En juillet 2019, les sénateurs Cédric Perrin et Jean-Noël Guérini publiaient un rapport d’information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées par le groupe de travail sur l’innovation et la défense. Huit mois après, ce rapport apporte encore des éléments essentiels à la compréhension de l'innovation dans l'environnement de la Défense...
Les rapporteurs soulignent en introduction le modèle de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), l’agence de l’innovation du ministère de la Défense des Etats-Unis d’Amérique : son mode de fonctionnement est agile (moins de 200 personnes, turn-over de 5 ans), supporté (budget de $3Mds par an), avec une culture de start-up (gout du risque, forte tolérance à l’échec) et un réseau important de collaborateurs (thèses, laboratoires universitaires, entreprises, recherche duale).
À l’inverse la France se caractérise par une instabilité de la recherche de l’innovation (changement de politique, outils de financement trop nombreux et inadaptés, etc.). Les financements n’expriment pas les besoins opérationnels de défense d’une manière claire pour les start-ups, PME et ETI civiles ; de surcroit la lenteur et la complexité de la procédure sont perçues comme des risques, et donc des freins supplémentaires ; enfin des directives ministérielles claires en matière d’expérimentations, de propriété intellectuelle et de participation au capital sont nécessaires. Bien que les marchés publics doivent être réformés (acceptation de l’échec, possibilité d’interruption, arrêt de la politique de « surspécification » et marge de manœuvre aux industriels, etc.), une meilleure connaissance des dispositifs agiles existants (concours, contrats exclus, procédure négociée, urgence, marché-conception, partenariat d’innovation etc.) est nécessaire.
Le rapport souligne l’inversement du modèle de la R&D du siècle dernier : aujourd’hui, c’est le monde militaire qui est abreuvée par des innovations tirées par un secteur civil, plus agile, et développées sur une période très courte ; d’où un intérêt stratégique pour l’Etat de financer les recherches à TRL de niveau 1 à 3 pour soutenir la prise de risque des innovateurs. Il est donc important de soutenir financièrement les universités et les start-up au détriment des grandes entreprises qui doivent se tourner non plus vers des PME « fournisseurs » mais « partenaires ».
Toutefois la France doit également financer les TRL de niveau 4 à 6et donc des démonstrateurs afin de garantir l’autonomie stratégique en conservant, ou attirant, des start-up sur le territoire national. La création d’un label et d’un fonds stratégique semblent apparaitre comme des solutions pour attirer les capitaux privés, mais également amplifier les plans d’actions gouvernementaux, réduire les délais de paiement, faciliter l’obtention d’avances et éviter la fuite des innovations. Ces efforts financiers doivent être en mesure de générer un retour sur investissement quand des perspectives d’exploitation ou d’exportation se concrétisent. Cette inversion du modèle, doit favoriser les services à adopter un fonctionnement « design to include », notamment en réduisant la procédure administrative nécessaire au déploiement de l’innovation. Toutefois, cela ne doit pas conduire à un désintérêt pour l’innovation interne et notamment un management de l’innovation centré sur les usagers, le « bottom-up » favorisant des retours sur expériences rapides.
Concernant les financements européens, les rapporteurs sont méfiants vis-à-vis du risque d’éviction des entreprises françaises au profit des entreprises des autres pays de l’Union Européenne et ils perçoivent un risque d’affaiblissement de l’écosystème de défense nationale.
Le rapport souligne l’importance de combiner « innovation planifiée » (grand programme, à long ou très long terme ou nécessitant un fort secret) et « innovation ouverte » (intégration et adaptation rapide de technologie civile) ; et de s’inscrire dans une démarche transverse et collaborative.
Enfin le rapport conclu en ces termes :
« L’innovation de défense sera un succès si elle s’inscrit dans le temps et devient l’avantage stratégique de demain. Pour cela, l’État doit être stratège, il doit planifier, réaliser innovation et infléchir la norme. ».
Le rapport, ainsi que la synthèse et ses annexes, sont disponibles librement sur le site du Sénat.
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