle « d’ouverture fine », par opposition à « l’ouverture chaude », qui se réalise à l’aide d’explosifs. La CIO intervient également au profit de la Force observation recherche (FOR), pour lui permettre de mettre en place des capteurs qui permettront l’acquisition technique de renseignements. En parallèle, ces spécialistes de l’effraction froide peuvent également être amenés à agir en autonomie, au profit d’autres entités, telles que les Groupes d’observation et de surveillance (GOS) régionaux. Dans tous les cas, toutes leurs actions se fondent sur un socle juridique, qu’il soit judiciaire (loi Perben II) ou administratif (techniques de recueil du renseignement).

LA CELLULE INNOVATION PROSPECTIVE

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Avec un ingénieur de la Direction générale de l’armement (DGA) à sa tête, la Cellule innovation prospective (CIP) comprend également deux personnels du groupe et de deux stagiaires polytechniciens. De l’armement à la guerre électronique, en passant par la protection des opérationnels, les militaires qui la composent suivent toutes les innovations susceptibles de faciliter ou d’améliorer l’action de l’unité, à travers une veille technologique. Au-delà de cette veille, l’objectif est de proposer des solutions développées en interne ou en partenariat direct avec des industriels. « Dans toutes les forces, des militaires font encore de la prospective. La CIP centralise l’ensemble et le met ensuite en forme. Elle travaille en lien étroit avec l’opérationnel. » La solution à une problématique est en effet identifiée en lien avec les « ops », car elle doit correspondre à leurs besoins. C’est ainsi que, parmi la centaine de projets actuels, l’exosquelette a vu le jour au GIGN. Partant du constat que le matériel porté par les équipiers avait un poids conséquent et qu’ils le gardaient souvent plusieurs heures sur eux, la cellule a prospecté afin de trouver un moyen d’alléger la charge et donc d’assurer la longévité de la mission. La cellule interagit également avec la Cellule intégration conception opérationnelle (CICO), qui peut mettre en œuvre les innovations développées.

LA SECTION DES MOYENS SPÉCIAUX

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Difficile de réaliser une mission sans avoir de capacités techniques ! Qu’il s’agisse de la F.I., de la FOR ou de la FSP, toutes bénéficient du concours de la Section des moyens spéciaux (SMS), qui met à leur disposition les moyens techniques pour la réussite de leur mission. Au sein de la section, les treize militaires sont des opérationnels. Soumis aux mêmes tests et au même stage probatoire, ils suivent ensuite la formation d’équipier avec, en plus, un module technique de six mois. Ce cursus fait de la section une capacité unique, puisque ses militaires sont les seuls techniciens opérationnels exerçant dans ce cadre en gendarmerie.

Être affecté aux moyens spéciaux, c’est en effet faire partie des colonnes d’assaut. Chaque semaine, quatre militaires sont d’astreinte, dont un intègre l’alerte 1 de la F.I., aux fins d’acquisition du renseignement directement sur la zone de crise. Leur mission est primordiale. « Le renseignement remonté, qu’il s’agisse de son, d’image, de vidéo ou de renseignement électromagnétique, permet ensuite l’élaboration de la manœuvre tactique », explique le chef d’escadron Pierre, adjoint au chef de la D.T.

Mais ce n’est pas leur seul engagement. Avec la FOR, fini les gilets lourds et les casques : la mission est ici judiciaire ou administrative. Il s’agit de capter le renseignement qui sera ensuite intégré à la procédure. Sous couvert de la FOR, responsable du volet tactique, les techniciens de la SMS vont pouvoir réaliser la pose de capteurs, audio ou vidéo, comme le prévoit la loi Perben II, ainsi que la loi Renseignement. Ces dernières permettent en effet aux services de police et de gendarmerie de poser des dispositifs d’écoute dans les véhicules et les domiciles privés, en vue d’inculper l’auteur de criminalité organisée ou de terrorisme. Quant à l’appui à la FSP, il engendre des départs en opérations extérieures, lors de l’ouverture de mission par exemple, où les experts déploient des mesures de sécurité passive pour le bâtiment.

La réalisation de ces missions est rendue possible grâce à la détention de capacités et de moyens sans commune mesure. « Beaucoup de techniques déployées sur le terrain en gendarmerie ont d’abord été éprouvées par la SMS. C’est le cas, par exemple, pour les moyens vidéo présents dans les GOS. C’est un peu le labo technique de la gendarmerie. » Drones de toutes tailles, robots capables de progresser dans des milieux escarpés, micros, caméras… Les locaux de la SMS regorgent de matériels à la pointe de la technologie. Capables de réaliser des images nettes, de jour comme de nuit, à plusieurs kilomètres, d’agir sur les communications ou encore de prendre en compte des compartiments de terrain sans exposer de personnels, ces capacités permettent l’acquisition de renseignement en toutes circonstances, dans tout milieu. Tous les personnels maîtrisent d’ailleurs l’ensemble du matériel, c’est l’une des forces de la section.

LA SECTION GUERRE ÉLECTRONIQUE

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Spécialistes des télécommunications opérationnelles, les militaires de la section guerre électronique ont la particularité d’être projetables sur le terrain, en appui des autres forces. À ce titre, ils ont tous suivi la formation « Intervention spécialisée » de huit semaines. Lorsqu’ils sont intégrés à la colonne d’assaut de la F.I., leur objectif est d’optimiser les transmissions, en interne et en externe, et de faciliter les communications avec les postes de commandement mobiles et éloignés. Ils agissent pour permettre l’interopérabilité entre les différents intervenants sur une situation de crise. Grâce à leur action, les échanges sont garantis en toutes circonstances, même dans les zones dites « blanches ». Disposant d’un drone de mapping, ils réalisent également des cartographies en temps réel, en deux ou trois dimensions. Un véritable avantage tactique pour le chef de l’opération, qui peut ainsi construire sa manœuvre et repérer la position de ses différents éléments.

La mise en œuvre des contre-mesures électroniques fait aussi partie des missions de la section guerre électronique. Il s’agit de protéger les capacités techniques amies et les unités contre la menace explosive commandée à distance, ainsi que de garantir la confidentialité des échanges et d’empêcher la fuite de données. Pour réaliser l’ensemble de ses missions, la section dispose de matériels bien spécifiques. Dans les garages du groupe, un imposant camion leur appartient. À l’intérieur, se trouve tout le matériel leur permettant de mettre sur pied un poste de commandement quel que soit le lieu, comme dans une école à Gréolières, lors de la traque d’un individu dans les Alpes-Maritimes en juillet 2021.

La cellule « Cyber »

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Au sein de la section guerre électronique, une cellule cyber peut être constituée afin de prendre en compte ce milieu, qui prend chaque jour de plus en plus d’ampleur. Unité fonctionnelle armée par des militaires de la SMS et de la cellule infrastructure service numérique, elle remplit trois types de missions. D’une part, elle participe au développement de nouveaux moyens cyber au profit du GIGN (supports numériques, objets connectés, domotique…). D’autre part, elle apporte un appui au Commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend) dans la résolution des situations de ransomware, en association avec les cellules veille stratégique et nationale de négociation, formant ainsi la task force cyber. Face à une crise cyber qui menacerait les intérêts de l’État, le GIGN participe, avec les différents acteurs étatiques, à neutraliser la menace et à en identifier les auteurs. Enfin, la cellule cyber réalise également des missions relatives à la sécurité des systèmes d’information, comme la création de moyens de lutte contre les hackers ou le conseil aux grandes entreprises sur la façon de se protéger, tout en développant ses propres outils de formation dans le domaine cyber.

La cellule « contre-mesures électroniques »

La seconde entité fonctionnelle de la section guerre électronique est la cellule contre-mesures électroniques. Elle se compose d’experts de la section et de la SMS. Sa mission s’articule autour de trois axes : la surveillance et le renseignement électroniques, la défense électronique et la perturbation électronique.

À noter : Une contre-mesure électronique, quésaco ? Unité d’élite en matière d’engagement de haute intensité (grand banditisme, terrorisme, sécurité et protection des intérêts vitaux de l’État), le GIGN dispose de sa propre capacité de Contre-mesure électronique (CME). Celle-ci se traduit par trois actions : la surveillance et le renseignement électroniques : consistant à fournir une situation de l’environnement radioélectrique, cette action permet de collecter des informations à des fins de renseignement d’origine électromagnétique, pour évaluer les menaces et déployer les CME éventuellement nécessaires. Elle a pour finalité de détecter, voire d’alerter sur une activité électro-magnétique, de localiser l’adversaire et ses moyens radioélectriques, d’identifier une personne, une organisation ou des moyens techniques utilisés par l’adversaire à partir d’une détection, ou encore d’intercepter volontairement les émissions ou communications adverses. L’objectif final est alors de récupérer des informations primordiales sur le dispositif de l’adversaire et ses intentions. La défense électronique : cette action vise tout d’abord à protéger les capacités techniques contre les effets néfastes des systèmes amis et ennemis, ainsi que les zones sensibles, dans l’éventualité d’une attaque électronique ou cyber. Elle permet également de se protéger contre la menace explosive, le brouillage des communications vitales et la localisation de sa position, Enfin, elle offre la garantie de la liberté d’utilisation des systèmes d’information et de communication et de la confidentialité des échanges, afin d’empêcher les fuites de données. La perturbation électronique : il s’agit de perturber les communications de l’adversaire et d’altérer ses capacités d’action, dans le but de le désorganiser, voire de l’empêcher d’agir. Cette action consiste donc à brouiller les dispositifs SIC, les matériels ou les systèmes électroniques, en émettant ou en réfléchissant intentionnellement de l’énergie électromagnétique pour réduire leur efficacité, à décevoir l’adversaire par intrusion dans ses réseaux de communication et à simuler ou à tromper l’adversaire sur les intentions et les forces amies en lui faisant acquérir de fausses informations.

LA SECTION APPUI / SOUTIEN TECHNIQUE

Unité complètement intégrée, le GIGN dispose de ses propres services de soutien et d’appui. Ainsi, au sein de la D.T, le magasin, la Cellule intégration conception opérationnelle (CICO) et la cellule infrastructure service numérique mettent leurs capacités au profit de l’ensemble du groupe.

La cellule infrastructure service numérique

La technologie fait aujourd’hui partie intégrante de l’activité de la gendarmerie, GIGN compris. Pour cette unité unique en son genre, dont les missions ne peuvent être réalisées par d’autres, impossible d’imaginer qu’une panne technique puisse neutraliser son action. Afin d’avoir des outils à la pointe de la technologie, le Groupe dispose d’une cellule composée de techniciens SIC (Systèmes d’Information et de Communication) dédiés aux infrastructures numériques et aux projets d’ampleur. Ils sont en charge de l’installation et du maintien en condition opérationnelle des moyens SIC du GIGN, sur le site de Satory, mais également au sein des ambassades dont la FSP assure la sécurité. En cas de crise, les militaires qui composent la cellule arment les postes de commandement, en base arrière comme en projection.

La cellule intégration conception opérationnelle

© Sirpa Gendarmerie - GND B. Lapointe

Couture, métallurgie, travail du bois et des composites, ou encore peinture n’ont pas de secrets pour les trois gendarmes de la Cellule intégration conception opérationnelle (CICO). Dans leur atelier, ils sont capables de créer ou de reproduire n’importe quel objet, pour contribuer aux missions des opérationnels des trois forces et de la D.T. Experts dans le domaine du camouflage et de l’intégration de capteurs, ils produisent un vrai travail de précision car, de l’extérieur, rien ne doit laisser penser qu’il s’agit de faux matériels. La forme, la texture et même le poids doivent être fidèles à l’original ! Le lien avec les experts de la SMS est étroit. Ces derniers choisissent les moyens à mettre en œuvre et la CICO réalise l’enveloppe qui permettra de les dissimuler, quel que soit le milieu dans lequel ils sont destinés à être placés. À cet effet, la cellule dispose d’un véhicule atelier permettant de réaliser des intégrations directement sur site.

Ces militaires conçoivent ainsi toutes sortes de prototypes ou améliorent des matériels existants en vue de répondre aux besoins missionnels. Leurs compétences dans l’impression 3D et la CAO (Conception Assistée par Ordinateur) décuplent les capacités techniques de la cellule.

Le magasin technique de la D.T.

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Le « mag tech » stocke et gère les matériels utilisés par les techniciens de l’unité. Appareils audio/photo/vidéo, matériels radio et informatique, moyens de communication satellitaire, drones, brouilleurs, balises de géolocalisation... Tous les matériels de télécommunications et d’acquisition technique du renseignement fournis au GIGN et à ses antennes sont gérés par ce service. Au vu de la quantité d’équipements entreposés et de leur sensibilité, la rigueur, l’organisation et la discrétion sont exigées. Au quotidien, les quatre personnels qui composent ce magasin spécifique sont ainsi chargés de la gestion des matériels : commandes, perceptions et réintégrations, vérifications de bon fonctionnement, mise en réparation, réforme, stockage, transit… En cas de crise majeure, participant à la réactivité et à l’autonomie du GIGN, les magasiniers du « mag tech » sont également en mesure d’apporter un soutien logistique et technique rapide aux personnels opérationnels, de la préparation des colis jusqu’à la projection sur la mission s’il le faut.