Guyane : des femmes gendarmes luttent contre l'orpaillage illégal

  • Par la capitaine Gaëlle Pupin
  • Publié le 19 décembre 2018
© EGM 42/2 de Guéret

Pour la première fois, des sous-officiers de gendarmerie féminins ont été engagés au sein de l’opération Harpie avec leur escadron de gendarmerie mobile. Elles ont eu trois mois loin de la métropole, dans la jungle, pour faire leurs preuves.

En 2015, trois « escadrons-test » expérimentaient, pendant un an, l’intégration de sous-officiers féminins au sein de leurs effectifs. À l’issue, la direction de la gendarmerie nationale prenait la décision de généraliser cette expérience concluante, ouvrant ainsi totalement les portes de la gendarmerie mobile aux femmes.

Deux ans plus tard, les sous-officiers féminins des escadrons 42/2 de Guéret, 25/3 de Cherbourg-en-Cotentin et 34/7 de Troyes sont à leur tour des pionnières, puisqu’elles participent pour la première fois à l’opération Harpie, une mission se déroulant exclusivement en forêt. Cette opération interministérielle française, menée conjointement, depuis une décennie, par les forces de gendarmerie et les Forces armées en Guyane (Fag), a pour objectif de lutter contre l’orpaillage illégal.

Une semaine pour se préparer en métropole

« En un peu plus d’un an en escadron, j’ai eu l’occasion d’effectuer différents déplacements et de découvrir des missions très diversifiées, en zones d’affluence saisonnière ou de sécurité prioritaire, mais aussi en maintien de l’ordre à Paris, Bure et Notre-Dame-des-Landes, explique Ophélie, de l’EGM de Guéret. Mais la Guyane est mon premier outre-mer. »

Pour Cloé, du même escadron, et pour Sophie, affectée à l’EGM de Cherbourg, l’expérience est d’autant plus marquante qu’il s’agit de leur tout premier déplacement, suscitant, de fait, de nombreuses interrogations, auxquelles une préparation d’une semaine au sein de leurs escadrons respectifs a pu en partie répondre.

« Nous avons été sensibilisés sur les nombreux risques sanitaires, les conditions climatiques et les animaux, plus ou moins dangereux, que nous pouvions être amenés à rencontrer. Nous avons également été formés au secours au combat. Différentes listes nous ont été fournies pour nous aider à préparer notre paquetage, de la trousse à pharmacie aux différentes tenues à emporter. J’ai tout de même eu quelques hésitations quant aux affaires que je devais prendre". Cloé.

Sophie, qui découvre par la même occasion l’intégration et la vie de mobile, ajoute : "Pour le reste, le commandement et mes camarades m’ont aidée à préparer au mieux ce déplacement ».

Trois jours pour apprivoiser le terrain en Guyane

Après un dernier check-up auprès de l’antenne médicale pour les vaccins, l’ensemble des effectifs s’envole pour la Guyane. À leur arrivée, les gendarmes mobiles perçoivent leur « lot forêt » : sac, hamac moustiquaire, hamac filet, bâche, mousquetons, bouts, touque, gourde et quart.

Avant de commencer leurs missions, l’antenne GIGN de Cayenne leur dispense un enseignement « sur le terrain », en forêt, pendant trois jours. « Cette immersion nous a tout de suite plongés dans le bain, reconnaît Ophélie. J’ai énormément appris pendant ces quelques jours. Je n’en garde que des bons souvenirs. » Cours de secourisme au combat, montage de bivouac, moyens radio et GPS, comment faire son sac à dos, sauter d’une pirogue en mouvement, faire un feu, mises en situation…

« Cette semaine m’a semblé bien plus bénéfique qu’en métropole, car nous étions dans les vraies conditions de la forêt, encadrés par des gendarmes qui y partent régulièrement », ajoute Émeline, de l’EGM de Guéret. « Le climat chaud et humide donne tout de suite l’ambiance, confirme Cassandre.

 

Plusieurs stages (forêt,quad, pirogue) permettent d’appréhender plus sereinement la progression en forêt.

© EGM 42/2 de Guéret

Lors des marches, on sent rapidement la différence, d’autant que le terrain est loin d’être plat ! » Un stage pirogue leur permet également d’acquérir les bases pour évoluer sur les cours d’eau. « Une formation nécessaire, mais un peu courte pour naviguer sereinement, notamment sur le lac de Petit Saut, qui présente de multiples obstacles, estime Mathilde, de l’EGM de Troyes. Un stage de quad d’une journée permet en outre d’appréhender le terrain et le maniement de l’engin, même si ces enseignements n’ont pas pu être mis en pratique en raison des pluies. »

Sitôt leur préparation terminée, les gendarmes sont répartis sur l’ensemble du territoire, de Saint-Laurent-du-Maroni, au Nord, jusqu’à Maripasoula, au sud, afin de remplir au quotidien l’intégralité des engagements des forces de gendarmerie dans le cadre de la mission Harpie.

Trois mois de missions exigeantes

Qu’il s’agisse de postes opérationnels avancés, de postes de contrôles fluviaux, ou de patrouilles, l’action des gendarmes mobiles participe à la lutte permanente contre l’exploitation aurifère clandestine. « Les projections en forêt sont les plus exigeantes, explique Cloé. Elles nécessitent une attention constante, notamment pour vérifier en permanence où nous mettons les mains et les pieds. »

Mathilde se souvient de sa première mission : « Je me suis rendu compte dès les premiers kilomètres que la forêt dense dominait et que nous étions totalement dépendants de ce milieu. Nous avons dû surmonter différents obstacles, des troncs couchés, des marécages et des passages de coupures humides, en suivant une ligne de vie tendue entre chaque berge, et ce avec de l’eau jusqu’au ventre et le sac sur le dos. »

L’essentiel des efforts opérationnels porte sur la destruction des sites et des moyens de production aurifère illégaux, cachés au cœur de la « selva ». Cet objectif est confié à des patrouilles locales ou autonomes conjointes avec les Fag, mais aussi avec des agents de l’office national des forêts, du parc amazonien de Guyane, des douanes ou encore de la police aux frontières.

« Nous avons effectué plusieurs missions de reconnaissance de zone à la recherche d’orpailleurs illégaux. Ce fut très enrichissant, tant sur le plan professionnel que personnel. Évoluer dans un milieu hostile tel que la forêt amazonienne est une expérience assez unique. Il faut savoir faire abstraction de son rythme de vie quotidien, observer et être à l’écoute de ses besoins corporels, afin de ne pas se mettre en difficulté. D’où l’importance de bien préparer et vérifier son matériel. » Sophie.

Toutes ces militaires reconnaissent l’importance de travailler en contact avec les Fag, dont elles ont découvert avec intérêt les méthodes de travail. « Les voir réussir à nous conduire sur des sites, seulement à partir de la découverte de quelques branches cassées ou de traces de boue sur les feuilles, est impressionnant », ajoute Émeline.

Les efforts opérationnels portent sur la destruction des sites de production aurifère illégaux.

© EGM 42/2 de Guéret

Les patrouilles s’effectuent à pied. Toutefois, l’éloignement des zones à fouiller nécessite parfois un départ en hélicoptère ou en pirogue. La progression doit rester discrète. « Les garimpeiros mettent souvent des sonnettes en amont de leur site. Prévenus, ils cachent tout, ou laissent tout en place et s’enfuient », explique Cassandre.

Les réseaux d’approvisionnement en matériaux et en vivres des garimpeiros sont l’autre cible des opérations Harpie. Cette mission nécessite de surveiller les sentiers d’approvisionnement et les cours d’eau, en installant notamment des barges de contrôle de pirogues, en repérant les lieux de déchargement des vivres et des matériels, en prenant contact avec les habitants, etc.

« À Saut-Maman-Valentin, un poste de contrôle fluvial, notre objectif était de contrôler toutes les pirogues qui souhaitaient passer : identités, marchandises, permis bateau, etc. Nous étions cinq gendarmes, ce qui nous a permis d’effectuer régulièrement des missions en forêt, sur un ou plusieurs jours, avec les Fag, pour aller “taper” des sites d’orpaillage. Lors de ma dernière opération, le but était d’intercepter des mobylettes, des quads ou des étrangers en situation irrégulière susceptibles de passer. Nous avons aussi fouillé les environs pour trouver des caches de marchandise illégale. Nous avons monté la garde toute la nuit et le lendemain matin nous sommes rentrés en pirogue. » Ophélie.

105 jours pour faire leurs preuves

« Nous sommes attendues au tournant sur les missions forêt. » L’impression de Cloé est presque unanimement partagée. Bien qu’elles estiment faire le même travail que leurs camarades masculins, ces gendarmes reconnaissent s’être posé plus de questions sur le fait de davantage subir physiquement, de ralentir le groupe…

« Les marches en forêt sont très éprouvantes, reconnaît Ophélie. Il faut être fort mentalement. Je m’entraîne régulièrement en métropole, mais l’effort demandé en Guyane n’est pas le même. C’est parfois très dur. Il faut verrouiller son cerveau et continuer à avancer. »

Pour elles, la féminité n’est pas une problématique. Tous les personnels sont confrontés au même dépaysement et la condition féminine se fait rapidement oublier : « Dormir dans un hamac en écoutant les bruits de la forêt, manger sa ration sous une pluie diluvienne en se demandant ce qu’on fait là, se casser la figure dans la boue, chercher des caches dans la “ pampa ”… »

Mathilde confirme : « Cette mission est révélatrice de sa capacité physique mais aussi de sa force mentale. C’est une expérience éprouvante, mais qui m’a permis de dépasser mes limites. »

« Pour autant, évoluer en tant que seule femme dans un groupe d’hommes demande quand même une adaptation de chaque instant et une certaine force de caractère, note Sophie. Du fait de la féminisation encore récente de la gendarmerie mobile, chacun doit encore s’adapter et trouver sa place. »

La plus belle des récompenses pour Mathilde : « Lorsque mon commandement et mon binôme forêt m’ont exprimé leur satisfaction quant au travail accompli. Pas en tant que femme… mais en tant que jeune gendarme ! »

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