Former pour mieux lutter contre les risques psychosociaux

  • Par le capitaine Éric Costa
  • Publié le 16 décembre 2019
Cours sur les risques psychosociaux dispensé à des stagiaires gradés du SNFEO, à Dijon.
© SirpaGend – MAJ. F. Balsamo

Les Risques psychosociaux RPS) ont longtemps été un sujet tabou pour les forces de sécurité en général. La prise de conscience de ce sujet qui peut concerner n’importe qui, amène depuis plusieurs années la gendarmerie nationale à mettre en place une politique de prévention des RPS et à la renforcer. Pour ce faire, l’Institution a notamment décidé de sensibiliser et de former les gradés d’encadrement, vecteur essentiel au cœur de toutes les unités.

Une commission d’enquête parlementaire du Sénat, datant de juillet 2018, a révélé que les forces de l’ordre traversent une véritable crise mettant en péril, non seulement le bon fonctionnement du service public de la sécurité, mais surtout la santé des personnels. Les policiers et gendarmes sont de plus en plus frappés par les risques psychosociaux, ce qui peut en partie s’expliquer par une forte activité opérationnelle et une grande pression sécuritaire quasi continues depuis quelques années (menace terroriste, délinquance en hausse, violences, etc.). À cela, viennent s’ajouter d’autres facteurs spécifiques à ce type d’emploi que sont la confrontation à la mort, et le contact avec la souffrance et la détresse humaine qui comportent une charge émotionnelle pouvant être à l’origine d’un épuisement professionnel, voire d’un burn-out.

Que sont les RPS ?

Plusieurs types de risques psychosociaux sont à distinguer : le stress qui peut provenir du sentiment de ne pas réussir pleinement et efficacement dans son travail ; les violences internes, à l’instar des conflits internes au service, pouvant aller jusqu’au harcèlement, moral ou sexuel ; les violences externes, du type insultes, menaces ou agressions, commises par des personnes externes. L’exposition aux facteurs de RPS peut générer diverses conséquences tant physiques que psychologiques comme le burn-out, et dans certains cas les plus extrêmes, participer à l’aggravation de maladies psychiques.

Prévenir plutôt que guérir

« Afin de consolider sa politique de prévention des RPS et d’amélioration de la qualité de vie au travail, ainsi que la prévention du risque suicidaire, la gendarmerie nationale a souhaité renforcer les dispositifs sensibilisation et de formation des personnels, confie le général Pascal Hurtault, commandant l’École de gendarmerie (EDG) de Dijon. Il est important de sensibiliser les personnels, de tous statuts et de tous grades, sur ces problématiques pour faire changer les choses. Il a donc été décidé de mettre en place un cours spécifique de prévention aux RPS. Il paraissait logique de le dispenser d’abord aux gradés d’encadrement de la gendarmerie qui sont au contact direct des risques, présents sur tous les fronts, et premiers capteurs des signaux révélant des RPS. Ils sont à l’écoute des personnels en difficulté et doivent pouvoir les conseiller et les orienter vers les acteurs du soutien et de l’accompagnement des personnels (médecins, psychologues cliniciens, assistants sociaux) pour une prise en charge, en tout état de cause, alerter la hiérarchie. Le créneau idéal était naturellement le Stage national de formation à l’encadrement opérationnel (SNFEO), qui se déroule à l’école de gendarmerie de Dijon. »

Des acteurs idoines

« À la création de l’école, nous avons eu la chance de recevoir des formateurs intéressés par ce sujet. En particulier l’adjudant Nicolas C., négociateur régional, formé sur la question et d’autres instructeurs de l’école. Des psychologues du travail du Bureau de la santé et de la sécurité au travail (BSST), de la sous-direction de l’accompagnement du personnel de la DGGN, étaient à ses côtés pour élaborer ce cours dès le début de l’année 2019, poursuit le général. Les psychologues du travail ont apporté le volet théorique et ont adapté leur méthodologie avec nos formateurs pour arriver au produit proposé aujourd’hui. L’école dispose désormais de sa propre psychologue du travail, venant appuyer les formateurs ».

L’adjudant, formateur à l’école de Dijon et négociateur régional, en exercice lors d’une mise en situation où il joue un personnel dépressif se confiant à un camarade lors d’une patrouille de surveillance générale.

© SirpaGend – MAJ. F. Balsamo

Jouer sur les émotions

La présence d’un négociateur est une réelle plus-value pour ce cours. L’adjudant qui dispensait déjà un cours sur la confrontation à la mort et sur la gestion d’une personne suicidaire dans le cadre d’une intervention, est particulièrement formé à l’écoute. De plus, le fait qu’un gendarme dispense le cours permet aux stagiaires de mieux s’identifier.

« L’objectif de ce cours est de faire réfléchir les stagiaires pour qu’ils se posent les bonnes questions sur les RPS avant qu’une situation ne se présente à eux. Pour être pleinement efficace dans le créneau de deux heures imparti, il faut s’approcher au plus près de leurs attentes et donc du terrain, explique l’adjudant Nicolas C. Nous leur apportons tout d’abord une présentation théorique appuyée par des supports vidéos comprenant notamment le témoignage d’une fonctionnaire de police affectée par les RPS. Cela les met rapidement dans le cœur du sujet. Puis, rapidement, nous passons à un cas concret où un des formateurs se met en situation avec un stagiaire et joue le rôle d’un personnel rencontrant des problèmes personnels ou professionnels l’amenant à une phase dépressive. »

« Cette séquence peut rappeler des expériences vécues et faire remonter des émotions de plus en plus fortes »

« La fin du cours est consacrée à des échanges pour débriefer sur la mise en situation et tenter de leur apporter des solutions : comment détecter les signaux, écouter, à savoir l’association de trois choses : entendre le message, le comprendre et agir. Enfin, nous leur indiquons les acteurs en mesure de les appuyer dans ce genre de situation : un très bon camarade, un médecin, le commandant d’unité, un conseiller concertation, un assistant social, un négociateur régional et, bien entendu, un psychologue clinicien. Le meilleur moyen de prévenir les RPS, reste malgré tout la culture du debriefing opérationnel, nécessaire au déstockage émotionnel, il faut exprimer les choses pour empêcher que la situation ne s’envenime. »

Élargir le public

« Il est nécessaire de parler des risques psychosociaux. Les gendarmes doivent comprendre que tout le monde peut être exposé au cours de sa vie aux RPS, être impacté et en souffrir, mais ce n’est pas pour autant synonyme de faiblesse. Le taux de satisfaction moyen des stagiaires de 95 %, encourage à cibler un public beaucoup plus large. Nous avons donc pour objectif d’uniformiser le message diffusé dans l’ensemble des formations, avec notamment l’EOGN qui propose déjà un cours RPS aux élèves-officiers. L’idée est également de sensibiliser les élèves-gendarmes durant leur formation initiale », explique le capitaine Grégory Clinchamps, psychologue et chef de la section qualité de vie au travail au BSST.

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