Guyane : la Compagnie de gendarmerie départementale de Matoury confrontée à tous les engagements
- Par le capitaine Tristan Maysounave
- Publié le 30 septembre 2024
Deuxième plus grande compagnie de gendarmerie de France en superficie après celle de Saint-Laurent-du-Maroni, Matoury incarne la diversité des engagements auxquels les gendarmes peuvent être confrontés en Guyane. Leur détermination leur permet d’obtenir des résultats remarquables.
Située à l’est et au centre de la Guyane, la compagnie de gendarmerie départementale de Matoury présente des proportions hors normes. Implantée sur 42 % de la superficie du département, elle partage 300 kilomètres de frontière avec le Brésil et compte neuf unités élémentaires (six Brigades territoriales autonomes – BTA, un Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie / PSIG, une Brigade de recherches / B.R, et une Brigade motorisée / B.Mo.) et un poste isolé situé à Saül. Ces unités agissent sur un territoire hétérogène. À Matoury et à Remire-Montjoly, communes de la plaque cayennaise classées en Zone de sécurité prioritaire (ZSP), elles sont essentiellement confrontées à des problématiques urbaines et périurbaines ainsi qu’à la prise en compte de sites sensibles (port de commerce, centrale thermique, base navale, aéroport, tribunal judiciaire, etc.). Les nombreux quartiers informels qui se sont construits au fil du temps constituent également des repaires pour les malfaiteurs. Ces deux communes, soumises à une très forte délinquance, génèrent 75 % de l’activité de la compagnie. Ailleurs, les territoires sont confrontés à l’orpaillage illégal, à l’isolement et à l’immigration irrégulière, provenant majoritairement des pays limitrophes ou proches (Brésil, Suriname, Guyana, etc.).
Face à cette situation, les militaires de la compagnie de Matoury, appuyés par des gendarmes mobiles et des réservistes, sont engagés sur tous les fronts.
Saturer le terrain
Afin de permettre aux habitants de la circonscription de vivre paisiblement, les gendarmes multiplient les patrouilles, notamment à Matoury et à Remire-Montjoly.
« Notre objectif est de tenir le terrain 24 heures/24, explique le lieutenant-colonel Amaury Le Pape, commandant de la compagnie de gendarmerie départementale de Matoury. Cette présence permanente nous permet d’intervenir rapidement et d’interpeller les auteurs en flagrant délit, ce qui est dissuasif. Nous agissons partout afin d’éviter la constitution de zones de non-droit. On pénètre donc dans les quartiers informels de jour comme de nuit. Constitués de constructions précaires, ils sont non seulement habités par des délinquants mais également par des personnes neutres voire favorables à notre action. Notre détermination nous permet de maintenir le lien avec cette population. »
Depuis 2023, les militaires de la compagnie sont appuyés par un Détachement de surveillance et d’intervention (DSI) constitué de réservistes. Ils mènent des actions de prévention et multiplient les échanges avec les acteurs locaux, ce qui leur permet d’obtenir du renseignement.
La compagnie peut également compter sur le renfort de gendarmes mobiles. Si la plupart d’entre eux sont concentrés à Matoury et à Remire-Montjoly dans le cadre de plusieurs DSI, certains sont également détachés en brigade. Ils participent aux actions menées localement et soulagent les enquêteurs en leur permettant de disposer de plus de temps pour traiter leurs procédures judiciaires.
Deux Escadrons de gendarmerie mobile (EGM) sont en permanence positionnés sur la plaque cayennaise1.
Ils constituent trois DSI. Le premier est consacré aux transfèrements. Le deuxième est spécifiquement constitué pour endiguer le phénomène des Vols à main armée (VAMA), quasi-quotidiens. Sa présence permet de dissuader d’éventuels passages à l’acte. Lorsqu’un fait survient, ce DSI est immédiatement engagé afin de tenter d’interpeller l’auteur. Le dernier, constitué de plus de 50 gendarmes, participe à lutter contre tous les types de délinquance, dont le trafic de cocaïne, en fournissant chaque jour dix personnels en appui de l’aéroport. Ils mènent des contrôles et des fouilles qui leur permettent de découvrir fréquemment de la drogue. Les autres militaires du DSI effectuent des actions de surveillance sur la circonscription, notamment de nuit. Ils conduisent également des Opérations anti-délinquance (OAD) pilotées par la compagnie.
« Ces opérations, menées sous réquisition, consistent à effectuer de nombreux contrôles en différents points, explique le lieutenant Nicolas Britto, commandant le peloton d’intervention de l’EGM 23/1 de Rosny-sous-Bois. Nous faisons en sorte de disposer d’un rapport de force favorable, parfois avec le concours d’un maître-chien. »
L’occupation du terrain participe à lutter contre la violence.
Lutter contre la violence
« Les OAD nous permettent de retirer de nombreuses armes de la circulation », poursuit le lieutenant Britto.
« L’une de mes priorités a été d’avoir une action significative sur la saisie des armes à feu, confirme le lieutenant-colonel Le Pape. Elles sont utilisées dans tous les faits violents. Chaque année nous saisissons une cinquantaine de pistolets automatiques dans le cadre de ces contrôles. Notre action contribue à assainir la situation. »
Ces armes sont notamment utilisées par des factions brésiliennes implantées en Guyane, entre autres autour de Cayenne. La Section de recherches (S.R.) en a fait l’une de ses priorités. Elle est appuyée par les gendarmes de la compagnie de Matoury, qui lui transmettent les renseignements collectés sur le terrain. Les contrôles menés permettent également de harceler ces bandes armées et de contraindre leur action, notamment en interpellant leurs membres en situation irrégulière et en les reconduisant à la frontière.
Les militaires se sont également adaptés au niveau de violence auquel ils sont confrontés au cours de leurs interventions. « Nous faisons face à une délinquance violente qui nécessite des réflexes spécifiques, explique le lieutenant-colonel. Nous formons nos personnels, notamment dans le domaine du secourisme. La plupart du temps, ils arrivent sur les lieux des faits avant les secours. Ils ont donc appris à traiter une blessure par balle mais aussi à prendre en compte l’environnement afin d’agir en sécurité. C’est la raison pour laquelle les violences graves contre les gendarmes sont rares. »
Vecteur de nombreuses infractions, les flux font l’objet d’une attention spécifique.
Contrôler les flux
« En Guyane, la délinquance routière est particulièrement marquée, précise le commandant de compagnie. Nous sommes confrontés à de nombreuses conduites addictives. Le niveau de vie moyen de la population étant relativement bas, nous avons fréquemment affaire à des conduites sans assurance ou sans permis. Les véhicules ne sont pas toujours en état de rouler. La B.Mo. obtient des résultats exceptionnels. En 2023, les motocyclistes de cette unité ont, par exemple, saisi 400 scooters. Leur action de sécurité routière participe à la sécurité publique, dans la mesure où ces deux-roues sont fréquemment volés et utilisés pour commettre des VAMA. Les délinquants se voient retirer leurs moyens d’action. »
Les gendarmes de la compagnie conduisent également des actions de contrôle des marchandises, que celles-ci soient acheminées par voie terrestre ou fluviale. En provenance du Brésil, elles alimentent le marché noir. La compagnie comptait un Poste de contrôle routier (PCR). Celui-ci était connu des trafiquants, qui le contournaient afin d’échapper aux contrôles. En août 2023, la décision a été prise de le démonter et de revoir l’approche en matière de gestion des flux.
« Désormais, nous mettons en place des actions ciblées, souvent nocturnes, pour tenter d’empêcher l’arrivée des flux, explique le lieutenant-colonel. Nous menons des actions plus impromptues et donc plus efficaces. Nous saisissons plusieurs tonnes de marchandise chaque semaine. Sur les fleuves, nous nous coordonnons avec la Brigade fluviale et nautique (BFN) de Matoury afin de contrôler les pirogues accostant dans les dégrads (en Guyane, le terme dégrad désigne un port ou un lieu de mise à l'eau de chargement et déchargement des embarcations, NDLR), en fonction des renseignements que nous obtenons. »
Outre le contrôle des flux de marchandises, les gendarmes de la compagnie sont également confrontés à des flux humains irréguliers contre lesquels des opérations spécifiques sont menées.
« Le contrôle des Étrangers en situation irrégulière (ESI) est une mission à part entière, ajoute l’officier. Nous avons traité plus de 400 ESI l’année dernière. Un grand nombre d’entre eux ont fait l’objet d’une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) ou d’une remise aux autorités brésiliennes pour les nationaux de ce pays. Cette mesure a un véritable impact, notamment lorsqu’ils font l’objet d’un mandat de recherche. »
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Les opérations menées contre ces flux irréguliers participent à lutter contre l’orpaillage illégal.
Lutter contre l’orpaillage illégal
« Nous menons en permanence des opérations visant à harceler les garimpeiros (chercheurs d’or clandestins, NDLR), souligne le lieutenant-colonel Le Pape. Le territoire de la BTA de Cacao (rattachée à la compagnie de gendarmerie de Matoury, NDLR) est particulièrement aurifère. Les gendarmes de la brigade, renforcés par d’autres unités, notamment spécialisées, ont interpellé plus d’une vingtaine de personnes et intercepté 43 pirogues servant à l’orpaillage illégal en 2023. Une partie conséquente de la marchandise que nous saisissons est destinée à cette activité. Notre action est déterminante et génère un fort impact financier. Nous utilisons de nombreux moyens dont des quads afin de nous adapter aux modes d'action de l'adversaire. Nous pouvons également compter sur les missions menées par les gendarmes mobiles en forêt ainsi que sur les postes qu’ils tiennent en permanence et qui empêchent l’installation de garimpeiros. »
Lorsqu’un site clandestin est découvert, les gendarmes se coordonnent avec la sécurité civile et les services de la préfecture afin de détruire les galeries.
Dans le même temps, les gendarmes de la compagnie participent à la protection des mines légales. « Nous nous attachons à connaître les opérateurs miniers, précise l’officier. S’agissant d’un métal précieux, les sites ainsi que les convois sont la cible des bandes armées. Nous recherchons le renseignement utile et nous assurons leur sécurité le cas échéant. »
En complément de ces engagements, les gendarmes de la compagnie mènent des missions de contact à destination de la population. Dans certains territoires particulièrement isolés, ils sont les seuls représentants de l’État.
Aller au contact de la population
À l’instar des gendarmes de la Communauté de brigades (Cob) de Maripasoula, ceux de la compagnie de Matoury participent à un dispositif de Police de sécurité du quotidien (PSQ). « Nous nous portons au contact des populations isolées, explique le lieutenant-colonel Le Pape. Nous réalisons des actes d’huissier et nous répondons aux besoins de la population, notamment dans le domaine du numérique, ce qui valorise le service public et l’action de la gendarmerie. Ces missions de souveraineté et de présence constituent des séjours hors du temps. »
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Au quotidien, les gendarmes de la compagnie peuvent compter sur les Gendarmes adjoints volontaires (GAV) originaires du département. « Ils nous aident à mieux connaître nos circonscriptions, se satisfait le commandant de compagnie. La Guyane est une mosaïque culturelle. Ces personnels maîtrisent les traditions et des langues utiles (le portugais, par exemple), ce qui facilite les échanges avec la population. »
Et de conclure : « il s’agit d’un territoire exigeant, qui implique de toujours se remettre en question. Aujourd’hui, nous avons une connaissance fine des populations et des quartiers de la compagnie. Nous avons densifié nos opérations, ce qui nous a permis d’obtenir de beaux résultats tant en matière d’atteintes aux biens que d’atteintes aux personnes. Le dispositif associant gendarmes départementaux et gendarmes mobiles est particulièrement satisfaisant. En mutualisant nos forces, nous parvenons à un véritable équilibre reposant sur la connaissance du terrain, la maîtrise de la légalité et la capacité à recourir à la force le cas échéant. »
Pour en savoir plus, découvrez le portrait du lieutenant-colonel Le Pape. Affecté à la Sous-direction du personnel officier (SDPO) de la Direction des ressources humaines de la gendarmerie nationale (DRHGN) depuis le 1er août 2024, il a été remplacé par le chef d’escadron Valentin Bouquin.
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