Criminalité en outre-mer : la gendarmerie adapte sa réponse capacitaire

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 03 avril 2023

Réunis en séminaire à la Direction générale de la gendarmerie nationale, au début du mois de mars 2023, les commandants de Sections de recherches (S.R.), les officiers-adjoints chargés de la police judiciaire (OAPJ) et les chefs de Sections d'appui judiciaire (SAJ) affectés en outre-mer ont pu échanger avec leurs camarades de la Sous-direction de la police judiciaire (SDPJ) sur l’évolution de la criminalité dans les territoires ultramarins, et les réponses à apporter.

Comme l’a rappelé le général de division Lionel Lavergne, commandant de la gendarmerie d’outre-mer (CGOM), en clôture du séminaire qui a regroupé les officiers et sous-officiers de la communauté Police judiciaire ultramarine, à la Direction générale de la gendarmerie nationale, « l’outre-mer est au centre des préoccupations de l’ensemble des autorités de l’État, et la gendarmerie nationale est en première ligne de la stratégie spécifique de la France dans ces territoires, notamment sa composante de police judiciaire, qui occupe une place prépondérante. »

Plusieurs outre-mers

L’observation de l’évolution de la criminalité en outre-mer permet d’identifier trois facteurs principaux : l’importance du trafic de stupéfiants des Antilles vers la métropole ; le phénomène de bandes d’origine étrangère, notamment en Guyane et à Mayotte, dans la commission des faits les plus graves ; une criminalité économique et financière, avec des atteintes à la probité. « Mais il faut bien comprendre qu’il n’y a pas un, mais plusieurs outre-mers, indique le lieutenant-colonel Philippe, du Bureau criminalité organisée et délinquance spécialisée (BCODS), à la Sous-direction de la police judiciaire (SDPJ) de la gendarmerie nationale. Les problématiques ne sont en effet pas les mêmes aux Antilles ou à Mayotte. »

C’est dans le « bassin Atlantique » que la criminalité est la plus organisée. En Guyane, on assiste à la montée en puissance d’une délinquance exogène, en provenance du Brésil et du Surinam essentiellement. Le phénomène se répète aux Antilles, avec des Haïtiens, des Dominicains et des Saint-Luciens. « Il y a autour de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Martinique, des pays qui connaissent de graves difficultés économiques et sociales, décrit le LCL Philippe. Pour les délinquants venus de ces pays, la vie n’a pas la même valeur qu’en France. On a donc affaire à une criminalité de plus en plus violente, avec une hausse des atteintes aux personnes liées aux différentes formes de délinquance ; ce phénomène est aggravé par des trafics d’armes importants. En Guyane, on constate ainsi que cette violence n’est plus uniquement liée à l’orpaillage, mais gagne désormais les villes comme Kourou et Cayenne, avec une hausse des atteintes aux biens et aux personnes. »

Les Antilles et la Guyane sont ainsi devenues des zones de transit privilégiées des cartels pour le trafic de cocaïne, auquel participent des populations endogènes, recrutées notamment en tant que mules. Les trafiquants utilisent les nombreuses liaisons, qu’elles soient maritimes ou aériennes, de commerce ou de loisirs, pour « saupoudrer » la France et l’Europe de cocaïne. « Tous les vecteurs sont intéressants pour faire entrer leur marchandise, et cela reste très difficile à contrôler, poursuit l’officier supérieur de gendarmerie. Il faut du renseignement de qualité. »

Dans l’océan Indien, la situation est tout autre. « À Mayotte, l’État est confronté à une délinquance très violente, là aussi en grande partie exogène, venue des Comores, mais on ne peut pas parler véritablement d’une criminalité organisée, hormis les réseaux de passeurs », considère le lieutenant-colonel Philippe. À La Réunion, le trafic de stupéfiants est une réalité, mais il est essentiellement zonal, avec Madagascar et l’Île Maurice, et impacte peu la métropole.

Enfin, dans le Pacifique, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le trafic s’opère aussi principalement sur le bassin géographique, et il s’agit essentiellement d’Ice, une drogue de synthèse qui pose de graves problèmes de santé publique. « Mais là encore, on ne peut pas considérer qu’il y ait une criminalité organisée présentant un danger pour l’équilibre de la société, comme en Guyane, aux Antilles, ou dans certaines zones de la métropole. »

S’attaquer aux causes

Des problématiques et des territoires différents donc, qui nécessitent une adaptation permanente de la réponse capacitaire, mais avec un même leitmotiv : s’attaquer aux causes.

« On ne peut pas traiter uniquement les conséquences, insiste le LCL Philippe. Il faut donc identifier ces réseaux criminels. Pour cela, il faut adopter une approche pluridisciplinaire, reposant sur des missions de renseignement criminel et des capacités d’investigations adaptées, en associant sur chacune de ces phases des techniques spéciales d’enquête. Lorsqu’un réseau est identifié, on va prioriser, en adaptant le curseur avec trois degrés de réponse : un dispositif permanent et pérenne ; un renforcement d’un Comgend, par le biais d’une task force, pour traiter un phénomène, avec une modularité pour passer de l’observation surveillance à l’investigation, puis à l’intervention ; enfin, l’envoi plus ponctuel d’enquêteurs de métropole, sur un dossier spécifique, au travers notamment de la création d’une cellule nationale d’enquête, comme ce fut le cas récemment au bénéfice du Comgend de Guadeloupe. »

Autre enjeu pour la gendarmerie en outre-mer : adapter les profils des gendarmes au terrain. « Le Groupe d’appui et de renseignements (GAR) de Cayenne ne peut pas être composé comme celui de Papeete, estime l’officier supérieur de la SDPJ. Il faut tenir compte des spécificités de chaque territoire, et affecter ou détacher des gendarmes qui le connaissent. Par exemple, des lusophones en Guyane. Sans doute faut-il aussi des gendarmes qui s’inscrivent dans le temps long sur un même territoire, pour qu’ils en soient réellement imprégnés, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres régions de métropole. »

Identifier les causes, organiser la réponse avec des renforts qui conviennent au besoin, et des profils adaptés au terrain, mais aussi faire évoluer les stratégies d’enquête en poussant trois leviers : développer les techniques d’enquête avec des moyens matériels et humains ; décloisonner le renseignement, en opérant des rapprochements avec les pays étrangers concernés ; lutter contre les infrastructures logistiques et technologiques de cette délinquance, comme l'utilisation de réseaux de téléphonie chiffrée. Les réponses aux défis posés par la criminalité organisée en outre-mer sont donc tout à la fois d’ordre organisationnel, humain, technique et juridique.

 

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