Sécurité dans les transports : la SNCF et la gendarmerie font cause commune contre les violences sexistes et sexuelles

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 12 février 2023

L’adjudante-cheffe Virginie, de la MPF des Yvelines, observe les agents de la Sûreté ferroviaire au cours d'un cas pratique mettant en scène une agression sur un quai de gare.

© SIRPA-G – BRI T. Doublet

Dans la continuité d’une coopération de longue date entre la gendarmerie et la SNCF, la Maison de protection des familles des Yvelines a dispensé, en novembre 2022, puis en janvier 2023, une formation pour une meilleure prise en compte des victimes de violences sexistes et sexuelles à un panel d’agents de la Sûreté Ferroviaire.

Sur un quai de gare, un homme se montre très insistant à l’encontre de deux mineures. Son comportement alerte une troisième jeune femme, qui alerte les agents de la Sûreté Ferroviaire via le 31 17. Ces derniers interviennent rapidement et prennent en compte l’auteur, mais aussi les deux victimes et le témoin, afin de les rassurer et de les accompagner, mais aussi de récupérer les éléments matérialisant l’infraction afin de procéder à l’interpellation de l’individu.

Si ce type de scène peut régulièrement se produire dans les transports, il s’agit cette fois d’un exercice organisé dans l’enceinte de l’Université de la Sûreté Ferroviaire (UDSÛR), à Ermont, dans le cadre d’une formation de deux jours dispensée par la Maison de protection des familles des Yvelines sur la prise en charge des victimes de Violences sexistes et sexuelles (VSS). Les bénéficiaires : une douzaine d’agents de la Sûreté Ferroviaire, venus de différentes régions de France. « Au-delà des formateurs de l’UDSÛR, nous avons voulu élargir cette sensibilisation aux agents opérationnels et aux dirigeants d’équipes opérationnelles, qu’ils soient référents VSS au sein de leur unité ou simplement intéressés par le sujet. Certains avaient d’ailleurs déjà été confrontés à ce type de situation dans le cadre de leurs missions », explique Anne Meunier, responsable lutte contre les VSS pour le compte de la SNCF.

Transmettre des clés de compréhension et des outils

L’objectif est de leur transmettre une méthodologie intégrant les contraintes liées au milieu ferroviaire et à leurs prérogatives. À commencer par le placement vis-à-vis de la victime, de manière à créer une zone de confidentialité, tout en préservant la zone intime et en respectant les distances de sécurité. Il s’agit ensuite de leur donner des clés pour favoriser la prise de contact et l’instauration d’un lien de confiance, de manière à récupérer, dans le fil de la discussion, tous les éléments liés à l’infraction et à l’identité, avant d’orienter la victime vers le dépôt de plainte…

À l’issue de la mise en situation, l’adjudante-cheffe Virginie et l’adjudante Lætitia décortiquent ainsi l’approche des agents et prodiguent leurs conseils : « Il faut mettre de l’humain, avoir une approche bienveillante, tout en cochant au fur et à mesure votre check-list, pour transmettre un compte-rendu suffisamment détaillé à l’officier de police judiciaire. L’objectif est de ne pas avoir à faire répéter la victime. On doit donc garder une ligne directrice en tête pour récupérer toutes les informations nécessaires sans poser de questions abruptes. De manière imagée, il s’agit de mettre des courbes sur vos lignes. Cela nécessite de casser vos schémas et vos protocoles. Après, tout est question de ressenti », explique l’ADC Virginie.

Très vite une seconde scène s’enchaîne. Cette fois, elle se déroule dans une rame en circulation. Une femme est agressée, plaquée contre la vitre et embrassée contre son gré. Les agents vont alors devoir recueillir tous les témoignages susceptibles de permettre l’identification et l’arrestation de l’individu en fuite. « Il faut avoir en tête que vous intervenez sur un choc. La victime peut être sidérée et, en cas de VSS, elle peut ne pas parler du tout. Vous pourrez revenir sur la description en plusieurs fois. Quand vous êtes dans la rame en circulation, vous avez le temps. Prenez-le ! », insiste la militaire.

L’adjudante Lætitia, de la MPF 78, observe l'approche des agents de la Sûreté Ferroviaire, qui prennent contact avec des témoins, à la suite d'une agression survenue dans une rame.

© SIRPA-G – BRI T. Doublet

L’expertise des MPF au cœur d’une formation sur-mesure

Inscrite dans la continuité du partenariat fort liant de longue date la gendarmerie et la SNCF (lire encadré), cette formation découle de la stratégie développée par la compagnie de transports afin d’améliorer son action en matière de lutte contre les VSS. Face à cette problématique inscrite au rang des axes prioritaires du Gouvernement, la stratégie se décline en trois axes : la prévention au contact des clients, la détection des conditions propices à la commission de ces violences, ainsi que l’amélioration et l’harmonisation de la prise en charge des victimes. Un sujet d’autant plus important pour la SNCF que, selon les études, 100 % des femmes auront fait l’objet d’une atteinte sexiste et sexuelle dans leur vie et que deux voyageurs sur trois dans les transports collectifs sont justement des femmes.

Afin d’accompagner la SNCF sur le troisième axe de cette stratégie, la lieutenante-colonelle Emma Ardouin, officier de liaison gendarmerie à la SNCF et conseillère gendarmerie du directeur sûreté SNCF, a ainsi soufflé l’idée de s’appuyer sur l’expertise en la matière des MPF, se rapprochant alors de celle des Yvelines. Une fois le projet validé par le groupement de gendarmerie départementale et la région de gendarmerie d’Île-de-France, les échanges approfondis entre la MPF 78 et l’UDSÛR ont permis d’adapter la formation aux besoins exprimés par la Sûreté Ferroviaire ainsi qu’aux contraintes quotidiennes du terrain.

« Nous avons travaillé en lien avec l’officier de liaison gendarmerie et Anne Meunier, la responsable VSS de la Sûreté Ferroviaire afin d’élaborer une formation que nous souhaitions sur-mesure. La première journée, organisée en novembre 2022, a débuté par une partie théorique pour rappeler aux stagiaires, même s’ils ont déjà des notions, ce qu’est une victime, ce qu’est le cycle de la violence et en particulier des VSS, avant d’enchaîner sur des mises en situation. À l’issue de cette première séquence, nous leur avons demandé de nous faire part de leurs retours, afin d’affiner leurs besoins et construire ensemble la seconde journée, prévue fin janvier 2023, au cours de laquelle nous avons donc revu, à leur demande, certains fondamentaux et abordé, à travers de nouveaux cas pratiques, des situations spécifiques dont ils nous ont communiqué les cadres, relate l’ADC Virginie, adjointe à la commandante de la MPF 78. Notre objectif était de leur apporter des outils pratiques pour appréhender la victime dans sa globalité, ainsi que les témoins, en leur qualité de primo-arrivants : comment prendre contact, comment la mettre en confiance, quel discours, quels mots employer, quelle proximité avoir… Il s’agit d’un public vulnérable, d’autant plus quand il est jeune, à distinguer du public auteur, que les agents de la Sûreté Ferroviaire ont l’habitude de gérer. On est dans une situation traumatisante touchant l’intimité et qui nécessite une approche humaine. On doit être dans l’empathie tout en restant dans sa posture professionnelle, être professionnel sans être froid. Il ne faut pas perdre de vue la matérialisation de l’infraction. Nous leur avons d’ailleurs fait une présentation relative à la préservation des traces et indices. »

Vers une formation SNCF

Au terme de ces deux jours, les stagiaires, « hyper-réceptifs » selon les termes des gendarmes, se sont tous déclarés satisfaits, à l’instar de Rémy, dirigeant de proximité sur le site de Roissy Charles de Gaulle. « Quand j’ai été sollicité pour participer à ce stage, j’ai tout de suite accepté. J’ai déjà vécu une situation de ce type et je m’étais senti démuni face à la victime. Je ne savais pas comment me placer, comment l’aborder, quoi lui dire de peur d’être maladroit, qui plus est en étant un homme. C’est un vrai sujet, d’autant que ce n’est pas dans notre culture », reconnaît-il, avant d’ajouter : « Nous sommes très bien formés pour appréhender un auteur, mais il nous manque une méthodologie commune concernant la prise en charge des victimes. Cette formation, bien qu’orientée sur le métier de gendarme, nous a véritablement apporté des clés de compréhension, notamment sur la psychologie de la victime, et des outils. À nous de nous les approprier et de les adapter à notre métier. »

C’est d’ailleurs l’objectif poursuivi par la Sûreté Ferroviaire, qui compte bien s’appuyer sur l’expertise de la gendarmerie en matière de prise en charge des victimes, pour élaborer une formation initiale et continue adaptée et normée au niveau national, au profit de tous les agents de la Sûreté Ferroviaire, et pourquoi pas, à terme, de tous les agents de la SNCF.

Présente à l’occasion de cette seconde journée, au titre de sa qualité de référente nationale VIF et VSS, la LCL Dorothée Cloître n’a pas manqué de saluer cette initiative, à la croisée de deux priorités du Gouvernement en matière de sécurité (les transports en commun et les violences sexistes et sexuelles), permettant d’affirmer une culture commune autour de la prise en compte des victimes de VSS et d’assurer un continuum de sécurité.

Gendarmerie nationale et SNCF : une coopération de longue date

cette formation s’intègre dans la lignée d’une longue coopération entre la gendarmerie et la SNCF, ainsi que le souligne la LCL Emma Ardouin, 7e officier de liaison gendarmerie au sein de la SNCF. Si la gendarmerie n’est que faiblement concernée par les problèmes de délinquance de masse dans les transports, il n’en reste pas moins que 95 % du réseau ferré se trouvent en zone de compétence gendarmerie.

La première charte d’enrichissement des relations remonte ainsi à 2001. Partenariat qui s’est enrichi dans la foulée par la mise en place d’un officier de liaison. Depuis, les deux institutions multiplient les interactions, notamment en matière de formations : Moniteurs en intervention professionnelle (MIP) et maîtres de chiens au bénéfice de la SNCF, et inversement sensibilisation des officiers élèves au milieu ferroviaire ou encore des Techniciens en identification criminelle (TIC) au bénéfice de la gendarmerie.

En 2015, une cellule de coopération opérationnelle a vu le jour. Hébergée à la Direction Sûreté SNCF et armée par quatre militaires de la gendarmerie, celle-ci est spécialisée dans la lutte contre les atteintes au réseau. Elle est le point d’entrée unique au sein de la SNCF pour toutes les sollicitations opérationnelles émanant des forces de sécurité intérieure. Elle dispense également des formations auprès des TIC et des militaires des Centres d’opérations et de renseignement de la gendarmerie quant aux spécificités du milieu ferroviaire.

En 2018, la gendarmerie et la SNCF ont également signé une convention « train marshalls ». Il existe par ailleurs plusieurs conventions régionales encadrant la sécurisation des trains par des réservistes opérationnels. Enfin, la convention cadre a été renouvelée en 2021, prévoyant notamment la thématique des violences sexistes et sexuelles, servant ainsi de socle à la formation dispensée fin 2022-début 2023 par la MPF 78.

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