Un gendarme au cœur de la gestion de crise

  • Par la lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 07 novembre 2023
Dans le chaos des immeubles effrondrés, des secouristes français cherchent au milieu des décombres des survivants.
© SSI Turquie

Début février 2023, deux séismes successifs ravagent le sud-est de la Turquie. Pour aider les forces locales à secourir un maximum de personnes, la France projette deux équipes de secouristes et des personnels chargés du déploiement d’un hôpital de campagne. Rattaché à l’ambassade de France en Turquie, le service de sécurité intérieure, dont le lieutenant-colonel Éric Painset est l’attaché de sécurité intérieure adjoint, a piloté cette manœuvre.

Le 6 février 2023, à 4 h 30 du matin, un premier séisme secoue le sud-est de la Turquie. De magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter, son épicentre est situé à proximité de la ville de Kahramanmaras, qui compte plus d’un million d’habitants. Huit heures plus tard, à 13 h 30, alors que la situation est déjà extrêmement préoccupante, un second séisme de magnitude 7,5 déchire à nouveau la terre dans la même zone.

Au total, plus de 500 km² sont touchés, soit onze provinces turques, dans lesquelles vivent 14 millions de personnes (soit 7 % de la population du pays). L’ampleur de la crise laisse présager un bilan extrêmement lourd. À l’ambassade de France, à Ankara, une cellule de crise est activée dès le premier tremblement de terre. Pilotée par l’ambassadeur, elle compte parmi les différents pôles, le SSI, le Service de Sécurité Intérieure, au sein duquel se trouvent des officiers de liaison, un Attaché de sécurité intérieure (ASI) issu de la police nationale, et un Attaché de sécurité intérieure adjoint (ASIA), le lieutenant-colonel Éric Painset, officier de gendarmerie en poste depuis 2019.

Alors que l’ASI reste en cellule de crise avec l’ambassadeur, le lieutenant-colonel Painset, accompagné de l’assistante-traductrice du SSI et d’un Garde de sécurité diplomatique (GSD) faisant office de conducteur, va être envoyé sur le terrain, où, au milieu des immeubles en ruines et du chaos, il va devoir régler un certain nombre de difficultés.

500 ressortissants français, 140 secouristes

La première préoccupation de la cellule de crise de l’ambassade va être d’identifier de potentiels ressortissants français parmi les victimes. L’équipe dirigée par le lieutenant-colonel Painset sera chargée de rechercher des informations sur place, en fonction des demandes transmises par la cellule de crise. Parmi les 500 Français répertoriés sur cette zone – essentiellement des binationaux et leurs ayants droit -, neuf manqueront à l’appel.Après le second séisme, dont la violence provoque de nouveaux effondrements de bâtiments et de nouvelles victimes, l’Union européenne déclenche, en urgence, le Mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU), auquel appartient la Turquie. La France, pleinement impliquée au sein de ce dispositif, annonce l’envoi immédiat de deux équipes de secouristes.

Le mardi matin, à 11 h 30, moins de 24 heures après le second séisme, le lieutenant-colonel Painset et son équipe accueillent, à l’aéroport militaire d’Incirlik, non loin d’Adana, à l’ouest de la zone touchée, le premier détachement, composé de 70 secouristes français de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile n° 1 (UIISC1) de Nogent-le-Rotrou, tous spécialisés dans le secours à personnes en situation dégradée.

À leurs côtés, se trouvent également trois personnels du Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), qui feront le lien entre la France et les ressortissants français sur place. Le lendemain, alors que le doute plane s’agissant de savoir sur quel aéroport l’avion va atterrir, la deuxième équipe, composée également de 70 secouristes, issus cette fois de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), se pose finalement à Gaziantep, à l’est de la zone. Il est 4 h 30 du matin. Après seulement une petite heure de sommeil, l’équipe dirigée par le lieutenant-colonel Painset reprend du service et part les accueillir.

SSI : une courroie de transmission

« Dès qu’on a su que la France envoyait des secouristes français, ma mission a été de faciliter l’arrivée et le déploiement sur zone de ces deux détachements, tout en répondant à toutes les demandes particulières de la cellule de crise », explique le lieutenant-colonel. Grâce à leur connaissance du terrain, mais également des gendarmes et des policiers des forces de sécurité intérieure locales, avec lesquelles le SSI entretient depuis longtemps de nombreux liens de coopération, l’officier de gendarmerie et son équipe vont ainsi réussir à surmonter de nombreuses difficultés, en partie liées au déploiement massif de l’aide internationale. « Outre le déclenchement du MPCU, la Turquie a également requis l’aide internationale pour l’envoi de secouristes. Dans un contexte de désorganisation totale, qu’on ne peut pas imputer aux autorités turques, compte tenu de l’ampleur de la catastrophe, il a fallu que nous, au SSI, permettions aux deux détachements français d’obtenir des véhicules, et tout ce dont ils avaient besoin afin de travailler au maximum de leurs capacités tout au long de leur déploiement », précise l’officier.

Après des heures de démarches dans les aéroports (plus de six heures pour le deuxième détachement) et une fois équipées de véhicules, les équipes de secouristes sont enfin déployées sur la zone définie par l’ERCC (Emergency Response Coordination Center), l’organisme européen chargé de la coordination des secours. Alors que le premier détachement est engagé à Osmaniye, dans le sud de la zone touchée, le deuxième est envoyé plus au nord, sur le site même de l’épicentre du séisme, à Kahramanmaras. Sur les axes, l’état des routes, extrêmement endommagées, les flux de secouristes, l’exode massif de population quittant la zone et celle y entrant pour récupérer des proches, doublent le temps de chaque déplacement. Du temps que les secouristes n’ont pas ! Car dans cette zone montagneuse et en plein hiver, avec un thermomètre affichant des températures négatives, et alors que les répliques se succèdent, chaque minute compte pour retrouver des survivants. Le premier détachement de secouristes est redirigé dans le Hatay, zone frontalière avec la Syrie, où les dégâts considérables ont provoqué des tensions et des scènes de pillage.

Ce climat d’insécurité n’impactera pas le travail des secouristes français, l’équipe du lieutenant-colonel Painset ayant préalablement fait le nécessaire auprès des forces locales pour que leur protection soit assurée. La France envoie parallèlement un hôpital de campagne et 85 personnels supplémentaires, qui seront cette fois gérés par une autre équipe du SSI, venue relever celle du lieutenant-colonel Painset. Celle-ci sera composée de l’ASI, d’un officier de liaison du SSI et d’un GSD.

« Comme l’impression que tout s’est arrêté »

Au regard de l’étendue de la zone sinistrée, les secouristes des différents pays ne peuvent se rendre sur tous les sites. Pour aider les pays étrangers à retrouver leurs ressortissants, le lieutenant-colonel Painset va donc être missionné par l’ambassade de France pour faire remonter des informations sur la présence potentielle de ressortissants des pays requérants sur les secteurs d’engagement des détachements français.

Le cas inverse s’est aussi présenté. Un travail de coopération réalisé, par exemple, avec les secouristes espagnols. « Sur les secteurs où nous n’étions pas présents, nous avons également pris contact avec nos homologues étrangers pour savoir s’ils n’avaient pas de nouvelles de nos ressortissants. » Malgré cette solidarité internationale, qui a mobilisé 80 pays européens et extra-européens, le bilan est lourd. Dans cette catastrophe, qui s’inscrit comme les deux séismes les plus meurtriers du pays, plus de 50 500 personnes ont trouvé la mort (un chiffre sans doute bien en deçà de la réalité, compte tenu du nombre de personnes portées disparues, NDLR), plus de 122 000 personnes ont été blessées, 35 355 bâtiments détruits et 5 millions de personnes déplacées. En Syrie, également touchée par la catastrophe, près de 6 000 personnes ont perdu la vie.

Six mois après ce drame, le pays se reconstruit doucement, tandis qu’au sein du SSI français, le lieutenant-colonel Painset a repris le cours de ses missions. Mais cette catastrophe sans précédent, au cœur d’une situation de crise majeure, restera l’une des plus marquantes de sa carrière. Une carrière principalement tournée vers la sécurité publique et ponctuée de deux missions de six et quatre mois en prévôté (au Kosovo et en Jordanie), qui a pourtant déjà été marquée par de nombreuses crises. « J’ai connu la tempête Xynthia quand je commandais l’escadron départemental de sécurité routière de Vendée. On ne peut évidemment pas comparer ces situations, mais là aussi c’était très compliqué. Vous arrivez sur des zones, des villes, des quartiers entièrement détruits. Il règne une atmosphère assez pesante, comme l’impression que tout s’est arrêté. Il y a un état de sidération, y compris au sein de la population locale. Étrangement, il n’y a pas beaucoup de bruit, seulement le son des secouristes qui s’affairent pour retrouver des personnes vivantes, et surtout des gens qui ont l’espoir qu’on retrouve un de leurs proches vivants. Cette atmosphère pesante est palpable le jour, mais peut être encore plus la nuit, lorsque vous circulez en voiture ou à pied, et que vous voyez ces zones éclairées par des projecteurs ou des ballons lumineux, avec le bruit sourd des groupes électrogènes. »

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