Les affrontements armés urbains au cœur de la préparation opérationnelle du GIGN

Face à l’émergence de nouvelles conflictualités sur le sol national, le GIGN et ses antennes ont axé leur cycle annuel de préparation opérationnelle sur la gestion des affrontements armés urbains. L’objectif ? Appuyer les unités de terrain si la situation l’exige.

Fin juillet 2016, à Persan, dans le Val-d’Oise, les émeutes font rage à la suite du décès d’Adama Traoré. La ville devient le théâtre d’un chaos sans précédent, où se mêlent cocktails Molotov, armes et violences. Sur place, les forces de l’ordre se mobilisent jour et nuit pour mettre fin à ce que certains qualifient de véritable « guérilla urbaine ». Parmi elles, le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), appelé en renfort. L’unité, généralement engagée sur des missions de contre-terrorisme ou de prise d’otages, dispose de moyens et d’une expertise précieux face à un tel durcissement des modes d’action adverses.

Mais ce ne sera pas la dernière fois que l’engagement de l’unité sera envisagé sur de tels événements, comme l’ont démontré les affrontements urbains à Dijon en 2020 et à Blois en 2021. L’augmentation des violences constatées en maintien de l’ordre et en sécurité publique a conduit le GIGN à mener une réflexion d’ampleur : comment ses capacités tactiques et techniques peuvent-elles être employées pour valoriser l’action des unités de gendarmerie en matière de rétablissement de l’ordre ?

Pour y répondre, le GIGN central et ses 14 antennes ont consacré leur cycle de préparation opérationnelle 2021 aux affrontements armés urbains. En lien étroit avec le Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) et la Direction des opérations et de l’emploi (DOE), ils ont conçu un programme ambitieux, combinant une approche théorique (doctrine, emploi des forces) à des mises en situation pratiques à Saint-Astier, au contact des escadrons de gendarmerie mobile.

Anticipation et interopérabilité

« Le choix du thème s’inscrit dans l’esprit du GIGN 3.0 : répondre aux besoins de la gendarmerie, actuels et à venir. Pour l’année 2021, nous avons donc choisi les affrontements armés urbains, car les modes d’action adverses se durcissent, comme on l’a constaté à Persan en 2016 ou à Blois et à Dijon l’an dernier, mais également en outre-mer, particulièrement à Mayotte, où l’AGIGN développe une vraie expertise dans le domaine », précise le colonel David, commandant en second du GIGN.

La finalité de cette formation est de préparer les forces d’intervention spécialisée (GIGN central et ses 14 AGIGN) à des scenarii de rétablissement de l’ordre de haute intensité. Il s’agit d’agir en anticipation, plutôt qu’en réaction. L’entrée en vigueur du Schéma national de maintien l’ordre (SNMO) a été le facteur déclenchant.

Si l’engagement du GIGN est prévu de longue date par les textes, il devenait important de décliner la doctrine et de tester l’intégration du GIGN dans une manœuvre globale de rétablissement de l’ordre. Le but n’est pas de se substituer aux unités dédiées à la gestion de l’ordre public, mais bien d’agir en complémentarité et en cohérence. « En cas d’affrontements armés urbains, le GIGN agira sous le commandement du chef de la force publique. L’unité doit s’adapter au cadre de l’action pour appuyer efficacement les unités sur le terrain. C’est la force du GIGN, indique le commandant en second. Comme de nombreux autres domaines d’action, l’interopérabilité des procédures entre les acteurs a été au cœur des échanges. »

Apporter une plus-value à la manœuvre

En cas d’intervention du GIGN central ou de ses antennes lors d’un affrontement armé urbain, ceux-ci mettraient donc leurs savoir-faire à disposition des unités sur le terrain. « En matière de rétablissement de l’ordre, le renseignement est un des axes d’effort de la gendarmerie, tant pour la conduite de l’opération, qu’à des fins judiciaires. L’incrimination pénale des auteurs de violences participe à la réussite de l’opération. Nous avons donc éprouvé nos capteurs humains et techniques au cœur des affrontements, lors des exercices à Saint-Astier. » Le GIGN dispose, par exemple, de capacités de renseignement à distance, utiles en présence potentielle d’explosifs type barricade piégée. Grâce aux chiens « dirigement », formés au guidage laser, les unités de maintien de l’ordre peuvent être renseignées sans exposer inutilement des militaires au danger. Dans le même esprit, l’emploi des moyens blindés du GIGN est utile pour protéger les gendarmes, en complément des VBRG (Véhicules Blindés à Roues de la Gendarmerie). La protection blindée offre un vrai appui à la manœuvre.

De même, la contre mobilité a fait l’objet d’une réflexion spécifique avec le CNEFG au cours du semestre. Pour lutter efficacement contre les phénomènes de « rodéos » en zone urbaine, ou les tentatives de percussion des forces de l’ordre, le GIGN a étudié comment neutraliser rapidement le véhicule en cause ou lui interdire l’accès à une zone.

Bien évidemment, les unités du GIGN sont en mesure d’interpeller un tireur isolé ou d’extraire des personnes vulnérables dans un compartiment de terrain exposé aux feux de l’adversaire.

Un emploi en situation dégradée

« Les capacités d’action du GIGN ne sont plus cantonnées au contre-terrorisme. L’unité doit savoir répondre aux besoins opérationnels de la gendarmerie, selon le sacro-saint principe de subsidiarité. C’est l’ambition du GIGN 3.0. On l’a vu sur les traques récemment, on le voit désormais dans les situations de rétablissement de l’ordre qui le justifient. L’objectif est de répondre présent dans l’ensemble des situations dégradées auxquelles l’institution est confrontée », insiste l’officier.

Le GIGN et ses antennes n’ont pour autant pas vocation à s’engager dans toutes les opérations de rétablissement de l’ordre. La mobilisation des unités d’intervention spécialisée (I.S.) demeure conditionnée à des niveaux de dangerosité et de complexité caractérisés. Afin d’apporter une réponse adaptée, deux niveaux d’engagement ont été définis. L’engagement des AGIGN constitue le premier niveau, à travers le Dispositif d’intervention augmenté de la gendarmerie (DIAG), qui offre une capacité d’intervention robuste et réactive à l’échelon zonal. L’engagement du GIGN central peut être justifié dans les situations de très haute intensité, caractérisées par la menace d’armes de guerre.

Travailler en partenariat

Ce cycle de préparation opérationnelle a favorisé l’approche partenariale entre les acteurs institutionnels. Ainsi, le commandement des forces aériennes de la gendarmerie a participé activement aux différentes séquences. Les commandants de Groupement tactique de gendarmerie (GTG), déplacés à Saint-Astier, ont intégré des sections d’intervention dans leur manœuvre avec les Escadrons de gendarmerie mobile (EGM). Les commandants de Groupement de gendarmerie départementale (GGD) confrontés à de tels événements ont partagé leurs retours d’expérience.

Les contributions de la cellule veille stratégique du GIGN ont permis d’échanger avec les unités européennes du réseau Atlas sur ce thème et d’anticiper certaines menaces vécues par des unités étrangères. « On s’est inspiré de phénomènes de violences urbaines survenues sur le continent américain, comme au Brésil. Le thème des affrontements armés urbains est actuellement étudié par la plupart des unités d’intervention européennes. »

S’entraîner au plus proche de la réalité

Le GIGN déployé à Saint-Astier, cela ne s’était pas vu depuis longtemps. Si les militaires du GIGN s’y rendent régulièrement à titre individuel, le Groupe ne s’était jamais entraîné au maintien de l’ordre au CNEFG. Un programme spécifique a été bâti sur la base des thèmes existant dans le cadre du stage de Perfectionnement et d’évaluation de la capacité opérationnelle (PECO). Mais la formation a débuté avant même les sessions en Dordogne, par l’organisation d’un séminaire à Satory, pour approfondir les sujets liés au commandement, comme l’emploi de la force ou la coordination des actions, et identifier les spécificités liées à l’engagement de l’I.S. dans les affrontements urbains. Ont ensuite été organisées, au sein du CNEFG, quatre sessions, au cours desquelles l’ensemble des forces ont réalisé trois cas concrets : une opération ultramarine avec des tirs contre les forces de l’ordre, une situation de chaos caractérisée par l’usage d’armes de guerre par l’adversaire et l’attaque d’une brigade de gendarmerie en ambiance nocturne, et, enfin, une action terroriste au cours d’une manifestation pacifique.

Le travail a volontairement été axé sur des scenarii dégradés, avec des adversaires employant des modes d’action différents des situations classiques de violences urbaines : utilisation de véhicules pour effectuer des percussions ou encore usage d’explosifs, dimension terroriste… Les exercices habituels du CNEFG ont été enrichis sur la base des expertises dont dispose le GIGN sur les théâtres d’opérations extérieures, afin d’éprouver les « process » à des modes d’action adverses durcis.

Toutes les composantes du GIGN ont suivi la formation concernant les affrontements armés urbains. Au cours des différents exercices, les problématiques ont pu être identifiées et les modes d’action améliorés, de façon à être parfaitement coordonnés le jour J. Ces nouveaux savoir-faire seront régulièrement entretenus pour rester en phase avec les besoins opérationnels de la gendarmerie.

Actualités


Les affrontements armés urbains au cœur de la préparation opérationnelle du GIGN

Face à l’émergence de nouvelles conflictualités sur...

Visite du ministre de l’Intérieur au GIGN

Le ministre de l’Intérieur, monsieur Gérald Darmanin, s’est...

Prise de commandement du général de brigade Ghislain Réty au GIGN

Le général Ghislain Réty s’est vu remettre le commandement...