Niamey : la vigilance constante des gendarmes en ambassade

  • Par le chef d'escadron Sophie Bernard
  • Publié le 18 septembre 2023
Un gendarme posté à l'étage de l'ambassade de Niamey.
Le chef de détachement des GSD posté à l'étage de l'ambassade de Niamey.
© T.DOUBLET / SIRPAG

Au cœur du Sahel, le Niger, à l’instar de ses voisins, fait face à la montée en puissance de la criminalité organisée et du terrorisme. Si les Français y étaient les bienvenus jusqu’en 2010, ils sont peu à peu devenus une cible privilégiée, comme l’a encore tristement illustré l’attaque de Kouré, en août 2020. En parallèle, les coups d’États successifs, au Mali, puis au Burkina Faso, ainsi que le sentiment anti-Français grandissant, ont mis à mal la présence des forces françaises dans la région. C’est dans ce climat tendu qu’une poignée de gendarmes œuvre chaque jour au profit de la sécurité de l’ambassade de France et de son représentant à Niamey. Immersion au sein d’une emprise française sous haute surveillance.

 

À noter :

Depuis ce reportage, réalisé au Niger en février 2023, un coup d’État, survenu le 26 juillet, a renversé le président Mohamed Bazoum, exacerbant les tensions et les sentiments anti-Français. Faisant suite à la condamnation du putsch par les autorités françaises, comprenant la suspension par la France de ses aides financières au développement et de son appui budgétaire au pays, des milliers de manifestants se sont massés devant l’ambassade de France, à Niamey, le 30 juillet, pour soutenir la junte au pouvoir, saccageant une partie de l’emprise diplomatique. La France a débuté l’évacuation de ses ressortissants le 1er août 2023, sur la base du volontariat. Pour les gendarmes affectés à la sécurisation de l’ambassade, ce coup d’État a marqué la bascule d’un état d’alerte permanent à la défense active des emprises diplomatiques et des diplomates, ainsi qu’à l’appui à l’évacuation des ressortissants français.

 

Située dans le quartier des ambassades à Niamey, l’ambassade française comporte certaines particularités. Étendue sur une vingtaine d’hectares, l’emprise est composée d’une partie institutionnelle (ambassade et consulat de France) et d’une partie résidentielle, les deux étant séparées par un boulevard où seules les forces locales s’avèrent compétentes. Si l’accès au site est géré par une société de gardiennage privée, dont les employés occupent les postes de garde extérieurs, toute sa sécurité relève de la responsabilité des Gardes de sécurité diplomatique (GSD). Composé de sept gendarmes, le détachement des GSD a pour mission d’assurer la sécurité de l’emprise 24h/24, 7j/7. À cette fin, les militaires y effectuent des patrouilles régulières et peuvent compter sur le dispositif de vidéosurveillance pour les aider à déceler toute intrusion éventuelle. Ils s’assurent également de l’identité des visiteurs (rendez- vous, réceptions), de la sûreté de l’enceinte et de ses abords (clôtures détériorées, véhicules stationnés), ainsi que de la sécurité à l’intérieur des bureaux. « Nous y accompagnons les employés de ménage et nous nous assurons qu’aucune donnée sensible ne traîne dans la pièce (NDLR : les GSD sont habilités secret défense). Nous gérons également tout le système radio au sein de l’ambassade », explique le major Dara, chef de détachement. Autant de missions qui peuvent sembler basiques et répétitives, mais qui ont toute leur importance prévient le gradé : « Il faut redoubler d’attention en permanence. D’abord parce que nous représentons la gendarmerie française à l’étranger, dans un monde diplomatique particulièrement sensible, mais aussi et surtout parce que la menace est constante. Les alertes régulières des services de renseignement dans le cadre des réunions inter-services tendent à nous le rappeler. »

Un état d’alerte permanent

L’évolution du détachement depuis quatre ans est d’ailleurs particulièrement révélatrice, avec une augmentation significative des effectifs, une montée en grade, ainsi qu’une certaine professionnalisation (première expérience en OPEX ou en ambassade pré-requise, maîtrise d’une langue, diplômes en intervention, etc.). Dans ce contexte de menace diffuse, la formation continue des GSD s’avère également essentielle. « Nous sommes isolés au milieu du Sahel et nous devons pouvoir assurer, si besoin, la sécurité de l’ambassade en totale autonomie. Aussi, nous possédons un armement collectif et un volume de munitions suffisant pour tenir dans la durée. À titre individuel, chacun dispose également d’une radio, d’une arme longue et d’un équipement lourd, qu’il conserve dans un coffre à son domicile. En cas d’absence, l’arme doit rester prête à être employée si besoin par un camarade. Nous organisons aussi régulièrement des séances de tir, ainsi que des exercices d’activation du plan de défense deux fois par an, afin de rester prêts à intervenir. »

Un gendarme de la garde de sécurité diplomatique au poste de sécurité de l'ambassade.
© T.DOUBLET / SIRPAG

Et l’actualité récente ne peut que leur donner raison. « Lors du coup d’État qui a eu lieu en novembre dernier au Burkina Faso, nous avons dû prêter main-forte au détachement GSD sur place, en envoyant une partie de nos matériels par vol spécial. Fin mars 2021, nous avions nous-mêmes frôlé le coup d’État. Des coups de feu ont éclaté dans la rue en pleine nuit et le palais présidentiel, à quelques mètres de là, a été pris pour cible par des militaires nigériens. Le plan de défense a été activé, et il a fallu mettre à l’abri l’ambassadeur et ses proches, ainsi que la famille d’un de nos camarades. »

Vivre l’aventure en famille

En effet, GSD est l’une des rares fonctions à l’étranger où le gendarme peut être accompagné de sa famille durant les trois à cinq années passées sur place. Une expérience riche, mais qui n’est pas sans conséquence pour les proches. « Les compagnes sont bien souvent sans travail au vu du peu d’offres d’emplois à Niamey, explique Johanna, la femme d’un gendarme. Les activités avec les enfants restent également très limitées, puisque nous ne pouvons pas sortir de la ville ». En effet, après l’assassinat de Français par des groupes terroristes dans la réserve de Kouré, en 2020, le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères a placé le Niger en zone rouge, à l’exception de sa capitale Niamey. Un événement qui a d’ailleurs entraîné le départ de la famille d’un gendarme. « Après cela, ma femme était très angoissée et réagissait au moindre bruit. Dans ce climat tendu, elle a préféré rentrer en France avec nos filles », raconte Sébastien. D’autres parviennent au vu de ces contraintes à s’adapter, comme Laurie, sur place depuis trois ans avec son mari : « J’ai trouvé un travail dans le domaine des ressources humaines, ce qui m’a permis de m’intégrer rapidement. Le Niger est un pays magnifique, que nous avons eu la chance de découvrir pour partie avant l’attaque de 2020, et dont la population est profondément gentille. » Quoi qu’il en soit, sur place, les gendarmes et leurs proches n’hésitent pas à s’investir auprès des Nigériens, en œuvrant au côté d’associations et en aidant ainsi les plus démunis.

Les « anges gardiens » de l’ambassadeur

Si les GSD sécurisent l’emprise diplomatique française à Niamey, d’autres gendarmes sont employés auprès de son représentant. Ils sont ainsi trois, détenteurs de la qualification spécifique de « Protection des hautes personnalités (PHP) », à avoir pour tâche d’assurer cette mission au profit de l’ambassadeur ou, en son absence, du « chargé d’affaires ». Auparavant issus d’escadrons de gendarmerie mobile ou de la Garde républicaine, les PHP sont désormais plus d’une centaine, pour la majorité d’entre eux affectés au sein des antennes du GIGN, auquel ils sont rattachés pour emploi. Multipliant souvent les technicités et les expériences en OPEX, ils effectuent en moyenne 90 jours de projection à l’étranger tous les trois mois. « C’est avant tout de la réflexion et du bon sens. Nous sommes là pour sécuriser les déplacements de l’ambassadeur et lui permettre d’aller là où il ne pourrait pas forcément aller seul. Mais il faut rester honnête et ne pas hésiter à lui dire non si la mission s’avère trop risquée », explique l’adjudant-chef Alexandre. « Ce n’est pas toujours évident, car les diplomates ont plutôt l’habitude que leur entourage leur dise oui. Ce fut le cas d’une mission où l’ambassadeur devait se rendre au nord du Mali pour une conférence sur la paix, mais où nous ne disposions d’aucun véhicule blindé une fois sur place », raconte l’adjudant Cédric.

Un gendarme assurant la protection des hautes personnalités ouvre la portière à l'ambassadeur de France au Niger.
© T.DOUBLET / SIRPAG

Armés de leurs pistolets automatiques et d’armes longues, les PHP disposent habituellement, en effet, de véhicules blindés et équipés pour effectuer leurs missions. « Nous les préparons en amont en effectuant des reconnaissances, en nous appuyant sur nos fiches de sites et sur nos points de contact, avant d’envoyer un avis sécuritaire au GIGN qui devra le valider, ceci en lien avec l’Officier de sécurité du poste », décrit le major Nicolas. Chacun leur tour, les PHP sont « l’épaule » de l’ambassadeur durant 24 heures, l’accompagnant partout et restant toujours à bonne distance pour intervenir, tandis que les deux autres l’appuient ou préparent la prochaine mission. « La personnalité de l’ambassadeur y fait beaucoup. Certains s’accommodent de cette présence et d’autres ont plus de mal », remarque Alexandre.

Diplomate depuis plus de trente ans, M. Sylvain Itté, l’actuel ambassadeur de la France au Niger, est rodé à ce type de dispositif de sécurité et ne tarit pas d’éloges à l’égard des gendarmes qui l’entourent. « Dans ce contexte particulièrement tendu, je sais que je peux compter sur l’engagement des GSD, qui connaissent parfaitement leurs missions, ainsi que sur les PHP que j’aime à surnommer “mes anges gardiens” ».

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