Exploitation de la scène d'infraction : Quelle est la nature de cette trace inconnue ?

  • Par Contributeur 380991
  • Publié le 11 juin 2019, mis à jour le 13 juin 2023

Détectables à l’œil nu ou appartenant à l'infiniment petit, les traces présentes sur une scène d'infraction sont nombreuses et leur analyse déterminante pour l'enquête judiciaire ou administrative. En effet, le principe d'échange de Locard, l'un des principes fondateurs de la police scientifique, établit que chaque individu laisse des traces de son action et emporte avec lui des traces de l'environnement dans lequel il a agi.

Traces de sang, fluides biologiques, cheveux, poils ... ces traces bien connues sont rapidement identifiées et exploitées à des fins d'identification. Mais une scène d'infraction réserve souvent des surprises et les traces mises en évidence ne peuvent pas toujours être identifiées sans analyse. Une question centrale : quelle est la nature de cette trace inconnue ? Particules solides, échantillons liquides, projections, poudres, identification de substances exogènes : l'analyse des produits inconnus est le cœur de métier de l'unité d'expertise Analyse Chimique Environnement. Un focus sur ses moyens particuliers et ses méthodes pour répondre à un panel de missions des plus exigeantes.

L'analyse de produits inconnus - un large spectre de missions

Le nombre de molécules chimiques est tel qu'il ne peut être estimé de façon précise. L'ordre de grandeur est proche du milliard d'arrangements d'atomes et éléments chimiques entre eux. Les composés chimiques peuvent être classés en deux grandes familles; les composés organiques et inorganiques. Les premiers se distinguent des seconds par leur squelette carboné. En fonction de leurs propriétés physico-chimiques, les différents composés vont se trouver sous forme gazeuse, liquide ou solide et vont avoir un impact par interaction avec notre organisme ou notre environnement. L'impact, qu'il soit positif ou négatif, d'un composé chimique va déterminer un classement par grande famille de fonction : médicaments, stupéfiants, polluants, détergents, produits phytosanitaires etc...

 

Mais alors, que se cache t-il derrière l'analyse des produits dit inconnus ?

Un produit inconnu peut être défini comme toute substance liquide, solide, gazeuse ou sous forme de poudre pour lequel l'identification de sa nature est directement corrélée à sa composition chimique. En conséquence, le spectre de traces ou d'indices non identifiés sur un scène d'infraction est très large et la détermination de leur nature se révèle souvent déterminante pour les qualifications pénales des faits, les levées de doute administratives, la mise en évidence de mode opératoire des délinquants ou encore la définition de l'action criminelle. Quelques exemples pour illustrer ces missions. 

  

Des résultats probants pour une juste qualification pénale des faits

Les recherches de substances exogènes

L'infraction pénale nommée "administration de substances nuisibles" qualifie plus communément les faits d'actes d'empoisonnement. Il est nécessaire d'apporter l'élément matériel constitutif de cette infraction en déterminant la nature d'une substance susceptible de causer un impact sur la santé. L'analyse chimique permet de rechercher et d'identifier les composés exogènes d'un produit alimentaire, cosmétique ou autre tandis que l'analyse toxicologique sera dédiée à l'étude d'impact sur la santé. 

 

Les pollutions environnementales

A l'instar de la recherche des substances exogènes dans un mélange, les infractions relatives aux atteintes à l'environnement doivent être matérialisées par l'identification précise des polluants et leur quantité comparée aux normes et législations environnementales en vigueur. Plusieurs types de matrices (sols, eaux de surface, eaux souterraines, boues) sont analysées dans cette perspective. Selon le niveau de dangerosité présumé, des interventions peuvent être également réalisées afin d'optimiser la phase de prélèvement des échantillons d'étude en assurant une sécurisation préalable des opérations (intervention lors d'accidents industriels, installations classées, prise en compte du risque NRBC etc).

 

 

Un rôle déterminant dans la gestion du risque NRBC

L’appellation « NRBC » est utilisée pour qualifier les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. Le risque lié aux agents explosifs a été pris en compte, en complément, à la suite des attentats du 11 septembre 2001 conduisant ainsi à l’acronyme actuel « NRBC-E ». L'exposition d'une population à de tels risques peut survenir suite à différents scénarii, qu'ils soient accidentels ou criminels (accident transport de matières dangereuses, accident installations classées, terrorisme etc). Dans le cadre de scène d’intérêt en ambiance dégradée, l’IRCGN a développé une expertise en partenariat avec la Cellule Nationale Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique de la Gendarmerie Nationale (C2NRBC) : GRoupe Investigation en milieu Dégradé : GRID.  L'unité d'expertise ACE a pour mission de réaliser l'analyse de produits inconnus, des prélèvements environnementaux ainsi que de façon plus générale, de participer à la mise en place du laboratoire projetable.

Le GRID est d'ailleurs inscrit dans la nouvelle circulaire 700 relative à la doctrine nationale d’emploi des moyens de secours et de soins face à une action terroriste mettant en œuvre des matières chimiques.

 

  

Toutefois, la prise en compte du risque NRBC ne se limite pas aux incidents dits majeurs. Chaque jour, des substances inconnues, potentiellement toxiques, sont abandonnées sciemment ou non sur la voie publique, exposant les populations à un risque non négligeable (courriers malveillants, abandon de stupéfiants etc). Ces découvertes font l'objet d'une procédure de levée de doute administrative, déclenchées par l'autorité préfectorale, dont l'objectif est de contenir le risque dans un périmètre de sécurité contrôlé avant de conclure à la dangerosité/impact de l'exposition. Une fois le doute levé, les analyses sont alors réalisées par un laboratoire du réseau national des laboratoires BIOTOX PIRATOX (RNLBP), dont l'IRCGN fait partie intégrante. Initialement identifié comme laboratoire criminalistique, l’IRCGN reconnu comme particulièrement dynamique et réactif sur cette thématique, a de plus intégré le réseau urgence du RNLBP depuis 2017. Enfin, deux personnels de l'IRCGN ont reçu une lettre de mission du SGDSN portant leur intégration au sein du conseil scientifique BIOTOX PIRATOX.

 

Une source d'information sur l'action criminelle

Il n'est pas rare que les recherches sur l'identification d'un auteur d'infraction soient infructueuses. Effectivement, les délinquants se révèlent de plus en plus imaginatifs pour effacer leurs traces notamment avec l'essor de la communication relatives aux méthodes d'action des forces de l'ordre. Cependant, au-delà de l'identification directe des individus, leurs comportements et habitudes lors de la commission des faits - dit mode opératoire - est une source d'information très riche à l'enquête judiciaire. Quelques thématiques maîtrisées au sein de l'IRCGN en sont le reflet.

     - L’analyse chimique des substances déversées pour effacer les traces latentes contribue à effectuer des rapprochements entre affaires judiciaires; 

     - L’analyse chimique des lubrifiants sexuels permet de démontrer le mode d'action d'un violeur ou d'auteur d'agressions sexuelles,

     - La comparaison de traces peut permettre de confondre un auteur ou d'effectuer des rapprochements entre faits.

     - L’analyse de substances lacrymogènes permet de mettre en évidence des actes de violence avec arme sur une victime ou par l'auteur des faits.

 

La chimie analytique des produits inconnus

La chimie analytique est une discipline scientifique définie comme l'identification et la caractérisation de substances chimiques. Elle joue donc un rôle essentiel dans de nombreux secteurs d'activité ou la majorité des analyses sont réalisées sur des produits cibles dits analytes. En criminalistique, la chimie analytique s'exerce avec une gymnastique intellectuelle particulière. En effet, comment révéler la présence d'une molécule d'intérêt dont on ignore la nature ?

La stratégie globale d'analyse d'un échantillon inconnu est basée sur une approche pluridisciplinaire et orthogonale se voulant la plus exhaustive possible. A défaut de pouvoir rechercher un composé cible, il va être question d'exclure un maximum de candidats.

De fait, les recherches de composés de nature organiques mettront en œuvre les couplages chromatographie et spectrométrie de masse, en phase gazeuse et liquide afin de balayer un large spectre de propriétés physico-chimiques des composés.

Les composés inorganiques seront révélés par des analyses en spectrométrie de masse à couplage inductif en mode d'injection liquide ou laser.

 

Un parc analytique de pointe

La caractérisation d'un échantillon inconnu au travers de sa composition chimique est un défi d'envergure qui nécessite un parc analytique à la pointe de la technologie. L’IRCGN dispose d'un véritable plateau analytique pluridisciplinaire récemment enrichi par l'acquisition de deux spectromètres de masse haute résolution. La détection de composés par cette technologie permet de caractériser une molécule par sa masse moléculaire (rapport masse / charge) avec quatre chiffres derrière la virgule. Au regard du milliard de molécules existantes, il est évident que se cachent des milliers de candidats potentiels derrière une masse de 230 alors que ce nombre de candidats diminuent progressivement vers les masses plus précises 230.2, 230.23, 230.234 puis 230.2346. L'apport de cette approche en haute résolution est un progrès majeur vers l'identification formelle de composés inconnus, mission qui ne peut être décorrélée du savoir-faire et de l'expérience en la matière des experts de l’IRCGN.

 

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