Le général David Galtier se retourne sur une vie d’enquêtes

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 17 septembre 2020
© GEND/SIRPA/F.GARCIA

Dans son livre « Mon combat contre le crime », le général d’armée (2S) David Galtier revient sur les affaires marquantes qui ont jalonné son parcours d’enquêteur et, à travers elles, sur l’évolution de la gendarmerie nationale dans ses missions de police judiciaire.

Regard bleu perçant, teint hâlé, voix posée et mots choisis, le général d’armée (2S) David Galtier possède, sans grande surprise, le charisme et l’autorité naturelle qui siéent aux chefs. Son C.V. parle pour lui : 42 années de vie militaire, dont 37 au service de la gendarmerie, qu’il a quittée l’an dernier, en étant alors l’un des deux plus hauts gradés de l’arme.

À l’heure de se tourner vers une nouvelle carrière, en politique, cette figure de la Sécurité intérieure publie aujourd’hui un ouvrage passionnant, relatant son « Combat contre le crime » à travers les affaires emblématiques qui ont jalonné son parcours d’enquêteur. D’Omar Raddad à Élodie Kulik, des disparues de l’Yonne aux victimes de la German Wings, « celle qui m’a le plus marqué, sans hésitation », affirme-t-il, la gorge serrée. David Galtier revient également sur plusieurs dossiers de terrorisme, ainsi que sur des enquêtes internationales, dans le domaine de la lutte contre les trafics de stupéfiants ou les crimes contre l’humanité.

L’affaire Grégory a constitué un déclic

Cette histoire d’une vie est aussi celle d’une gendarmerie qui grandit, qui prend de l’ampleur, et même son envol, dans sa composante de police judiciaire. Une histoire qui débute tristement, par la découverte du corps d’un enfant dans la Vologne. Le drame a choqué la France et fortement secoué la gendarmerie.

« À l’époque de l’affaire Grégory, l’opinion publique, les médias, les magistrats, mais aussi la haute hiérarchie de la gendarmerie nationale, ne placent pas encore la police judiciaire au cœur des missions des gendarmes, explique le général. Cela a constitué un vrai déclic. Nos chefs ont su tirer les enseignements de cette affaire et prendre les bonnes décisions, en portant sur les fonts baptismaux l’Institut de recherche criminelle (IRCGN). C’était un choix courageux et difficile et je leur rends hommage. »

Aujourd’hui, l’IRCGN est devenu une référence mondiale, le premier laboratoire pluridisciplinaire en biologie, toxicologie, thanatologie, balistique, entomologie… « Mais c’est toute la chaîne de police judiciaire qui a su évoluer et se doter d’outils performants », assure David Galtier. Comme il l’écrit dans son livre : « Les gendarmes en vareuse et képi qui pataugeaient jadis dans la Vologne ne sont plus qu’un lointain souvenir. » Parmi les nombreux exemples de cette évolution, il en est un qui a particulièrement marqué sa mémoire…

C’est obsédant, la vérité

C’est un cri. Enregistré en janvier 2002, sur la ligne du Centre opérationnel départemental d’incendie et de secours (CODIS) de la Somme. « Un cri insoutenable, l’un des moments les plus pénibles de ma carrière », avoue-t-il dans les pages du récit. Ce cri, c’est celui d’Élodie Kulik. « Cette affaire est un tournant, estime-t-il. En élargissant le spectre des recherches au-delà des personnes qui ont un ADN correspondant à 100 % à celui de référence, et en intégrant celles qui n’en ont que 50 %, on a considérablement augmenté la capacité de résolution des enquêtes. Mais il a fallu pour cela faire tomber des barrières et faire évoluer la législation. La gendarmerie nationale a été porteuse de ces projets et a prouvé là sa capacité d’anticipation. »

L’enjeu, c’est aussi la résolution des fameux cold cases. Le général Galtier y consacre une part importante de son récit. « C’est obsédant, la vérité, pour un enquêteur. Quand on commence, on veut forcément aller au bout. Et on le doit aux victimes, à leurs proches. Ces dossiers non élucidés ont longtemps été laissés aux Brigades (B.R.) ou Sections (S.R.) de recherches locales, qui n’avaient pas forcément les moyens de reprendre l’investigation. Le fait d’avoir centralisé ces homicides à la Sous-direction de la police judiciaire (SDPJ) a permis de relancer un certain nombre d’enquêtes. »

Aujourd’hui, le capitaine Sesmat ne serait plus seul

La modernisation de la police judiciaire au sein de la gendarmerie nationale ne concerne donc pas uniquement la police technique et scientifique. C’est toute une organisation qui a su se remettre en question. Au moment de la découverte du corps de Grégory Villemin, celle-ci laissait en effet à l’enquêteur de terrain sur place une grande part de responsabilité, sans qu’il soit encadré ou aidé. Ainsi, le capitaine Étienne Sesmat était un homme seul. Seul face aux médias, seul face aux magistrats. « Aujourd’hui, il ne serait plus seul, assure David Galtier. Il y aurait un directeur d’enquête, accompagné par un commandant de groupement, relayé par le commandement de région s’il s’agit d’une S.R. On mettrait en place une cellule d’enquête, qui relèverait de la SDPJ. Enfin, le SIRPA (Service d’Information et de Relations Publiques des Armées) jouerait également son rôle pour rétablir un certain nombre de vérités sur le travail fourni par le directeur d’enquête. »

Autre aspect fondamental de cette évolution : le rattachement au ministère de l’Intérieur, en 2009. « La gendarmerie nationale est au contact du public et est tenue, d’une certaine manière, de rendre des comptes. C’était beaucoup plus difficile quand nous étions dans la « Grande Muette » de la Défense. »

L’ouvrage du général Galtier, co-écrit avec le journaliste Jean-Michel Verne, se lit comme une succession de petits polars, tout en nous faisant partager le quotidien d’un enquêteur. Il s’intitule « Mon combat contre le crime », mais aurait tout aussi bien pu s’appeler « Notre combat contre le crime », tant l’officier de gendarmerie tient, dans ces pages, à mettre en avant le travail de ces gendarmes, tels que le capitaine Georges Cenci, directeur d’enquête dans l’affaire Omar Raddad, qui ont œuvré, sans relâche, pour trouver la vérité, et dont l’honneur a parfois été bafoué. « Oui, c’était ma première motivation, conclut-il. Rendre hommage à tous ces enquêteurs, ceux qui m’ont appris le métier, ceux que j’ai simplement croisés, et ceux que j’ai eu l’honneur de commander. »

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