En « filoche » avec le GOS de la SRTA

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 09 septembre 2024
© GOS SRTA

Créé en 2017, le Groupe d’observation et de surveillance (GOS) de la Section de recherches des transports aériens (SRTA) mène de nombreuses missions au profit d’unités de gendarmerie et de police, sur la zone aéroportuaire bien sûr, mais le plus souvent au-delà, avec une capacité de projection sur tout le territoire national.

Roissy, aéroport de Paris-Charles de Gaulle, terminal 2E. L’avion en provenance de São Paulo est à l’heure. L’un des passagers ne le sait pas, mais il a le droit à un comité d’accueil conséquent, mais très discret. L’homme en question est ce qu’on appelle une mule, baptisée « M », qui transporte des produits stupéfiants in corpore, c’est-à-dire ingurgités sous forme d’ovules, pour être ensuite expulsés par voie naturelle. Un pion sans importance dans le jeu des narcotrafiquants, qui accepte ce rôle ingrat et dangereux pour quelques centaines d’euros et une semaine tous frais payés dans la capitale.

Autour de la voie circulaire de l’aéroport, véritable manège permanent, les voitures du Groupe d'observation et de surveillance (GOS) de la Section de recherches des transports aériens (SRTA) de Paris-Charles de Gaulle sont en place. « M » sort du terminal, monte dans un taxi. « Véhicule identifié, on se met dans le game et on le lâche plus », lance le major S., chef du GOS, sur l’audioconférence sécurisée. La « filoche » commence…

« Il nous faut absolument l’hôtel ! »

Une heure plus tôt, dans les locaux de la SRTA. Le colonel Cédric Gervais, qui commande l’unité de recherches, les enquêteurs et les membres du GOS peaufinent ensemble les derniers détails de la mission. Ce dossier, suivi depuis le début de l’année par la SRTA, a pour nom de code SAMPA. Le major S. en rappelle les grandes lignes : « Nous avons un ou plusieurs collecteurs qui récupèrent de la cocaïne auprès de mules brésiliennes, dans des hôtels de la plaque parisienne. Nous parvenons très vite à identifier un collecteur récurrent, nommé Dora, parce qu’il a toujours un sac à dos. Les gens qui ont des enfants auront la référence. La mule « M », signalée par un criblage d’un partenaire étranger, puis confirmée par la consultation du système API-PNR1, pourrait correspondre à notre organisation. L’objectif, c’est de faire le lien entre cette mule et l’un des protagonistes identifiés, à savoir Dora, ou bien Oxmo et Poussin, deux autres collecteurs potentiels qui pourraient avoir repris l’activité. Le temps 1, c’est donc la prise en compte de « M » dès son passage à la douane, puis à la sortie de l’aéroport, afin de localiser le point de chute. Il nous faut absolument l’hôtel ! Temps 2, si c’est favorable, on tente la pose d’une TSE 1 (Technique spéciale d’enquête, NDLR) dans la chambre, autorisée par la juge et validée par le Pôle des techniques spéciales d’enquête (PTSE)2»

Le taxi dans lequel « M » a pris place quitte la rampe circulaire, direction Paris. À tour de rôle, les véhicules de la SRTA suivent la voiture, qui se faufile dans le trafic dense de l’autoroute A1. Le conducteur le plus proche énumère les repères kilométriques et visuels pour communiquer aux autres sa position, et indique chaque changement de file de la cible. Il est impératif de ne pas manquer la sortie, et de se méfier de tout ralentissement brusque, ou arrêt intempestif, qui pourrait être un « coup de sécurité », que le chauffeur tenterait pour vérifier qu’il n’est pas suivi.

La filature se déroule sans difficulté, jusque dans le dédale de rues d’une commune de la région parisienne, où la présence de feux tricolores, de passages piétons, de vélos, de trottinettes, rend la manœuvre délicate. Le taxi s’arrête à proximité d’un hôtel. La mission se poursuit à pied.

À son arrivée à l’hôtel, « M » patiente à la réception, le temps que la chambre soit prête. Cette attente permet aux membres du GOS de disposer de suffisamment de temps pour poser la TSE 1. Pendant toute la durée de son séjour « touristique » à Paris, les conversations téléphoniques de « M » seront surveillées, ses déplacements observés. Mais il ne sera pas interpellé, même en cas de contact avec le collecteur. « On travaille sur de la « crim' org' » (criminalité organisée, NDLR), rappelle le major S. Notre objectif est de remonter les échelons pour définir une hiérarchie et la matérialiser par des preuves en s’appuyant notamment sur le dispositif de livraison surveillée. Tant qu’on parvient à monter plus haut, on continue les missions d’O.S. (Observation Surveillance), mais si on voit qu’on bute sur un niveau, la juge et le directeur d’enquête peuvent décider de procéder à l’interpellation. On montera alors un dispositif pour interpeller le collecteur en flagrant délit, une fois qu’il aura le produit. Il est prévu de faire un point avec la juge en octobre, mais nous avons déjà assez d’éléments pour « habiller » Dora dans la procédure. »

« Un GOS comme les autres »

Le dossier SAMPA fait partie de ceux pour lesquels le GOS est engagé au profit de son unité, la SRTA. Cela représente l’essentiel de son activité. Le groupe répond également aux sollicitations d’autres unités de recherches de la gendarmerie, des offices centraux et des gendarmeries spécialisées, qui font régulièrement appel aux deux GOS présents dans la région : celui de la SRTA donc et celui d'Île-de-France (GOSIF). À la demande des magistrats, le GOS SRTA travaille parfois avec la police nationale, comme récemment sur un important trafic de stupéfiants. « C’est une opportunité pour les unités de gendarmerie et de police de disposer d’un capteur sur les aéroports afin de pouvoir suivre un flux, et donc construire une stratégie judiciaire en profondeur permettant de démanteler un trafic avec tous les commanditaires, estime le colonel Gervais. Nous offrons cette capacité de suivi aux enquêteurs et aux magistrats. »

« Nous couvrons tout le spectre, avec une grande diversité de missions, même si les stups constituent une grande part de notre activité, ajoute le major S. Mais nous avons aussi travaillé récemment au profit de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), sur un trafic de faux médicaments contre le cancer. Il peut également arriver qu’on surveille un criminel de guerre présumé au profit de l’Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine (OCLCH). Lorsque nous sommes sollicités, j’évalue la faisabilité et la pertinence, et le commandant de la SRTA valide ou non l’appui. »

Contrairement aux idées reçues, y compris au sein de la gendarmerie, le GOS de la SRTA ne travaille pas uniquement dans l’aéroport et aux alentours, bien au contraire. « Nous sommes un GOS comme les autres, insiste le chef de l’unité. La particularité de nos missions, c’est qu’elles commencent souvent à l’aéroport, où nous disposons de tous les accès. C’est une excellente accroche O.S., parce que les « targets » arrivent à un endroit précis, à une heure précise. Mais nous passons finalement très peu de temps sur la zone aéroportuaire. Les missions se poursuivent le plus souvent sur la plaque parisienne, mais nous avons une capacité de projection sur tout le territoire national. »

Créé en 2017, le GOS de la SRTA compte actuellement quinze personnels, afin de pouvoir remplir deux missions simultanément, puisqu’au minimum quatre ou cinq militaires prennent part à une mission, avec deux ou trois voitures et une moto. L’unité dispose de nombreux moyens techniques, notamment des appareils photo numériques de pointe, des jumelles à vision nocturne, ainsi qu’une imprimante 3D permettant de créer des objets servant à dissimuler les capteurs, qu’il s’agisse de micros, de caméras ou de balises.

« Il s’agit d’une petite équipe, et cela implique une forte polyvalence, estime le colonel Gervais. Nous avons besoin de gens rapidement opérationnels et autonomes, si possible avec une première expérience en GOS. Nous souhaitons continuer à monter en compétences pour coller à une délinquance de plus en plus organisée, de plus en plus fermée. Nous entretenons pour cela des liens de confiance avec les autres unités qui font de l’O.S., comme la Force observation recherche (FOR) du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) bien sûr, mais aussi les autres GOS, de façon à pouvoir travailler sur un grand rayon d’action et assurer un suivi complet des malfaiteurs. »

1 Le système API-PNR France permet le traitement automatisé des données de réservation (PNR) et des données d'enregistrement et d'embarquement (API) collectées.

2 Le Pôle des techniques spéciales d’enquêtes fait partie de la Sous-direction de la police judiciaire (SDPJ) de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

Des premières interpellations

À la suite d’un évènement majeur dans le dossier SAMPA, la direction d'enquête a été contrainte en urgence de déclencher une vague d’interpellations sur une branche de l'organisation. Plus de 80 000 euros en espèces, 14 kilogrammes d'ovules de cocaïne et du matériel de conditionnement ont notamment été saisis. L’enquête sous commission rogatoire suit son cours.

 

 

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