Maréchal des logis-chef Frédéric : en première ligne lors du drame de Saint-Just

  • Par Capitaine Marine Rabasté
  • Publié le 13 juillet 2021
© Thomas Goisque - Le Figaro Magazine

Dans la nuit du 22 au 23 décembre 2020, un forcené a abattu trois gendarmes de la compagnie de gendarmerie d’Ambert. Arrivé sur les lieux quelques minutes après le début de l’intervention, le maréchal des logis-chef Frédéric revient sur cet événement tragique.

Saint-Just, un nom qui restera gravé dans les mémoires de tous les gendarmes. Dans la nuit du 22 au 23 décembre 2020, trois militaires de la compagnie de gendarmerie départementale d’Ambert y ont été abattus lors d’une intervention. Au cœur du Puy-de-Dôme, cette petite commune d’à peine 200 habitants est, ce soir-là, devenue le théâtre d’un véritable chaos. Pendant plusieurs heures, sous les tirs d’un forcené lourdement armé, les gendarmes ont tout mis en œuvre pour mettre fin à ses agissements. Parmi eux, le Maréchal des logis-chef (MDC) Frédéric, affecté au Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) d’Ambert. Il a été l’un des premiers arrivés sur les lieux du drame.

« Quand on est appelé, on ne se pose pas de questions »

Ce 22 décembre, le MDC Frédéric est en permissions, une pause bien méritée pour le militaire ! Mais le répit sera finalement de courte durée. «  À 22 h 06, un camarade a posté un message sur le groupe Whatsapp du PSIG. Il disait qu’une intervention risquée était en cours et demandait le maximum de renfort. » Malgré le peu d’éléments, le MDC Frédéric décide de prêter main-forte à l’équipe d’astreinte. Quelques minutes seulement après l’alerte, il prend la route avec d’autres militaires du PSIG pour rejoindre Saint-Just.

« Il faut un chef de dispositif »

« Lorsqu’on arrive à l’entrée du village, trois brigadiers sont présents. On entend directement cinq ou six détonations. À la radio, l’adjudant-chef nous dit qu’avec Arno (gendarme adjoint volontaire du PSIG, NDLR), ils sont en train de se faire tirer dessus. » Rapidement, les militaires se transportent et ripostent pour permettre l’évacuation de leurs deux camarades. Après avoir demandé à deux gendarmes de les mettre en sécurité et de leur prodiguer les premiers soins, il retourne sur l’avant du dispositif pour prendre l’appui. « À ce moment-là, j’essaie de joindre le lieutenant pour mettre en place le dispositif. Mais impossible, il ne répond pas. La situation est chaotique. » Il prend alors le commandement du dispositif et met en place un bouclage avec les militaires dont il dispose.

« On est obligé de décider quelque chose »

Dans la tête du MDC Frédéric, tout va très vite. « Il y a une femme victime, une population à évacuer et j’ai des gars qui sont exposés au danger. Il faut faire quelque chose et vite. Je mets donc en place un bouclage et avec quatre autres camarades, je fais un bond avant, pour gagner du terrain et permettre l’évacuation de la population. » À l’issue de cette manœuvre, les militaires font face à une terrible découverte. « Au sol, on voit le lieutenant et Rémi, couchés au sol. On veut leur porter secours, mais on se rend compte qu’ils sont décédés. » Malgré ce drame, la mission doit continuer. Face au danger manifeste, ne pouvant tenir la zone, le MDC Frédéric décide de faire décrocher son équipe et d’attendre les renforts. Quelques minutes plus tard, il apprend le décès d’Arno. Il est à peine minuit, trois militaires sont décédés et un autre est blessé.

À l’arrivée des renforts, le MDC Frédéric fait le point sur l’état des hommes qu’il a commandés. « Saint-Just est isolé de tout et difficile d’accès. Nous sommes restés seuls durant presque deux heures. À une heure du matin, lorsque les renforts sont suffisants, je décide alors d’extraire mes gars du dispositif. On arrive à nos limites physiques et psychologiques. » Ce n’est toutefois qu’à 8 heures que les militaires rejoindront leurs familles, inquiètes de ne pas avoir de nouvelles. Entre l’intervention et la sécurisation de la caserne à l’issue, la nuit a été longue pour les gendarmes, qui n’ont pas toujours eu l’opportunité d’avertir leurs proches de la situation.

« J’ai fait ce que j’avais à faire »

Six mois après, l’émotion est encore très vive dans la voix du MDC Frédéric. « J’ai perdu mon jeune (Arno, NDLR), mon lieutenant et Rémi lors de cette intervention. Quand on laisse trois gars sur le terrain, c’est très dur. »

Pour le militaire, difficile de ne pas se refaire le film de cette nuit-là. « A posteriori, on se dit qu’on aurait pu faire différemment, qu’on aurait pu mieux faire. Mais finalement, quand on y réfléchit, on a fait tout ce qu’on a pu. »

Ce 22 décembre, son rôle était loin d’être facile. « J’ai pris des décisions pour le bien de la mission, mais c’est compliqué. J’ai placé des gars dans le dispositif en n’étant pas sûr de les revoir. » La gestion de l’intervention est primordiale, mais il faut également gérer l’Humain. Ne transmettre ni ses doutes, ni ses craintes. « Il a fallu prendre les différences de chacun pour en faire une force. Sur place, j’ai ressenti la charge mentale du patron ! Aujourd’hui, la responsabilité est ce qui me pèse le plus. »

Un héros du quotidien

Cette nuit du 22 décembre, l’engagement du MDC Frédéric a été total. Il a perdu trois de ses camarades, mais son action a sûrement permis d’éviter bien pire. Ce n’était pas la première fois qu’il avait affaire à un homme armé. Mais aucune situation ne se ressemble et à chaque fois, il prend des risques. Lorsqu’il part en intervention, il laisse derrière lui une famille qui attend son retour, parfois avec angoisse. Le métier de gendarme n’est pas un métier comme les autres. Les dangers auxquels ils s’exposent, jusqu’au sacrifice de leur vie parfois, font d’eux des héros du quotidien, et le MDC Frédéric en est un.

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