Direction de la coopération internationale de sécurité : une restructuration pour une plus grande efficience

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 29 août 2021
Mme Sophie Hatt, directrice de la désormais Direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS).
© Sirpa Gend - GND F. Garcia

La Direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS) organise, du 30 août au 3 septembre, son premier colloque. Celui-ci permettra d'échanger et de débattre sur les enjeux actuels de coopération. À cette occasion, Sophie Hatt, directrice de cette direction commune à la police et à la gendarmerie, revient sur les priorités fixées par le ministère de l'Intérieur à l'international, sur les missions de la DCIS aux fins de contribuer à la sécurité des citoyens et des intérêts économiques français, tant sur le territoire national qu’à l’étranger, ainsi que sur la récente réforme structurelle entreprise.

Le 1er août, la Direction de la coopération internationale (DCI) a changé de nom pour devenir la Direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS). Pour autant, son objectif reste le même : contribuer, par son action à l’international, à la sécurité des Français, à l’étranger comme sur le territoire national. Comment cela se traduit-il ?

Rappelons tout d’abord que la Direction de la coopération internationale (DCI) est née en 2010, du rapprochement entre le Service de coopération technique internationale de police (SCTIP) et la Sous-direction de la coopération internationale (SDCI) de la gendarmerie. Cette première direction commune fut en quelque sorte un laboratoire. D'autres ont suivi au fil des années, l’OFAST étant la dernière en date. Aujourd’hui, et ce depuis le 1er août 2021, dans le cadre de la réforme structurelle que nous avons entreprise, la DCI devient en effet Direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS), afin de contextualiser notre cadre d’action de manière immédiate.

La mission de la DCI, et désormais de la DCIS, est de participer à l'élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie européenne et internationale du ministère de l'Intérieur, dont la rédaction incombe, depuis octobre dernier, date de sa création, à la Direction des affaires européennes et internationales (DAEI). Placée sous l'autorité du secrétaire général du ministère de l'Intérieur, celle-ci s’appuie pour ce faire sur les contributions de l’ensemble des directions, dont la DCI, laquelle, grâce à son réseau d'Attachés de sécurité intérieure (ASI), est en mesure d'apporter un important volume d’informations.

La déclinaison de la stratégie ministérielle à notre niveau se fait selon trois axes, ou plutôt trois types de coopération. Une coopération institutionnelle, surtout centrée et animée au sein de l'Union européenne. Une coopération opérationnelle, qui se traduit par la transmission d'informations via notre réseau à l'adresse des services français. Il s’agit d’échanges d'informations qui ont vocation à alimenter les procédures judiciaires, mais contrairement aux outils de coopération policière que sont les agences Europol ou Interpol, nous n’avons pas vocation à les exploiter. L’ASI a donc un rôle essentiel de mise en relation entre les services de sécurité de son pays de résidence et les services de sécurité français, c’est un facilitateur. Enfin, une coopération technique, c’est-à-dire toutes les actions que les ASI vont mettre en œuvre, en lien avec les différentes directions, soit pour dispenser de la formation et des bonnes pratiques à nos partenaires, directement dans leur pays, en faisant venir des experts français, soit en leur proposant, à l'inverse, de venir en France.

Tout l’enjeu de cette coopération est de contribuer à la sécurité des citoyens et des intérêts économiques français, tant sur le territoire national, où les menaces sont tout autant liées au terrorisme qu’à la criminalité organisée, qu’à l’étranger, où l’ASI a un rôle de conseiller auprès de l’ambassadeur, pour assurer la sécurité de la communauté française expatriée. L’objectif est d’assurer un continuum de sécurité intérieure et extérieure.

Quelles sont les priorités fixées à la DCIS par le ministère de l'Intérieur ?

La première des trois grandes orientations qui nous ont été fixées est la lutte contre la criminalité organisée, laquelle couvre les trafics de stupéfiants et la cybercriminalité, un volet qui prend toujours plus d’ampleur et pour lequel la demande en matière de coopération est énorme. La lutte contre l'immigration irrégulière est également un axe majeur de notre travail. À ce titre, 25 officiers de liaison immigration détenant des compétences en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, sont placés au sein de SSI (Services de Sécurité Intérieure). Leurs informations sont à l’origine de 30 % des démantèlements de filières par l'OCRIEST, l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre de la direction centrale de la police aux frontières. Ils procèdent également, en lien avec les polices aux frontières étrangères, à des oppositions à l'embarquement dans les ports et les aéroports, après détection de faux ou usurpation de documents. Enfin, ils participent à la formation des effectifs des polices aux frontières étrangères, qu’ils sensibilisent à la fraude documentaire.

Le troisième volet de notre action concerne la lutte contre le terrorisme.

Toutefois, aucun de ces domaines n’est étanche. Ils peuvent facilement s’imbriquer les uns aux autres : les trafics de stupéfiants et la cybercriminalité pouvant financer le terrorisme, l’argent généré par les réseaux d’immigration irrégulière alimentant la criminalité organisée, des étrangers en situation irrégulière pouvant commettre des actes terroristes dans le pays d'accueil…

Un dossier nous occupe beaucoup actuellement en matière de coopération : la Présidence française de l'Union européenne, qui débutera en 2022 et que nous préparons depuis plusieurs mois, tant au niveau de la direction centrale que de nos ASI en poste dans des pays de l'Union européenne.

L’actualité de la DCIS est également marquée par la récente mise en œuvre d’une réforme structurelle qui va bien au-delà de son changement de nom. Quelle est pour vous la principale évolution ?

Cette réforme était attendue. Elle est l’aboutissement d’un long process, au cours duquel nous avons consulté tous les acteurs et partenaires pour connaître leur ressenti et leurs besoins quant à notre activité : tous les directeurs généraux, les directeurs de cabinet, le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE)... Il en ressort une restructuration nécessaire, mais aussi le développement de missions qui existaient auparavant, sans être toutefois assez visibles.

Le principal constat sur lequel nous nous sommes appuyés pour mener cette réforme est la prépondérance d’un mode de fonctionnement tourné vers le bilatéral au détriment de la coopération multilatérale, ajouté à un fort cloisonnement entre les deux au sein de la direction centrale. Jusqu'à présent, il y avait en effet une sous-direction de la coopération multilatérale et une sous-direction de la coopération bilatérale… Et pas assez de passerelles entre les deux. Pour être plus efficients, plus efficaces, il nous fallait casser ce cloisonnement. Nous avons donc créé une sous-direction Europe et une sous-direction Monde, pour faire en sorte de renforcer les actions bilatérales et multilatérales dans chacune. Ainsi, les projets mis en œuvre dans une zone géographique donnée, comme les Balkans, dépendront désormais d’une seule entité. Pour les agents de terrain, cela simplifie les choses.

Cela facilitera également la réalisation de nos actions, car c’est en nous alliant avec des partenaires européens que nous pouvons solliciter les financements que l’Union européenne (U.E.) met à la disposition de ses États membres pour mener sa politique de sécurité. Ces fonds nous permettent de monter des projets dans des pays étrangers, afin de lutter contre des phénomènes criminels qui nous impactent et ainsi travailler dans le sens de nos objectifs, c'est-à-dire la lutte contre le terrorisme, l'immigration irrégulière et la criminalité organisée et ses moyens financiers. Le rôle de la DCIS est d’aider les directions métiers de la gendarmerie comme de la police à obtenir et à utiliser ces financements.

Par exemple, pour lutter contre l'immigration irrégulière, soit nous travaillons en bilatéral avec chacun des pays concernés, de manière à renforcer leurs moyens d’action et à partager nos bonnes pratiques, ainsi que du renseignement pour démanteler les filières d'immigration irrégulière, et ce sur des moyens financiers français limités. Soit nous déterminons avec l'U.E., dont l’un des objectifs est de lutter contre l'immigration irrégulière et le trafic d'êtres humains, les pays sources ou de transit des migrations, avec le souhait de renforcer la chaîne pénale et les capacités de leurs services. Il est impératif de travailler avec le pays « source », avant de chercher des partenaires européens animés d’intérêts communs ou de répondre à une sollicitation pour prendre part à un projet. La DCIS joue alors un rôle d'assembleur, de facilitateur, de technicien. Elle travaille avec la direction centrale de la police aux frontières, la direction générale des étrangers en France…, afin de déterminer le type de structure à mettre en place en lien avec les partenaires, mais surtout avec le pays hôte. Le projet peut avoir comme objectif de créer une structure, ou de la consolider, et de la professionnaliser, afin qu’elle demeure pérenne et en autonomie une fois le projet achevé et les effectifs européens retirés. C’est un système de mentorat qui ne remet pas en cause la souveraineté des pays.

Quels autres domaines vont bénéficier de cette réforme ?

Cette réforme a aussi pour volonté de professionnaliser encore davantage l'influence française au sein des organisations internationales, c'est-à-dire de consolider le positionnement de personnels de haut niveau au sein des instances internationales et européennes. Pour ce faire, la division gestion des crises de la DCIS assure une veille stratégique, qui lui permet d’identifier ces postes, avant d’engager un dialogue direct pour susciter des candidatures au sein d’un vivier de personnels identifiés. On les aide à préparer leur candidature, puis on les suit tout au long de leur mission. Par exemple, nous avons actuellement plusieurs Français en poste au Mali : la générale Patricia Boughani, à la tête de la composante « Police » de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), mais aussi le commissaire général Hervé Flahaut, qui est le chef de la mission Eucap Sahel Mali, une mission de paix et de sécurité civile au Mali, sans oublier l’ASI. En termes de coopération, nous avons donc du bilatéral, du multilatéral européen, du multilatéral ONU. Si chacun travaille pour son organisation, avec une clause de non-divulgation, ils travaillent tous ensemble et sont aussi français. Le but, là encore, est de mieux partager l’information.

Nous avons aussi décidé de développer notre volet innovation, avec la création d’un poste de chef de projet dédié, qui travaille en lien avec les directions métiers du ministère de l'Intérieur et l’Union européenne. Avec son équipe, il identifie les budgets de l'Union européenne consacrés à l'innovation, les met en adéquation avec les besoins formulés par les directions métiers, puis met ces dernières en relation avec les chercheurs et les industriels pour travailler sur des projets qui aboutiront, nous l’espérons, dans 2, 3 ou 4 ans…

Enfin, nous avons souhaité créer un état-major. Nous avions déjà une salle de commandement H.24, lien permanent entre nos 73 ASI, la direction centrale et le ministère de l'Intérieur. Désormais, nous aurons un état-major renforcé, qui sera la porte d'entrée et la porte de sortie uniques de la DCIS, non seulement pour les ASI, mais également pour tous les services du ministère de l'Intérieur et au-delà, comme le Quai d'Orsay. Il commandera la salle de commandement H.24, ainsi qu’une division stratégie, chargée de rédiger les notes destinées à la direction, aux cabinets des ministres, etc. Une division études et bonnes pratiques traitera par ailleurs le volet « benchmarking », sur requête émanant des directions métiers, lesquelles se verront adresser une synthèse sur la thématique souhaitée. L’objectif est de pouvoir nous inspirer et tirer le meilleur de ce qui se fait dans d’autres organisations, voire dans d’autres pays dans différents domaines. Et enfin, une division en charge du pilotage et du contrôle interne des 73 SSI.

Ces évolutions vont-elles modifier les missions des gendarmes et des policiers déployés à l'étranger ?

Cette réforme n’affectera pas à proprement parler les attachés de sécurité intérieure. Leur nombre et leurs missions resteront inchangés, mais leur mode de fonctionnement sera somme toute différent, dans le sens où ils n’auront plus qu’un seul et même sous-directeur qui traitera leur zone géographique. Ce décloisonnement permettra de couvrir plus facilement tout le spectre de la coopération. Pour eux, ce sera donc plus simple !

Par ailleurs, depuis l’an dernier, nous avons instauré le principe d’une lettre de mission à leur intention, ainsi que la rédaction par leurs soins d’un plan d'action qui permettra, tant pour eux que pour nous, de suivre la réalité et l'efficacité de leurs actions pendant toute la durée de leur poste. C'est un dispositif que l’on souhaite professionnaliser, à l’instar de ce qui existe déjà pour les ambassadeurs.

À noter :

outre la direction centrale, implantée à Nanterre, la DCIS déploie, à travers le monde, 73 ASI, policiers et gendarmes, qui ont compétence sur 153 pays ; certains d’entre eux ayant un agrément d’autorité pour des pays autres que celui où ils sont en résidence. Depuis septembre dernier, date de son implantation en Australie, elle est désormais présente sur les cinq continents. Placé sous l'autorité de l'ambassadeur, chaque ASI est à la tête d’un Service de sécurité intérieure (SSI), dont la dimension dépend de la densité de la coopération entretenue avec les partenaires étrangers. Il peut ainsi être seul en poste, ou avec un ASI adjoint et, en fonction de l’activité, un certain nombre d’officiers de liaison dépendant de la DCIS et opérant dans quatre thématiques : stupéfiants, immigration, criminalité organisée et terrorisme. Viennent ensuite s’agréger des effectifs détachés au MEAE, qui sont soit des Coopérants militaires techniques (CMT) pour la gendarmerie, soit des Experts techniques internationaux (ETI) pour la police, généralement placés dans des positions de conseillers auprès des autorités locales.

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