Repousser les limites du possible grâce à l'innovation

  • Par capitaine Marine Rabasté
  • Publié le 31 mai 2021

Face au volume grandissant des procédures qu’il diligente et des données qu’elles contiennent, quel enquêteur n'a jamais rêvé d'être un de ces héros de séries policières qui, d'un revers de la main, balaie sur un écran les informations, jusqu'à tomber sur la correspondance parfaite : un visage, en 3D, identique à celui du suspect, et dont le nom et l'adresse sont inscrits en dessous ? La réalisation de ce fantasme n'est pas atteinte mais, de plus en plus, les travaux de recherche et les innovations développées par le PJGN tendent à s'en approcher.

Alléger le traitement de l'information grâce à l'intelligence artificielle

« Il faut oublier ce que l'on pense connaître sur l'intelligence artificielle, celle qu'on pourrait appeler « grand public ». La réalité est moins extraordinaire et plus complexe. » Les mots du lieutenant-colonel Daniel, adjoint au chef du Département des sciences de la donnée (DSD), donne le ton. Oubliés les robots ou logiciels, dont les compétences intellectuelles dépassent celles des humains. Ensemble de techniques permettant de développer des programmes informatiques complexes, dont les capacités se rapprochent de l'intelligence humaine, l'intelligence artificielle est un domaine innovant encore en pleine évolution. Au sein du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, il relève du DSD, conçu comme un laboratoire de recherches chargé de développer des outils permettant d'optimiser le traitement de la donnée. « Notre mission est réussie si l'analyste a passé la majeure partie du temps à exploiter l'information plutôt qu'à la rechercher », explique le chef d'escadron Lionel, chef du département. Un exemple parlant est en effet celui de l'analyste criminel qui, à la réception d'un dossier, doit l’étudier dans son ensemble pour identifier les noms, lieux, dates ou encore les relations existantes entre les différents protagonistes. Si un humain peut le faire, un ordinateur n'en serait-il pas capable ? Ce n'est pas si évident que ça ! « Il y a des choses qui paraissent simples mais qui sont en réalité complexes. Sur un procès-verbal, on identifie les noms des personnes, les liens entre elles. C'est simple pour nous. Mais pour l'ordinateur, c'est beaucoup plus compliqué, car il s'agit de séquences de lettres, sans sémantique », explique le LCL Daniel. D'où l'idée de mettre en œuvre un outil permettant à l'ordinateur de réaliser une telle identification. Une plateforme de détection d'identités nommées, un annotateur, est ainsi actuellement développée. Mais la langue française est complexe et impose bien souvent de prendre en compte le contexte entier pour comprendre la signification d'un mot. Alimenter ces projets, les développer, est un travail long et complexe. Il existe également une part d'imprécision, inhérente à la notion même d'intelligence artificielle. Mais de manière générale, afin de faciliter ce traitement d'informations, le DSD contribue à la mise en œuvre de bases sérielles, comme celle relative aux crimes de haine (base Astrée), ou de projets d’analyse d’un phénomène particulier, comme celui relatif aux mutilations d’équidés. Il y a donc un véritable appui apporté sur les enquêtes d'ampleur, visant à mettre en relation les informations et à montrer les centralités. Tout cela dans le but d'alléger la charge de travail des enquêteurs.

© GND F. Garcia

Identifier des suspects grâce à la reconnaissance et à la comparaison faciales

Si elle n'est pas aussi perfectionnée que dans la fiction, la reconnaissance faciale est pourtant un outil bel et bien réel, accessible à l'ensemble des gendarmes via l'application de Traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Le point de départ ? Une simple photo, qu'elle soit issue des réseaux sociaux, d'un smartphone ou encore d'une vidéosurveillance. Le logiciel fera ensuite le travail en recherchant, dans sa base de données photographiques, des individus présentant des caractéristiques similaires. Ces dernières sont prédéfinies. Pas de notion de couleur de peau, les conditions de luminosité pouvant avoir une influence, mais plutôt des éléments morphologiques précis tels que la forme du visage ou encore celle des oreilles. À partir d'une photo, l'ordinateur va traduire les formes en segments et créer un gabarit, pour ensuite le comparer avec l'existant, soit déjà six millions de photos. Les résultats sont ensuite classés par taux de pertinence. Si elle ne constitue pas en elle-même une preuve biométrique, mais plutôt une indication, comme le serait un témoignage, la reconnaissance faciale constitue un outil précieux pour permettre à l'enquêteur d'orienter ses investigations. Celle-ci n'est en revanche pas à confondre avec la comparaison faciale, développée par le Département signal image parole (DSIP) de l'IRCGN. Pour cette dernière, l'enquêteur doit avoir en sa possession deux photos : celle du mis en cause et celle de l'individu qu'il pense être le mis en cause. Elles sont ensuite comparées en fonction de caractéristiques morphologiques validées par la communauté mondiale (ENFSI et FISWG). Si elle constitue déjà une avancée technologique conséquente, la comparaison faciale a pourtant encore vocation à évoluer. « Actuellement, elle est réalisée seulement sur la base de photos. Mais pour compenser le fait que l'enquêteur ne maîtrise pas l'orientation du mis en cause sur la photo, il serait souhaitable d'y intégrer la 3D, afin de pouvoir orienter le visage du suspect comme sur la photo de la procédure. C'est techniquement faisable, mais il reste encore des barrières juridiques », explique la chef d'escadron Marie-Charlotte, experte en comparaison faciale.

Reconstituer des éléments grâce à la modélisation 3D

Une scène de crime ou de catastrophe ne reste pas longtemps en l'état. Rapidement, de nombreux enquêteurs, experts et autorités débarquent sur les lieux et les altèrent. Pour y pallier, le DSIP a mis en œuvre une technologie de pointe permettant de modéliser la scène en trois dimensions, afin, d'une part, de pouvoir conserver une vision d'origine des lieux et, d'autre part, d'éviter leur accession à un trop grand nombre d'acteurs. Depuis 2006, les experts disposent d'un laser-scanner leur permettant de modéliser l'ensemble de la scène sur 360° dans un rayon de 10 mètres. L'environnement peut être entièrement recréé, si bien qu'il devient possible d'y faire une visite virtuelle, comme on le ferait à l'aide de la fonctionnalité « Street view », soit sur l'ordinateur, soit à l'aide de lunettes virtuelles. Si cette technologie n'est réalisable que par les experts de l'IRCGN et certaines CIC, désormais autonomes avec le laser-scanner (grâce à des dotations, par exemple de la SNCF), d'autres ont vocation à être accessibles à l'ensemble des enquêteurs. C'est l'objectif du projet « Phidias », développé par les spécialistes du DSIP. Sur le terrain, les gendarmes pourront, grâce à leur application Pratic-P (lire p.27) installée sur leur terminal NéoGend, prendre une série de photos d'un objet ou d'une scène et les envoyer directement à un serveur de l'IRCGN, qui réalisera de manière autonome une représentation 3D. Cette technique présente l'avantage de remplacer l'envoi des scellés physiques et de disposer d'une visualisation dynamique, contrairement aux dossiers photos traditionnels. La photogrammétrie est également réalisable grâce aux drones, notamment lorsque leur usage est couplé avec celui du laser-scanner.

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