« Police technique et scientifique : le choc du futur », un voyage fascinant au cœur des progrès de l'investigation

  • Par Pierre Boulay
  • Publié le 13 avril 2024
Nous voyons Monsieur Jacques Pradel à gauche et le Général François Daoust à droite avec la couverture de leur livre au centre de l'image.
© D.R.

Dans leur livre « Police technique et scientifique : le choc du futur », le journaliste Jacques Pradel et le général (2S) François Daoust nous invitent à explorer l’univers captivant de la science forensique. De l'empreinte digitale à l'intelligence artificielle, les auteurs nous plongent dans les coulisses des techniques d'investigation les plus sophistiquées, au cœur d’une discipline en constante évolution.

D’un côté, un journaliste et animateur radio, célèbre notamment pour ses émissions consacrées aux enquêtes criminelles. De l’autre, l’ancien commandant du Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), et actuel directeur du Centre de recherche de l'École des officiers de la gendarmerie nationale (CREOGN). Ensemble, ils ont écrit un ouvrage, intitulé « Police technique et scientifique : le choc du futur », qui nous fait découvrir comment la science forensique a révolutionné la résolution des crimes et comment elle continuera de façonner l’avenir de la justice. Rencontre avec les auteurs.

Qu’est-ce qui vous a amené à co-écrire ce livre sur la Police technique et scientifique (PTS) ?

Jacques Pradel : Mon intérêt pour la police scientifique remonte aux années 2010, avec la publication de mon premier livre : « Police scientifique : la révolution ». Au cours de mes recherches, j'ai eu la chance de rencontrer le général François Daoust, alors commandant de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Sa confiance et son soutien m'ont ouvert les portes de l'institut, où j'ai pu m'entretenir avec de nombreux experts et approfondir mes connaissances. De cette première rencontre est née une véritable amitié, et le général Daoust est devenu mon mentor dans le domaine de la PTS.

Face à l'évolution fulgurante de la PTS, nous avons réalisé que mon ouvrage n'était qu'une première approche. L'ampleur des développements dans ce domaine nous a incités à réaliser un état des lieux complet et accessible, répondant aux interrogations et aux inquiétudes du public. En effet, la PTS soulève souvent des questions éthiques et des craintes de fichage et de surveillance, auxquelles nous souhaitions apporter des réponses claires et objectives.

Pour mener à bien ce projet, nous avons rassemblé une multitude d'informations factuelles, étayées par des récits concrets et des exemples précis. Notre objectif était de vulgariser des concepts scientifiques parfois complexes, tout en restant rigoureux.

Notre intention est de démystifier la PTS et de rassurer le public sur les garde-fous qui existent pour garantir le respect de la vie privée. Nous avons souhaité rendre ce livre accessible à tous, qu’il s’agisse de passionnés de science forensique ou de personnes curieuses de comprendre les implications de la PTS dans notre société.

Qu’est-ce qui vous fascine tant dans le domaine de la PTS ?

Jacques Pradel : Loin du goût pour le macabre et de la fascination pour les criminels, ce qui me passionne depuis toujours, c'est l'enquête, le décryptage des faits et le mystère de ce qu'on appelle le passage à l'acte. Mon intérêt se porte sur les crimes du quotidien, ceux commis par des gens ordinaires, « monsieur et madame tout le monde ». Ces crimes, qui constituent plus de 90 % des cas à résoudre par les enquêteurs, soulèvent une question fondamentale : qu'est-ce qui peut amener une personne qui nous ressemble à basculer dans le crime et à considérer le meurtre comme la seule solution à ses problèmes ?

La plupart du temps, l'auteur d'un crime ne sait pas qu'il va le commettre en se levant le matin. C'est là que la PTS intervient, en détectant et en identifiant des preuves scientifiquement irréfutables. C'est cette capacité à démystifier le crime et à éclairer les zones d'ombre qui me fascine.

La PTS est un outil précieux qui permet de comprendre les motivations des criminels et de rendre justice aux victimes. C'est grâce à elle que nous pouvons espérer percer le mystère du passage à l'acte.

Vous retracez dans le livre l’histoire de la science forensique, de sa création jusqu’à aujourd’hui. Comment l'IRCGN s'est imposé dans ce domaine et quelles ont été ses contributions majeures à son évolution ?

Général François Daoust : En octobre 1984 commence l'affaire Grégory, qui est un échec global pour plusieurs raisons. À cette époque, seule la police nationale possède des laboratoires scientifiques. On se rend compte que dans ces laboratoires, nous sommes en incapacité de faire ne serait-ce que la moitié des analyses nécessaires. Pourquoi ? Car de 1964 à 1984, la police nationale ne recrute plus de scientifiques et se retrouve en proie à un manque de personnels qualifiés et d’équipements adéquats. Cette situation conduit à un audit complet et à un plan de rénovation ambitieux qui sera à l’origine de la création de la Sous-direction de la police technique et scientifique.

C'est dans ce contexte que la gendarmerie a décidé de créer sa propre filière scientifique : l'IRCGN. L'objectif était d’être autonome et de disposer de ses propres experts pour mener des investigations scientifiques rigoureuses et impartiales. On ne venait pas en concurrence de la police nationale mais en complémentarité.

Donc, pour répondre à la question, l’IRCGN a contribué à faire évoluer la science forensique car, à partir du moment où vous mettez deux organismes en capacité de faire des analyses et des recherches, naît une émulation, l’envie de toujours faire mieux, en allant chercher des scientifiques de pointe, en participant à des travaux de recherche, en s’adossant à des laboratoires universitaires ou privés pour travailler sur des sujets de recherche et ainsi faire progresser la science forensique.

Vous évoquez dans votre livre l'utilisation de l'Intelligence artificielle (I.A.) dans le domaine de la PTS. Au sein de l’IRCGN, quelles sont les avancées en matière d’utilisation de l’I.A. ?

Général François Daoust : Pour commencer, j’aimerais faire un lien avec le CREOGN, qui a récemment inauguré, à l’École militaire, une chaire de recherche sur les humanités numériques, dont l'I.A. fait partie. Cette technologie transforme notre société et nos comportements, en apportant des risques et des améliorations.

Pour revenir à l’I.A. dans nos laboratoires, la première idée est de développer des programmes entièrement transparents pour aider à l’analyse des résultats dans tous les domaines. Il faut que l’on puisse s’assurer de la véracité des réponses, pour ensuite utiliser l’I.A. dans des domaines tels que la biologie, les statistiques, les probabilités, pour la reconstitution d’empreintes papillaires par exemple, lorsqu’une partie est dégradée ou dans les mélanges complexes d’ADN. C’est donc un outil qui, en plus de l’aide à l’interprétation des résultats, faciliterait les analyses, en permettant de réaliser les choses plus rapidement.

Mais attention, l'I.A. peut également être utilisée par les criminels pour détourner des biens, créer des virus, de fausses images et vidéos, et même détruire des réputations. Le Commandement du ministère de l'Intérieur dans le cyberespace (COMCYBER-MI) a été créé pour lutter contre l'I.A. criminelle. Il rassemble l'ancien département de l'IRCGN informatique/électronique et travaille sur la création d'I.A. capable de déterminer si une image est originale ou issue d’une I.A., ou encore sur la détection de lignes de code détournées ou ajoutées pour créer des images frauduleuses.

Il faut que l’I.A. soit elle-même un outil contre les I.A. détournées par la criminalité ! La gendarmerie s'engage à l’utiliser de manière responsable et transparente pour lutter contre la criminalité et protéger les citoyens.

Parmi toutes les avancées actuelles de l’IRCGN en matière de PTS, quelle est celle qui vous marque le plus ?

Général François Daoust : Elles sont de deux ordres. La première correspond à l’analyse des bactéries et de l’ADN des bactéries, avec le chef d’escadron Audrey Gouello, qui a eu le prix de la thèse et celui du meilleur article scientifique en 2023. C’est une technique d’avenir, sachant que nous avons plus de bactéries sur nous et en nous que de cellules qui composent notre corps. Les bactéries sont propres à chacun et ont une résistance que n’a pas forcément notre ADN. On pourra donc retrouver des colonies de bactéries même si nous ne retrouvons pas de traces d’ADN.

La deuxième avancée marquante est celle du colonel Nicolas Thiburce, spécialiste international des empreintes digitales, qui a conçu un système qui va permettre aux gendarmes sur le terrain, avec un simple smartphone, de relever les empreintes digitales d’un individu afin qu’elles soient directement introduites dans les fichiers informatiques. Cette révolution est extraordinaire, elle va faire gagner beaucoup de temps et diminuer les coûts d’exploitation que cela générait jusqu’à présent.

Votre livre montre les progrès fascinants de la PTS et son avenir prometteur. Quels conseils donneriez-vous à un jeune intéressé par ce domaine et une carrière à l'IRCGN ?

Jacques Pradel : J’aimerais signaler que les instituts de formation existent. La France a créé une formation spécifique en université à Cergy-Pontoise, la CY Forensic school. Il faut s’engager dans des études qui permettent d’atteindre le but qu’on se fixe, cela passe par des diplômes et des projets de recherches précis et approfondis.

Général François Daoust : Il faut qu’il fasse des études scientifiques à haut niveau. On ne peut pas se contenter de faire deux ou trois années de sciences si on veut faire partie des futurs experts de la science forensique. Il faut chercher l’excellence, faire des études poussées et se nourrir en permanence des points de vue des autres pour s’enrichir et mettre en perspective ses propres connaissances.

À noter :

« Police technique et scientifique : le choc du futur », par Jacques Pradel et le général François Daoust. Paru le 28 février 2024, aux Éditions du Rocher. 349 pages. Prix conseillé : 19,90 €.

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