Tour de France : dans les coulisses de la caravane, une logistique au long cours

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 18 juillet 2022
© Sirpa-G - GAV T. Doublet

Après avoir été sérigraphiés aux couleurs du Tour, les véhicules de la caravane gendarmerie passent, depuis 2016, par le centre de soutien auto de Melun, où le maréchal des logis-chef Thierry les équipe de panneaux à messages variables, de sono et, pour le véhicule de tête, d’une radio. En outre, depuis 2018, fort de son expérience antérieure, le mécanicien endosse également la casquette de logisticien de la caravane, avec laquelle il réalise la Grande Boucle. Rencontre.

Tout le monde (ou presque) a déjà vu passer au sein de la caravane publicitaire du Tour de France, les véhicules de la gendarmerie et ses équipes, dispensant messages de prévention et distribuant de petits objets promotionnels, à l’instar des autres caravaniers. Chaque année, cette mission particulière se prépare des mois à l’avance. Elle nécessite notamment une importante opération R.H. pour sélectionner les participants, ainsi qu’une vaste manœuvre logistique, l’ensemble piloté par le bureau image du Sirpa, en lien avec ses partenaires privés et institutionnels.

La préparation des véhicules

Au cœur du volet logistique, se trouvent bien évidemment les véhicules, traditionnellement prêtés par le constructeur (Peugeot – désormais Stellantis - depuis 10 ans) pour toute la durée du Tour de France masculin, et, pour la première fois cette année, de l’épreuve féminine, qui débute dans la foulée. À ce titre, tout aménagement doit être effectué dans le respect de l’intégrité des voitures. Autrement dit, ils doivent être provisoires et parfaitement amovibles, de façon à pouvoir les restituer dans leur état d’origine.

Les cinq véhicules sont généralement récupérés courant mai sur leur lieu de stockage, à Nanterre, pour être convoyés à Rosny-sous-Bois, où ils subissent une première transformation de taille : la pose, par une entreprise privée en charge de plusieurs autres marques présentes sur le Tour, de la sérigraphie créée et financée par la direction de la communication du ministère de l’Intérieur (MI DICOM). Au terme de cette opération, qui peut prendre trois ou quatre jours, le résultat du « covering » est minutieusement contrôlé par les équipes du Sirpa. « Nous sommes vraiment dans le détail, confie le major Philippe, pilier historique de la caravane du Tour au sein du bureau image. Cette année, nous nous sommes par exemple aperçus que les rétroviseurs et les poignées de portières n’avaient pas été recouverts. Il a rapidement fallu faire modifier le devis et finaliser le travail. Mais nous pouvons aussi solliciter le constructeur en amont pour demander des options de série, comme la présence ou non de parties chromées. »

Aux alentours du 20 mai, ainsi parées des couleurs du Tour et de la gendarmerie, les voitures, qui n’ont alors que deux kilomètres au compteur, font route vers le Centre de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG) de Melun pour y être équipées de barres de toit, puis de panneaux à messages variables (rampes), d’une sono et, pour le véhicule de tête, d’une radio ; le tout nécessitant également la mise en place du câblage idoine. L’unité a dès lors moins d’un mois pour finaliser cette préparation technique.

© GAV T. Doublet

Le CSAG de Melun à la manœuvre depuis 2016

Cette mission, le CSAG de Melun l’a prise en compte au pied levé en 2016. « On était à deux mois du Tour et à quinze jours de toucher les véhicules, quand on a appris l’indisponibilité de la précédente structure, se souvient le major Philippe. Nous avons expliqué nos besoins au CSAG de Melun, dont le commandant de l’époque a accepté la mission et nous a présenté Thierry. C’était le début de l’histoire. »

À sa sortie d’école, en janvier 1999, le chef Thierry a rejoint l’EOGN en tant que mécanicien, avant de basculer en groupement de gendarmerie départementale le 1er avril 2004, jusqu’à la création du CSAG de Melun, en 2009, où il officie encore à ce jour. « En groupement, j’ai commencé à m’intéresser aux systèmes de rampe et à l’électronique. C’est devenu ma spécialité », souligne le mécano, aujourd’hui à la manœuvre sur les véhicules de la caravane gendarmerie.

En prenant en compte cette mission, le CSAG de Melun décide de repartir de zéro et de s’approprier le travail d’agencement en menant une véritable réflexion pour adapter le matériel. « Malgré l’existant, le commandant du CSAG et moi-même avons décidé de partir d’une feuille blanche et de tout refaire à notre main, de l’implantation des rampes au système de fixation, en passant par le câblage, de façon à obtenir un dispositif pérenne. Ce dernier doit être étudié pour tenir pendant trois semaines avec une utilisation quotidienne de 5 à 6 heures. Par exemple, habituellement, on perce le toit pour faire passer le faisceau de câblage. Là, il doit passer par les joints des portes. J’ai donc dû créer un câblage pour nos besoins spécifiques, dans une gaine renforcée, explique Thierry. Nous faisons évoluer les supports en fonction des besoins, mais aussi des modifications apportées d’une année sur l’autre au gabarit des voitures par le constructeur. » Et le major Philippe de renchérir : « On lui fait remonter les problèmes et Thierry nous trouve des solutions ! Le CSAG apporte les moyens humains et l’expertise, mais bien entendu, c’est le SIRPA qui finance les besoins en matériels. »

Il faut en moyenne une journée et demie de travail au mécanicien pour finaliser l’équipement complet d’un véhicule : barres de toit, rampes (prêtées par Sirac, société partenaire depuis 16 ans), sono, radio, commandes intérieures et câblage, sachant que le raccordement à la batterie doit se faire selon un protocole spécifique s’agissant de véhicules hybrides.

Pendant un mois, le MDC Thierry est donc détaché à cette mission, qui vient s’inscrire dans le travail quotidien de l’unité de mécanique rapide. Période durant laquelle il ne gère toutefois « que les urgences », précise-t-il

© GAV. T. Doublet

Son expérience de la logistique au service de la caravane

Puis, lors du Tour 2018, le chef Thierry est invité à participer à la caravane du Tour de France à l’occasion de la dernière étape. Fort de son expérience de 27 ans au sein de la Croix Rouge du Val-de-Marne, le mécanicien note à cette occasion « plusieurs problèmes de logistique » et suggère au Sirpa de créer un poste dédié pour y remédier.

Son conseil est suivi et le chef Thierry fait partie des candidats pour le Tour 2019. « J’ai expliqué ma vision de la logistique et du poste. Quand j’ai été retenu, j’ai monté la mission sur mon temps personnel. Avant cela fonctionnait, mais en reposant sur le système D. Aujourd’hui, l’objectif est d’essayer de tout anticiper pour ne laisser aucune place à l’improvisation, même s’il peut toujours y avoir des surprises. Pour cela, il fallait de la structure et de la modernité. »

« Auparavant, la logistique était gérée par un binôme tournant de caravaniers. La mise en place d’un poste dédié, qu’on a fait évoluer d’année en année, a été une grande avancée. Le logisticien a un rôle de facilitateur, tant dans la phase préparatoire que pendant le Tour. Ce soutien opérationnel permet à chacun de se concentrer sur sa mission, notamment le chef de détachement. Le but est que les caravaniers n’aient rien à faire à part leur mission et la remise en condition des véhicules chaque soir en arrivant et chaque matin avant le départ », note le major Philippe, précisant que « Thierry reste un caravanier à part entière, mais dédié à la logistique de la caravane. Chaque jour, il est binômé avec un caravanier différent pour l’aider. »

Le travail de logisticien commence donc bien en amont de l’épreuve. En effet, depuis la création du poste, en 2019, le MDC Thierry et le major Philippe forment un « vrai binôme » durant toute la phase préparatoire. « Dès que le tracé est révélé, à la mi-octobre, je commence la recherche d’hôtels. J’échange alors beaucoup avec Thierry sur la pertinence des emplacements, parce qu’il vit le Tour en direct. Même si moi aussi, à force, je connais bien l’épreuve, j’aime bien avoir son avis », souligne le major.

Tout se prépare en amont !

Il est en effet important de choisir au mieux la localisation des hôtels, afin de réduire les temps de trajet le matin, ainsi que les déplacements du camion logistique. Thierry vérifie ensuite un certain nombre de points auprès des hôtels ou hébergements (les caravaniers pouvant être logés dans des lycées ou autres) : nombre de chambres, petits-déjeuners, présence d’un parking sous-terrain ou fermé, possibilité de recharger les véhicules, mise à disposition d’un lave-linge et d’un sèche-linge, etc.

Parallèlement, le militaire dresse une cartographie des laveries automatiques, des stations de lavage et des stations de carburant alentours, « une entre la fin de l’étape et l’hébergement et une autre à proximité du départ de l’étape suivante pour pallier le petit volume des réservoirs »

Le volet restauration se gère aussi en amont, « car durant le Tour, la journée passe trop vite. » Il lui faut donc trouver et réserver un restaurant pour chaque soir, mais aussi anticiper les déjeuners que les caravaniers emporteront à bord des véhicules, en prenant en compte les restrictions de chacun. L’emport d’une glacière par voiture a d’ailleurs été l’une des premières améliorations apportées par le MDC Thierry en tant que logisticien.

Avant le grand départ, il faut aussi préparer les colisages de goodies (cette année 140 000 porte-clés pour le Tour masculin et 30 000 pour le féminin, NDLR), pour chaque journée et chaque véhicule, qui trouveront leur place dans le camion « log' », au côté de trois lots de vie permettant au détachement d’être totalement autonome (entretien des véhicules, du linge, préparation de petits-déjeuners, etc.).

Pour parfaire cette organisation, le MDC Thierry élabore également, en lien avec le LCL Joël Scherer, officier de liaison du TDF, et le chef de détachement, un roadbook reprenant en détail le dispositif de la caravane jour après jour : kilométrage, horaires, nombre de goodies, circuit du camion « log’ », composition quotidienne des équipes de la caravane et des chambrées, caravanier affecté à la log’, hébergement, restauration, stations carburant et de lavage, visites officielles… Une véritable Bible !

« Avec son expérience, Thierry nous a permis de réfléchir la logistique, d’anticiper. Depuis, les choses n’ont cessé d’évoluer en fonction des besoins qu’il nous fait remonter. Aujourd’hui, nous avons un système qui fonctionne bien », conclut le major Philippe.

Quatre semaines sur les routes de France !

Avec l’heure du départ du Tour, sonne, pour le MDC Thierry, le début d’un périple de trois semaines sur les routes de France au volant de son camion logistique, qu’il enchaînera cette année avec le Tour de France féminin (du 24 au 31 juillet 2022). Comme un père de famille, du moins comme un adjudant d’escadron pour rester dans un jargon plus "gendarmique", il veille au bon déroulement de chaque journée, procédant notamment au transit des bagages, que les caravaniers retrouvent dans leur chambre le soir venu, gérant l’alimentation, résolvant les incidents pouvant survenir en cours d’étape, ou encore vérifiant les véhicules le soir venu. « Sur le Tour, Thierry est logisticien, mais il peut aussi avoir à intervenir sur un véhicule ou sur une de ses installations, même si nous sommes en relation directe avec Stellantis, dont le réseau est en alerte tout au long de notre itinéraire, de même que les groupements traversés », note le major Philippe.

Au terme des deux tours, il faudra encore « déshabiller » et déséquiper les véhicules, afin de les remettre dans leur configuration initiale… Avant un repos bien mérité, du moins jusqu’à ce que le tracé suivant ne soit révélé et que la machine ne se remette en marche. « C’est une belle aventure, qui me change aussi de mon quotidien. Je suis prêt à repartir tous les ans. J’ai chopé le virus », sourit le MDC Thierry.

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