Violences sexuelles et sexistes : le Centre national de formation à la police judiciaire française forme les enquêteurs des Nations unies

  • Par le chef d'escadron Charlotte Desjardins
  • Publié le 21 mars 2024
SIx personnes debout devant des chaises et une épaule de colonel
© CNFPJ

En février 2024, le Centre national de formation à la police judiciaire de la gendarmerie nationale a reçu pendant une semaine des enquêteurs des Nations unies pour les former à la prise en charge des violences sexuelles et sexistes et aux techniques d’enquêtes mises en œuvre dans cette problématique.

En février 2024, le Centre national de formation à la police judiciaire (CNFPJ) de la gendarmerie nationale, implanté à Rosny-sous-Bois, a reçu pour la troisième fois une population de stagiaires un peu différente de celle qu’il forme d’habitude. Des enquêteurs certes, mais qui ne sont pas gendarmes. Ce sont des enquêteurs francophones des Nations unies, venant d’une douzaine d’agences de l’ONU.

Faire monter en compétence les agents des Nations unies

Commencé en 2019, le cycle s’est poursuivi en 2021, pour s’achever en 2024. Cédric Bourgeois, chef des enquêtes de l’UNESCO et coordinateur du stage, en rappelle les objectifs : « Il s’agit de faire monter en compétence et en autonomie les enquêteurs des Nations unies qui interviennent par définition n’importe où, avec des équipes très réduites et des possibilités limitées de demander du support. » Les binômes d’enquêteurs doivent en effet être autonomes. À cette fin, trois semaines de formation ont été programmées sur trois ans, autour du thème de la prise en charge des violences sexuelles et sexistes. Les compétences acquises par les stagiaires sont bien sûr transposables dans d’autres domaines, mais le cœur du sujet est là.

Le CNFPJ dispose d’une offre de formation dédiée à ce type de violences, et d’une expertise reconnue pour la formation des officiers de police judiciaire dans ce domaine. « C’est en étroite coopération avec les équipes pédagogiques que nous avons monté un programme dédié sur la base de l’offre existante du CNFPJ, mais spécifiquement adapté pour les enquêteurs du système des Nations unies, expose Cédric Bourgeois. Le cadre procédural nous est propre, en revanche, les bases, les outils fondamentaux de la procédure nous sont communs. Ce sont les outils métiers qu’il était intéressant de transmettre. »

La première année a ainsi été dédiée à la prise en charge des victimes, avec une composante de criminalistique. La deuxième année a été consacrée aux techniques d’audition du mis en cause. Enfin, lors de la troisième et dernière année, les enquêteurs des Nations unies ont été formés à la Gestion des sources humaines de renseignement (GSHR) : les auditions de témoins, qui se font potentiellement en milieu ouvert et dégradé, avec des risques de sécurité pour l’enquêteur et la source. L’intérêt pour les agents formés est de comprendre comment gagner la confiance et garantir la sécurité de leurs interlocuteurs.

Sept personnes et un gendarmes écoutent
© CNFPJ

Un partenariat naturel

La gendarmerie s’est tout de suite trouvé être le partenaire indiqué, notamment grâce à son expertise de la prévôté. Cette dernière sait en effet travailler dans des environnements dégradés, avec des équipes réduites, et une possibilité de soutien logistique limitée. En outre, l’Institution possède une connaissance fine des théâtres sur lesquels l’ONU intervient.

Du côté de la gendarmerie, ce partenariat est l’occasion de renforcer encore le lien avec les Nations unies et ses personnels, lui permettant d’y infuser ses savoir-faire avec un partage de bonnes pratiques.

« Ce stage est une validation à très haut niveau des pratiques de la gendarmerie, explique le colonel Emmanuel Bobo, chef du CNFPJ. On leur enseigne la gestion des sources telle que la pratiquent les gendarmes, et les éléments nécessaires à leur sécurité. Ils avaient besoin de savoir comment mettre cela en place par rapport à leur emploi et celui de leur agence, et ont trouvé ici comment l’appliquer immédiatement et en milieu dégradé. »

Deux jours d’exercices dans Paris

Le dernier stage du cycle, très concret, comportait une journée et demie de théorie, une demi-journée de mise en situation sur l’emprise du Centre, à Rosny, et deux jours d’exercices au cœur des rues de Paris. « Les scenarii collaient au plus près de notre réalité, avec un réalisme assez poussé, comme savent le faire les gendarmes, explique Cédric Bourgeois. Au point que quand il y avait des incidents, les apprenants ne savaient jamais si c’était un gendarme en face ou un événement comme il peut s’en produire en milieu ouvert. La surprise a joué à plein, créant tout de même un état de stress ! Ces mises en situation ont vraiment été l’apothéose du cycle, faisant la somme de ce qu’on avait appris. »

Les zones de jeux ont été définies dans Paris pour chaque groupe (NDLR : cette zone est le terrain que l’agent prend en compte ; dès qu’il y pénètre, il est potentiellement au contact de la source et de son environnement offensif.) Les stagiaires étaient regroupés en cinq équipes de quatre, qui étaient ensuite divisées en binômes, lesquels devant alors rencontrer une source. Dix simulations de contact ont ainsi été organisées, représentant un réel investissement de la part de la gendarmerie et un exercice inédit de coopération entre services d’enquêtes nationaux et ceux des Nations unies.

CNFPJ

La prise en charge des victimes

L’objectif global demeure l’amélioration de la prise en charge des victimes, afin qu’elles puissent se rendre en confiance auprès des enquêteurs. C’est d’autant plus crucial qu’en ce qui concerne les violences sexuelles et sexistes, le témoignage est la clé. Dès lors, l’enjeu est double, car il faut d’un côté recevoir et écouter la victime, qui vient avec un traumatisme, et de l’autre, commencer la collecte de preuves, d’autant que certaines sont périssables.

« Nous travaillons dans des communautés auxquelles nous sommes par définition étrangers, donc il faut être capables d’établir des contacts, gagner la confiance et collecter les témoignages de façon à ne mettre personne en danger. C’est là qu’on voit toute la pertinence des outils qui nous sont transmis. Nous sommes plongés dans des univers que nous devons respecter. »

L’enjeu est d’être capable, plutôt que de s’engager tout de suite sur une audition qui va se concentrer sur des gestes techniques, de se recentrer sur la victime et de collecter la parole d’une façon qui va apaiser. La difficulté consiste notamment à identifier les éléments de preuve qu’il va falloir préserver immédiatement, sans en reporter le poids sur la victime. Au cours de cette formation, les agents reçoivent ainsi du CNFPJ des outils concrets les aidant à remplir leurs missions sur ces deux aspects, sans que cela ne s’oppose.

Reste une autre spécificité de leur action, celui des secteurs sur lesquels ils interviennent. Cela ajoute une sensibilité particulière, et la nécessité d’une approche en sécurité des contacts. Ces dernières pratiques ont été étudiées lors du stage final.

Des savoir-faire utilisables dès la sortie du stage

« Mon pari, c’est que cette formation a déjà changé les pratiques. L’offre du CNFPJ est unique. Il y a une offre anglo-saxonne par d’autres services d’excellence proposée au système des Nations unies, mais dans la communauté francophone, il n’y en a pas qui ait un niveau équivalent, affirme Cédric Bourgeois. Nous sommes conscients, les participants et moi-même en tant que coordinateur, du privilège et de l’effort que c’est, en si peu de temps, de transmettre autant de compétences et de réunir les conditions pour les transmettre. C’est un concentré de savoir-faire qui a été délivré en cinq jours. »

Tout ce qui a été acquis par les stagiaires durant ces trois semaines est immédiatement transposable au quotidien dans leurs missions à travers le monde.

À noter :

Les participants étaient des enquêteurs opérationnels francophones des services d’enquête des agences du système des Nations unies. Ils venaient de partout : Vienne, Genève, Nairobi, Bangkok, Pretoria, Ouganda…

Pourquoi des francophones ?

- pour bénéficier de l’expertise la plus profonde et la plus large de la gendarmerie ;

- se retrouver en communauté francophone.

La francophonie est importante pour l’ONU, puisque ses personnels opèrent sur de nombreux terrains francophones. Il faut entretenir cette francophonie et cette communauté, pour le bénéfice des opérations et pour les agents.

Agences présentes : UNESCO, OMS, IFAD, WIPO, UNHCR, WFP, FAO, ILO, UNFPA, IOM

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