L'ADN, comment ça marche?

  • Par Contributeur 315046
  • Publié le 25 juillet 2016, mis à jour le 13 juin 2023

Les échantillons biologiques sont issus de différentes sources : ils proviennent directement de prélèvements effectués sur les scènes d’infraction par les techniciens en identification criminelle, d’individus identifiés ou de cadavres. Selon leur origine, au sein de l’IRCGN, ils sont analysés par des services différents : les cartes FTA (Fast Technology Analysis) et les restes humains par le Service Central d’Analyses Génétiques de la Gendarmerie-Individu et les autres prélèvements par le Service Central d’Analyses Génétiques de la Gendarmerie-Traces ou le département Biologie, selon qu’ils soient standardisés ou non, respectivement.

Principes fondamentaux

Le corps humain est composé de milliards de cellules possédant chacune un noyau et des mitochondries, organes indispensables à leur fonctionnement, et dans lesquels se trouve l’ADN (acide désoxyribonucléique). Il existe donc deux types d’ADN : l’ADN génomique et l’ADN mitochondrial. Dans le cadre des empreintes génétiques, l’ADN génomique, présent dans le noyau de la cellule, est étudié en première intention.

Dans le noyau, l’ADN se trouve sous sa forme la plus condensée : le chromosome. Si celui-ci est déroulé, on obtient alors un ADN formé de deux brins antiparallèles enroulés l’un autour de l’autre formant une double hélice. Cette dernière est constituée de plusieurs éléments appelés nucléotides : A (Adénosine), T (Thymine), C (Cytosine) et G (Guanine). Les régions de l’ADN qui codent et régulent la synthèse des protéines sont appelés gènes, elles sont constituées par des parties codantes et des parties non-codantes. Ces séquences non codantes sont variables d’un individu à l’autre et constituent ainsi la base des empreintes génétiques. Deux sortes de variabilité existent : le polymorphisme de séquence (différence entre les nucléotides) et le polymorphisme de taille (séquence de taille différente). L’analyse génétique repose sur l’étude de séquences répétées d’ADN appelées STR pour Short Tandem Repeat. Ces régions présentent de nombreux avantages : elles sont nombreuses, facilement amplifiables et peuvent être analysées simultanément.

Les zones dans lesquelles sont présentes des variations sont aussi nommées marqueurs. La variation visible sur ces STR se traduit par le nombre de répétition d’une séquence. La localisation physique d’un marqueur STR sur le gène est appelé un locus ; quant à l’allèle, il correspond à une version  variable d’un même gène ou locus. Le polymorphisme implique qu’il y ait plusieurs allèles pour un même gène ou locus donné. De part l’héritage issu de ses parents, chaque individu possède deux exemplaires de chaque gène, l’un hérité de la mère et le second du père. Si un individu a deux copies identiques d’un même allèle, il est homozygote sinon il est dit hétérozygote. Par conséquent, en identifiant les répétitions d’une séquence spécifique à des loci précis dans le génome, il est possible de créer le profil génétique d’un individu.

En France, quinze régions sont analysées et comparées pour établir un profil, en plus des chromosomes sexuels. La liste de ces fragments d’ADN pouvant être étudiés est fixée par l’article A38 du Code de Procédure Pénale.

Mode opératoire

Le SCAGGEND-Traces travaille essentiellement sur des prélèvements standardisés tels que les écouvillons, mégots, chewing-gums et compresses. Les prélèvements d’autres types (vêtements, draps, armes à feu….) sont habituellement traités par le département Biologie mais ils peuvent également être analysés par le SCAGGEND-Traces avec l’accord de l’expert concerné. Plusieurs étapes sont nécessaires pour l’obtention d’un profil génétique :

Étape 1 : Ouverture des scellés et échantillonnage des prélèvements

La phase d’ouverture consiste à contrôler la conformité des scellés, autrement dit qu’ils n’ont pas été ouverts ni contaminés lors de leur acheminement jusqu’au laboratoire. De plus, pour les prélèvements standardisés, il faut vérifier que le contenu du scellé est conforme à la référence inscrite sur le carton de scellé et que les codes-barres scellé/prélèvement correspondent. Les écouvillons sont directement utilisés tels quels et ne nécessitent pas d’étape d’échantillonnage. Cette étape est réalisée pour tous les autres types de prélèvement. Elle consiste à prélever la partie d’intérêt, autrement dit la partie de l’échantillon susceptible de contenir des cellules et permettant d’obtenir un profil génétique.

 

Étape 2 : Extraction de l’ADN

 L’extraction, constituée de différentes étapes,  a pour objectif de récupérer l’ADN génomique, présent dans le noyau, et de l’isoler en solution. Tout d’abord, une lyse cellulaire est réalisée à l’aide d’un kit contenant des détergents ayant pour fonction de casser les membranes en agissant sur la bicouche lipidique. Ils dissocient les macrostructures cellulaires par solubilisation des lipides et des protéines hydrophobes. Elle est effectuée à 56°C, température optimale pour l’action des différents agents de lyse. L’utilisation des détergents est associée avec celle de la protéinase K, enzyme dégradant les protéines. Elle permet de disloquer les structures cellulaires protégeant l’ADN et de neutraliser les nucléases, protéines présentes dans la cellule et libérées lors de la lyse. Ensuite, l’ADN extrait est purifié à l’aide d’une méthode utilisant des billes magnétiques. Les conditions ioniques du milieu réactionnel permettent la capture de l’ADN par les billes magnétiques. L’ADN alors piégé est transporté par un aimant dans plusieurs bains de lavages afin d’éliminer les résidus cellulaires et les inhibiteurs. A l’issue des cycles de lavages, l’ADN est libéré des billes magnétiques à l’aide d’un tampon d’élution.

 Automag KingFisher Flex permettant l’extraction d’ADN

Étape 3 : Amplification de l’ADN

Après l’extraction, il est nécessaire de réaliser une étape d’amplification de cet ADN afin d’en obtenir une quantité suffisante pour l’analyse du profil génétique. Elle consiste à cibler une région de l'ADN avec un couple d'amorces qui va encadrer la zone à amplifier sur la molécule. La polymérase, une enzyme capable d’assembler des nucléotides, va permettre de former un brin d’ADN complémentaire au fragment d’ADN ciblé. Ce principe, appelé réaction de polymérisation en chaine (PCR) reproduit in vitro la réplication naturelle de l'ADN au cours de la division cellulaire. Une élévation de la température aux différentes phases du processus (séparation des deux brins, hybridation des amorces, élongation par la polymérase) est apportée pour remplacer l'énergie nécessaire in vivo et permettre l'accélération de la réaction. La thermorésistance de la polymérase permet de renouveler le cycle plusieurs fois conduisant à l’obtention d’un nombre de copies de la séquence cible suffisant. Lors de cette étape, les fragments d’ADN sont marqués à l’aide de fluorochromes différents, molécules fluorescentes permettant de les détecter et de les identifier.

Étape 4 : Génotypage

Le génotypage ou séquençage est basé sur le principe de l’électrophorèse capillaire. Cette méthode consiste à séparer les fragments d’ADN en fonction de leur taille à travers un tube capillaire sous l’influence d’un champ électrique. L’ADN étant chargé négativement, il va migrer vers le pôle positif. Les fragments sont séparés pendant leur migration du fait de leur mobilité électrophorétique qui est fonction de leur taille et de la mobilité électroosmotique (flux créé par la couche de silice chargée négativement et les cations de la solution tampon chargés positivement). Lors de leur migration, les fragments d’ADN sont excités par un laser, les fluorochromes associés réémettent alors la fluorescence à des longueurs d’onde particulières formant un spectre d’émission capté par une caméra. Les signaux sont ensuite filtrés pour être séparés et permettre la dissociation des fragments d’ADN en fonction de leur taille et du type de fluorochrome associé. L’intensité des signaux est directement proportionnelle à la quantité d’ADN.

Séquenceur ABI 3500 XL  permettant le génotypage

Étape 5 : Interprétation des profils

A l’aide d’un logiciel informatique, les données brutes obtenues par électrophorèse capillaire sont restituées sous la forme d’un électrophorégramme représentant les 16 loci analysés : 15 STR autosomaux et le marqueur sexuel qu’est l’amélogénine. Les résultats sont exprimés, pour chaque fragment analysé, par deux chiffres représentant la désignation du fragment (l’un hérité du père, l’autre de la mère). L’attribution de ces valeurs est réalisée par comparaison à une échelle allélique construite à partir d’allèles existant dans une population de référence.

L’exploitation des résultats est réalisée par l’expert qui procèdera, si obtention d’un profil génétique, à une inscription de ce dernier au Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG). L’analyse  d’un profil génétique débute par la détermination de l’homo- ou hétérozygotie des allèles d’un individu grâce à l’observation des pics sur l’électrophorégramme. En effet, un seul pic correspond à un individu homozygote, autrement dit il possède le même allèle du gène pour le marqueur. A l’inverse, un double pic implique que l’individu est hétérozygote. Cette étude est effectuée pour chacun des marqueurs étudiés. Ensuite, l’assignation des pics du profil est vérifiée puis validée par l’expert permettant ainsi l’obtention d’un profil génétique unique correspondant à un individu. Ce profil pourra faire l’objet d’un rapprochement avec un individu déjà présent dans la base FNAEG ou être comparé avec les profils d’un suspect, d’une victime ou d’une personne disparue. Ces comparaisons sont effectuées sur une base probabiliste, autrement dit chaque profil est associé à une probabilité représentant la fréquence de ce profil dans la population générale. Par conséquent, l’interprétation de la concordance de deux profils génétiques est fondée sur le calcul de cette probabilité appelée risque de coïncidence fortuite. Tous les prélèvements ayant donné un profil génétique sont conservés au Service Central de Préservation des Prélèvements Biologiques. Les résultats et conclusions de l’expert sont formulés dans un rapport d’examen scientifique ou d’expertise puis sont ensuite transmis au requérant (magistrat ou enquêteur).

Il est important de noter que l’analyse génétique est une aide à l’enquête. Elle permet seulement de préciser qu’une personne est présente à un endroit donné ou a manipulé un objet, et non de déterminer qui est l’auteur de l’infraction. C’est l’enquête judiciaire qui conduira à ces conclusions.

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