Trois délégations européennes invitées à un exercice de criminalistique en conditions radiologiques réelles

  • Par Lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 30 novembre 2022
© SIRPA-G BRI T. DOUBLET

Retour sur un exercice réalisé en conditions de contamination réelle, avec utilisation de matière radioactive, qui s'est déroulé devant des représentants venus de Hongrie, du Portugal et de Finlande, dans le cadre de la coopération européenne.

Chaque année, le GRID (GRoupe d’Investigations en milieu Dégradé) de l’IRCGN (Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale) organise et coordonne, dans les locaux du CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique et aux énergies alternatives) de Saclay, un exercice européen de criminalistique et d’identification de victimes NRBC.

Réalisé en conditions de contamination réelle, avec utilisation de matière radioactive, cet exercice a pour but le maintien en condition opérationnelle des unités, le renforcement de l’interopérabilité, mais aussi et surtout la démonstration des actes forensiques réalisés par la gendarmerie française en matière d’identification de victimes et d’autopsie, devant des représentants de pays européens, présents dans le cadre de la coopération européenne. Des observateurs venus cette fois-ci de Hongrie, du Portugal et de Finlande.

Agir au cœur de la zone contaminée

Ils sont médecins légistes, experts en odontologie, chargés de l’identification des victimes ou des scènes de crime (équivalent des TIC), et tous sont venus pour enrichir leurs connaissances sur l’identification des victimes en milieu contaminé réel.

Ce jeudi 17 novembre, c’est donc avec attention que les neuf personnels (quatre Portugais, deux Finlandais et trois Hongrois) observent la scène qui se déroule devant eux. À plusieurs mètres, en zone contaminée, dite zone rouge, des corps de mannequins en plastique sont disséminés un peu partout sur le sol en béton et une voiture au coffre ouvert laisse apparaître des crânes.

Pour l'entraînement, l’ensemble de cette zone a été contaminé avec un liquide radioactif, à un niveau défini par les règles de radioprotection. « Ce n’est pas le dosage qui est important, mais simplement le fait que l’on puisse être contaminé. C’est cela qui montre s’il y a eu ou non un problème », explique le lieutenant Arnaud, de l’Unité d’investigations et d'identification (UII), de l'IRCGN, chargé de l’organisation.

Sous les yeux des délégations européennes, les personnels de la F2NRBC (Force nationale Nucléaire Radiologique Biologique Chimique) font leur entrée en premier. Avec leur matériel, ils cartographient les « points chauds », lieux où la contamination est la plus forte. Une fois cette cartographie réalisée, c’est au tour des experts de l’IRCGN d’intervenir sur la zone pour réaliser la modélisation 3D de la scène puis, directement sur place, certaines analyses et prélèvements. Un procédé caractéristique du fonctionnement des experts de la gendarmerie française. « Ce qui change par rapport à d'autres pays, c’est que nous avons un laboratoire que nous projetons directement sur le terrain, avec des profils plutôt experts et non des gens polyvalents. L’avantage avec la présence d’experts, c’est qu’on va pouvoir pousser le plus possible les analyses sur place. Sur la partie tri et priorisation, l’expert va savoir si le support est analysable, s’il y a un intérêt technique. Et ça, c’est vraiment l’intérêt, parce que plutôt que de perdre du temps à faire toutes les analyses qui ne sont pas possibles, on va vraiment cibler des analyses pertinentes, pour avoir une réponse la plus rapide et intéressante possible. »

© SIRPA-G BRI T. DOUBLET

Une façon de travailler qui diverge de celle d’autres pays, qui envoient plutôt des personnels polyvalents qui rapportent ensuite aux experts les éléments. Une différence qui intéresse beaucoup les experts européens présents sur l’exercice. « Ici, ils font le travail directement dans la zone contaminée, pour essayer d’identifier les victimes et de sortir l’ADN, et ça, c’est tout à fait différent des sites sur lesquels on travaille ou sur lesquels il n’y a pas de contamination », explique un expert portugais.

Ce savoir sur l’identification des corps et sur les autopsies en zone contaminée NRBC est l’une des expertises de la gendarmerie nationale au niveau international. « Récemment, nous avons conduit des essais en laboratoire, qu’on appelle des CMX-7 (7th Collaborative Materials Exercises), qui  sont, à la base, de l’analyse de matière nucléaire. 26 pays ont participé à cette expérimentation, où, en plus, il y avait des indices contaminés. C’est le FBI qui organisait la partie criminalistique. On a donc fait les essais et quand les résultats sont tombés, nous avons reçu les félicitations du FBI parce qu’on se situait parmi les meilleurs résultats obtenus. C’est une sorte de neutralité de jugement, parce que ce sont des essais inter-laboratoires et une sorte de reconnaissance agréable », conclut en souriant le lieutenant.

SIRPA-G E. VIVES SERVERA

Le DVI : un groupe de travail d’experts européens

La venue de ces trois pays sur un exercice réalisé par la France n’est pas une nouveauté. Depuis près de 10 ans, un groupe de travail européen, regroupant les spécialistes de l’identification criminelle de toute la zone U.E. a été mis en place. Appelé DVI Europe (Disaster victim identification), il est dirigé par un président (actuellement le Portugal) et un vice-président (actuellement la gendarmerie française), qui changent tous les deux ans. Mis en place sous le contrôle de la Commission européenne, son financement est en partie assuré par le CEPOL (Collège Européen de Police). Les spécialistes qui en font partie se réunissent deux fois par an au travers d'exercices et de comités restreints, pour observer les évolutions de chacun en matière d’identification criminelle et faire évoluer ensemble ce domaine. « Les Hongrois nous ont invités l’année dernière sur un exercice NRBC, ce qui nous a permis de voir ce qu’ils font et de transposer certaines informations, et inversement. Avec les Finlandais, qui ont peu d’expérience dans ce domaine, l’objectif de leur présence est de partager notre expérience pour qu’ils puissent la transposer à leur modèle. » Une transposition qui doit prendre en compte les réglementations du pays qui la met en place, mais également la formation des personnels. Un point également abordé entre les unités européennes.

Le groupe de travail DVI Europe réalise également des échanges de compétences avec des pays situés en dehors des frontières de l’Europe, qui possèdent, de par leur histoire et leur position géographique, des connaissances différentes en matière d’identification des victimes. « Il y a plusieurs années, le département empreintes digitales est par exemple parti en Asie après le tsunami, pour travailler sur les corps. À cette occasion, ils ont vu que les experts locaux utilisaient une sorte de pinceau avec un réservoir. Un outil tout bête, qui coûte 5 euros, que l’on utilise pour le maquillage, avec une poudre et des étiquettes autocollantes en papier. Ils se sont rendu compte que c’était beaucoup plus facile que ce qu’on utilisait, à savoir l’encre et le relevé décadactylaire qu’on effectuait sur les corps. Depuis, ils ont acheté cet équipement avec lequel ils travaillent. On forme également tous les TIC de France à ces nouvelles techniques sur les corps. C’est vraiment gagnant-gagnant. C’est ça l’objectif ! »

Ces échanges de compétences et la connaissance sur les process de chacun permettent à ces unités spécialisées de travailler en interopérabilité sur de potentielles catastrophes. Ce fut le cas en 2015, après le crash de l'avion de la Germanwings. L'adjudant-chef Olivier, membre de l’UII et co-organisateur de l’exercice, y était. « Il y avait 18 nationalités différentes, notamment beaucoup d’Espagnols et d’Allemands, mais aussi des représentants des pays concernés, qui sont venus pour faciliter les échanges de données. Donc c’est vrai que les connaître en amont, cela facilite grandement les choses. »

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