Gestion R.H. : accompagner les cadres dirigeants de la gendarmerie
- Par le commandant Céline Morin
- Publié le 25 mai 2021
Dans la dynamique de la stratégie GEND 20.24 et de sa déclinaison R.H., la Mission des hauts potentiels (MHP) de la gendarmerie a reçu pour mandat d'accompagner les cadres dirigeants, présents et futurs, dans leur parcours de carrière. S'attachant à la sphère comportementale, son objectif est de favoriser la montée en compétences globale des officiers et de tendre vers une gestion de leur parcours professionnel en cohérence avec le profil talent détecté.
De création récente, puisqu'elle a vu le jour en 2017, la Mission des hauts potentiels, ou MHP, trouve son origine dans les directives données par le Premier ministre en 2015, demandant aux institutions de se doter d’une structure de suivi de leurs cadres dirigeants et cadres potentiels.
« Ce n'est absolument pas un outil de sélection, mais bien d'accompagnement des officiers à haut potentiel, dont l'action est complémentaire de celle du gestionnaire. À l'inverse du bureau du personnel officier, nous ne sommes pas là pour mesurer leurs capacités professionnelles et techniques, mais pour nous intéresser à leur comportement et à leur savoir être dans certaines situations professionnelles, présente le général Frédéric Boudier, chef de la MHP. L'objectif est d'associer cet accompagnement à une montée en compétences globale, permettant ainsi d'alimenter la filière commandement ainsi que les filières de soutien et d'appui, avec des personnels de qualité, dans le cadre de parcours de carrière en cohérence avec leur profil et leurs aspirations. »
Tel est donc le mandat actuellement confié par le directeur général à cette petite structure permanente de quatre personnels, illustrant pleinement la dynamique GEND 20.24, dans son deuxième pilier « s’engager ensemble et en confiance », et sa déclinaison R.H.
Un development center à destination des lauréats de l'ES2
L’action de la MHP se décline en deux volets, ciblant chacun un public spécifique.
Hauts potentiels par postulat, tous les officiers lauréats du concours de l’ES2 (Enseignement Supérieur du second degré), soit 85 personnels cette année, vont ainsi systématiquement entrer dans le dispositif de suivi mis en place à leur attention sous la forme d'un development center.
Leur parcours débute par un assessment center d’une demi-journée, au cours de laquelle les officiers sont mis en situation dans le cadre de fonctions qu’ils pourraient être amenés à occuper dans un avenir proche, afin d'observer leur comportement et leur savoir être dans des situations particulières : gestion du stress, de la pression, d'un environnement inconnu, sens de la négociation, sens politique, etc.
Un temps exécuté avec des partenaires privés, ce processus vient d'être internalisé, en s'appuyant sur un vivier d'une soixantaine de réservistes citoyens de la gendarmerie, préalablement formés à l'exercice de l'observation. « Cela contribue à rendre notre dispositif unique au sein de la fonction publique et, surtout, cela nous permet d'avoir un meilleur contrôle sur son contenu et de l’adapter à nos objectifs. Les réservistes ont aussi l'avantage de nous apporter un regard un peu extérieur par rapport à celui d’un autre officier de gendarmerie. C'est aussi une belle opportunité de valoriser leur engagement au profit de l’institution », souligne le général Boudier.
À la faveur d'un scénario interactif et évolutif au gré des réactions induites, un trinôme de réservistes citoyens, sélectionnés sur la base de la richesse et de la diversité de leur parcours professionnel, va donc évaluer l'officier selon un certain nombre de critères permettant de définir un leader public. Ces éléments ont été préalablement déterminés dans le cadre d'un travail partenarial associant l’université Paris 2 Assas, des cabinets réputés et les spécialistes R.H. de la DGGN.
À l’issue de cette journée d’observation, les assesseurs produisent un rapport intermédiaire, sur lequel l'équipe de la MHP s'appuiera pour conduire l'entretien individuel. À cette occasion, pendant près de deux heures et demie, l'officier et son interlocuteur vont décrypter les résultats de l'assessment, pondérer un certain nombre d’observations et surtout échanger.
« L’opportunité leur est donnée, à ce stade de leur carrière, de s’exprimer sur leurs aspirations et la suite de leur parcours professionnel… Nous leur offrons une écoute différente, mais complémentaire de celle du gestionnaire », estime le général.
Par ailleurs, dès lors que des axes de progrès sont détectés, dans le domaine comportemental ou soft skills, la MHP se fait fort de proposer un ou deux modules de formation complémentaire, déjà existants sur étagère ou spécifiquement développés sur des thématiques particulières.
L'objectif est de faire progresser l'ensemble des officiers dans la perspective de contribuer, à terme, à une gestion par la compétence. Dans son rapport final, la MHP émet ainsi un avis d'employabilité, à l'attention du gestionnaire et de la hiérarchie, dans lequel elle cerne les profils talents, c'est-à-dire les domaines dans lesquels l'officier est susceptible d’exprimer le mieux ses capacités, tant au profit de l'institution que de son propre épanouissement personnel.
Le rapport définitif est le fruit d'un échange itératif entre l'officier et la MHP, « l'objectif étant d'arriver à un constat partagé », plus à même de motiver les personnels à s'engager dans un processus de formation. Une fois les deux parties d'accord, le rapport est verrouillé et placé par l'officier dans son dossier R.H. (Gestion électronique des documents), où son accès est limité à un nombre très restreint de personnes.
Un tour d'horizon à 360
Le deuxième champ d'action de la MHP concerne des colonels, dans leur dernière année à la tête d’un TC3 (Temps de Commandement) ou d'un TR3 (Temps de Responsabilité). Ils sont ainsi une trentaine concernés chaque année. Pour eux, l’assessment center est remplacé par un « 360 », qui va de nouveau s'attacher à évaluer la sphère comportementale, cette fois en situation de responsabilité ou de commandement.
Pour ce faire, la MHP va interroger, en présentiel ou de manière dématérialisée, une trentaine de personnes issues de l'entourage professionnel du candidat, selon un périmètre défini conjointement et englobant à proportions égales des autorités d’emploi ou assimilées (autorités administratives, chefs hiérarchiques, autorités judiciaires, élus…), des pairs (officiers de gendarmerie ou homologues extérieurs) et enfin des subordonnés. « La démarche est surprenante dans le monde militaire, convient le général Boudier. Mais c’est toujours très intéressant d’avoir le regard que portent les subordonnés sur leur chef. Ce sont souvent des jugements empreints d’une grande pondération. »
De la même manière que pour les ES2, le « 360 » est suivi d’un entretien avec la MHP et d'un rapport comprenant un nouvel avis d’employabilité.
Coaching et journées à thème
Outre ces deux volets principaux, la MHP peut également accompagner les officiers généraux, en leur proposant des formations particulières, par exemple pour faciliter une prise de fonction un peu sensible.
Enfin, la mission a pour projet, dès que les conditions sanitaires le permettront, de développer des journées sur des thématiques particulières, ouvertes sur la base du volontariat, par exemple à l’approche de prises de fonctions particulières ou tout simplement pour mettre à disposition une offre d'enrichissement dans différents domaines, comme l'usage des réseaux sociaux ou l'organisation actualisée des collectivités territoriales.
Retours d'expérience positifs
Faisant figure de laboratoire, le dispositif développé par la MHP suscite l'intérêt de nombreuses institutions, à l'instar de la DGAFP, qui a d'ailleurs appuyé financièrement la MHP en 2020 au titre du fonds d’innovation des ressources humaines, la mission des cadres dirigeants de l’État à Matignon, la DMAT, le ministère de Fonction et de la Transformation publiques, ou encore les douanes…
En interne, les retours sur le dispositif sont très positifs, à l’instar de celui de la lieutenante-colonelle Diane Beucler, actuellement chargée de mission au cabinet du directeur général, qui a suivi le cursus ES2 cette année. Revenant sur ce qui s’est avéré être une complète « découverte », l’officier confie s’être laissée porter par cette expérience nouvelle, sans préparation particulière, « comme on nous l’avait d’ailleurs conseillé. »
En février dernier, c’est donc très sereinement qu’elle a abordé l’étape de la mise en situation : « Il n’y avait pas d’enjeu, du moins pas de pression particulière. Je suis totalement entrée dans le jeu, en considérant mes interlocuteurs comme des préfets, des élus ou des représentants associatifs et en réagissant en qualité d’officier de gendarmerie en poste face à une situation réelle, tel que je l’aurais fait dans la réalité, sans me demander ce que l’on attendait de moi. Le scénario était évolutif, cherchant à faire ressortir la capacité d’interaction avec l’ensemble des interlocuteurs, notamment extérieurs à la gendarmerie, un certain entregent, la capacité à trouver un accord, à prendre des décisions, à réagir à l’animosité, à prendre en compte des événements nouveaux… »
Bien que ces trois heures de mise en situation aient été un brin « éprouvantes », la LCL Beucler a apprécié cet exercice, « plaisant voire amusant », mais aussi le moment de partage avec les réservistes citoyens en dehors de l’exercice.
S’en est suivi, en avril, un entretien de plus de deux heures avec un officier de la MHP et un psychologue, permettant, dans un premier temps, de dresser le bilan de la mise en situation, au regard des qualités et des défauts qui avaient pu en émerger en termes de personnalité. Puis, dans un second temps, l’échange s’est porté sur son parcours de carrière, détaillant les difficultés éventuellement rencontrées, les sources de satisfaction comme d’insatisfaction, avant d’aborder ses aspirations et ambitions futures, à la fois professionnelles et personnelles.
Cette approche nous renforce dans nos points forts et nous aide à travailler nos points faibles.
« C’était un entretien complètement différent de ceux que j’avais déjà pu avoir, que ce soient les oraux de concours, les entretiens de notation ou encore de gestion. C’est une séquence que j’ai trouvé très intéressante, notamment parce que c’est la première fois que l’Institution me consacrait du temps pour parler de moi, non seulement en qualité d’officier, mais surtout en tant que personne. Si on est un tant soit peu honnête, on connaît nos qualités et nos défauts ; mais j’aurais tendance à dire qu’on peut manquer d’objectivité, voire être plutôt sévère vis-à-vis de soi. C’est donc intéressant de se les entendre dire par un tiers, sans sentiment de jugement, mais au contraire avec une volonté d’amélioration. Cette approche nous renforce dans nos points forts et nous aide à travailler nos points faibles. L’institution nous offre une possibilité d’introspection à la fois professionnelle et personnelle. C’est une belle opportunité qu’il nous appartient ensuite de faire fructifier. Personnellement, cela a contribué à me forger une idée de ce que je voulais pour l’avenir, et surtout, cela a renforcé mes convictions, notamment pour mon parcours de carrière futur. J’ai apprécié cette approche novatrice de la gestion R.H., qui nous offre une prise en compte individualisée globale, avec une vraie volonté de rechercher en quoi améliorer le parcours des officiers, notamment les jeunes officiers comme moi. C’est quand même assez rare dans le monde du travail, et d’ailleurs ça n’existait pas chez nous jusque-là. »
Pour en savoir plus sur la MHP, retrouvez toutes les informations sur son livret de présentation et suivez son actualité sur sa page LinkedIn.
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