Investigations forensiques sur scènes d'explosions

  • Par Contributeur 380991
  • Publié le 29 juillet 2016, mis à jour le 13 juin 2023

Un engin explosif improvisé vient d’exploser. Les victimes sont nombreuses et les dégâts matériels importants (vitres brisées, bâtiments soufflés, incendies). Est-ce un accident ou une action criminelle ?

    

Rapidement, les premières informations doivent être portées à la connaissance des autorités judiciaires et administratives. Dans sa composante opérationnelle projetable, le département Environnement-Incendies-Explosifs de l’IRCGN est doté de moyens d’investigations lui permettant d’apporter sur le terrain les premiers éléments d’orientation d’enquête. Des tests colorimétriques d’orientation au spectromètre à mobilité ionique en passant par la spectrométrie proche infrarouge, tous ces équipements sont projetables pour récupérer le renseignement forensique le plus rapidement possible avant qu’il ne puisse être altéré ou détruit.

 

Fixation de la scène

Arrivés sur les lieux, les experts du département Environnement-Incendies-Explosifs vont tout d'abord fixer la scène d’explosion. Ils sont appuyés par les experts du département Signal-Image-Parole qui utilise le laser scanner 3D pour figer la scène dans l’espace. Cette opération leur permettra par la suite de replacer les indices dans la scène, de prendre des mesures et de se déplacer virtuellement sur la scène modélisée.

Pour plus de détails sur cette technique cliquez ici

  

Modélisation 3D d'un hangar après une explosion (à gauche) et vue schématique en coupe des caractéristiques d'un cratère (à droite)

        

En fonction de la configuration du terrain et de l’ampleur des dégâts matériels, des prises de vues aériennes peuvent également être réalisées en déployant cette fois le Vecteur Aérien d’Identification Criminelle (VAIC) au-dessus de la scène.

 

Origine de l'explosion ? Quantité de Charge ?

Un ratissage minutieux de la zone d’explosion est conduit pour collecter un maximum d’indices. Ces indices sont recherchés sur les lieux de l’explosion, à la base des obstacles naturels mais aussi dans un large rayon, fonction de la puissance de l’explosion sans jamais négliger la dimension verticale (toiture, végétation, arbre…). Une attention particulière est portée aux débris très fragmentés et/ou calcinés, aux débris vulnérants ayant pu être associés à l’engin pour valoriser ses effets (clous, vis, billes, pièces métalliques diverses), aux composants électroniques, électromécaniques ainsi qu’aux débris d’éléments pyrotechniques.

Les experts doivent désormais trouver l’origine de l’explosion, matérialisée, dans le cas d’un explosif condensé, par un cratère et des restes de l’engin explosifs improvisés (fragments de l’enveloppe, du dispositif de mise à feu). Pour un explosif condensé, la mesure du cratère, la nature du sol et les dégâts observés permettent une évaluation de la quantité de charge utilisée exprimée en équivalent TNT.

Pour déterminer la quantité de charge, les experts de l’unité d’expertise explosifs ont développé le logiciel E3 : Evaluation des Effets des Explosifs.

Interface du logiciel E3 développé par le département Environnement Incendie Explosifs

      

Développé par les experts au service des enquêteurs, E3 est un outil d’aide à l’estimation post-attentat de la quantité d’explosif mise en jeu à partir des dégâts observés. Il est utilisable également dans une démarche sécuritaire pour estimer les zones de dégâts prévisibles susceptibles d’être créées par une quantité d’explosif donnée.

  

Identification de la substance explosive : des méthodes colorimétriques à la spectrométrie proche infrarouge

Les méthodes colorimétriques utilisables sur le terrain

Très rapides à mettre en œuvre, les tests colorimétriques constituent une excellente méthode d'orientation de l'enquête. Les tests commerciaux dont disposent les experts permettent d'obtenir un balayage de l'ensemble des différentes familles d'explosifs. Ils mettent ​en évidence une substance organique ou minérale présente sur une scène d'investigation. Celle-ci peut alors être associée à une composition explosive déterminée. S’ils permettent une première orientation, ces tests devront être complétés par des analyses chromatographiques en laboratoire.

Exemples de tests colorimétriques disponibles dans le commerce

 

Explosifs de type nitroaromatique (désignation usuelle)

TNT
2,4DNT
2,6DNT
TNP
Tétryl

Explosifs de type nitroester (désignation usuelle)

Nitroglycérine
EGDN
Pentrite
Nitrocellulose

Explosifs de type nitramine (désignation usuelle)

RDX
HMX

Explosifs de type peroxyde organique (désignation usuelle)

HMTD
TATP
Représentation semi-développée de quelques explosifs organiques secondaires (liste non exhaustive)

Les techniques spectrométriques

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la menace terroriste contemporaine nécessite que les experts de scènes de crimes disposent d’équipements analytiques de terrain capables d’identifier de la matière suspecte (spectrométrie infrarouge, proche-infrarouge, Raman) ainsi que des traces d’explosifs (spectrométrie à mobilité ionique).

     La spectrométrie proche infrarouge

Utilisée dans l’industrie en contrôle qualité non destructif, la spectrométrie proche infrarouge possède de nombreux avantages pour les investigations sur le terrain notamment face à de la matière non identifiée. A la différence des spectromètres RAMAN, en proche IR, le spectromètre n’a pas de laser susceptible de générer un échauffement de la matière mais une lampe au Tungstène (longueur d’onde de 1600 à 2400 nm). Les absorptions ciblées sont des harmoniques des absorptions fondamentales situées dans le moyen infrarouge, les spectres ne possèdent donc pas de bandes d’absorbance nettes. Les méthodes chimiométriques (méthodes statistiques de structuration des résultats d’analyses) intégrées comparent le spectre ainsi obtenu à la bibliothèque de substances explosives de référence intégrée. L’avantage de la méthode réside dans la possibilité d’analyser un échantillon à travers un contenant et de comparer les spectres aux bases de données intégrées à l’équipement.

MicroPHAZIR de Polychromix commercialisé par la société Fondis electronic

 

     La spectrométrie à mobilité ionique

Les spectromètres à mobilité ionique, équipements légers, robustes, sensibles et nécessitant peu d’entretien, ont longtemps été basés sur une ionisation par source radioactive au 63Ni. Ce mode d’ionisation générant des contraintes radiologiques (sécurité, aérotransportabilité), de nouveaux équipements ont vu le jour, basés sur la photoionisation.

Les nouvelles générations de spectromètres à mobilité ionique sans sources radioactives sont facilement transportables par voie terrestre ou aérienne et donnent une capacité d’analyse de traces d’explosifs directement sur le terrain.

Le prélèvement s’effectue par frottis à l’aide d'un ticket qui est ensuite introduit dans l’équipement où il est chauffé pour désorber les molécules présentes en les vaporisant. Celles-ci sont entraînées dans la chambre d’ionisation, les ions ainsi formés sont guidés par un champ électrostatique jusqu’à l’électrode de collecte. Les espèces chimiques sont donc séparées en fonction de leur mobilité ionique (les plus mobiles arrivant le plus rapidement).

L’instrument analyse alors le spectre mesuré et en déduit les informations de mobilité, qu’il compare aux valeurs de mobilité connues des substances explosives.

Spectromètres à mobilité ionique sans source

   

Application tablette : Synthétiser le renseignement forensique directement sur le terrain pour orienter l'enquête

Aspect physique des explosions, identification chimique par techniques colorimétriques ou spectroscopiques, le large spectre des sciences et techniques mises en œuvres dans les investigations post-explosion a poussé les experts de l’unité d’expertise explosifs à créer une application tablette permettant sur le terrain, une fois les investigations réalisées, de collecter l’ensemble du renseignement forensique pour générer un premier rapport d’orientation d’enquête.

Exemples de fonctionnalités de l'application (renseignement caractérisation chimique et estimation des zones d'effets)

   

Sur le terrain, la détermination de la nature de la charge explosive, de la chaîne de mise à feu et l’estimation de sa masse permettent d’orienter in-situ les premières investigations des enquêteurs. Ces éléments devront bien sûr être confirmés par les analyses chromatographiques en laboratoire.

       

   

     

Sources

BEVRIDGE, Forensic Investigation of Explosions, second edition, 2011

J. YINON, Advances in analysis and detection of explosives, 1992

P.LEDROIT, D.GARDEBAS, Field colorimetric tests for the detection of explosives, IRCGN, Poster, 2006

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