À Kourou, le chef d’escadron Nicolas Millery assume trois casquettes
- Par le capitaine Tristan Maysounave
- Publié le 27 septembre 2024
Affecté à Kourou depuis le 1er août 2023, le chef d’escadron Nicolas Millery décrit son quotidien de commandant de compagnie, d’officier de liaison et d’officier centralisateur du renseignement.
Mon commandant, pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
J’ai effectué des études d’histoire à Dijon, au cours desquelles j’ai notamment pu étudier la Maréchaussée au XVIIIe. Titulaire d’un master 2, j’ai rejoint l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) en 2011, après avoir réussi le concours universitaire. J’ai choisi la dominante sécurité routière et à l’issue de la scolarité, en 2013, j’ai pris le commandement du Peloton motorisé de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var). En 2017, j’ai rejoint l’Escadron départemental de sécurité routière (EDSR) de Saône-et-Loire en tant que second, puis commandant en titre. J’ai ensuite commandé l’EDSR des Bouches-du-Rhône de 2021 à 2023, avant de prendre le commandement de la compagnie de gendarmerie départementale de Kourou le 1er août de la même année.
Pouvez-vous présenter votre compagnie ?
La compagnie de Kourou est la plus petite des trois compagnies de Guyane mais la troisième plus grande de France. Sa taille est comparable à celles de l’Île-de-France. Elle est également la compagnie du département la moins peuplée, avec environ 60 000 habitants. Contrairement aux autres compagnies du territoire, elle ne dispose pas de frontières terrestres avec d’autres pays.
Armée par 115 personnels, la compagnie de Kourou est composée de quatre Brigades territoriales autonomes (BTA), qui se situent le long de la route nationale 1, d’un Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG), d’une Brigade de recherches (B.R.), d’une Brigade motorisée (B.Mo.) et d’une Maison de protection des familles (MPF). La compagnie s’est également dotée d’un groupe équestre depuis le 1er janvier 2024.
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Un poste permanent, armé par trois gendarmes mobiles et un gendarme en Mission de courte durée (MCD), est également implanté à Saint-Élie, en pleine forêt équatoriale, afin de Lutter contre l’orpaillage illégal (LCOI). Il implique la mise en œuvre d’une organisation particulière puisqu’une heure de route, une heure de pirogue et enfin une heure de piste sont nécessaires pour s’y rendre.
La compagnie devrait connaître une augmentation de ses effectifs ces prochaines années, avec la création annoncée de la brigade de Montsinéry, dans le cadre du plan de création des 239 nouvelles brigades de gendarmerie annoncé par le président de la République.
Sur le territoire de la compagnie sont implantés plusieurs sites sensibles. En premier lieu le Centre spatial guyanais (CSG), mais également le barrage hydroélectrique de Petit-Saut, qui permet de fournir les deux tiers des besoins en électricité du territoire guyanais.
Dans quelle mesure le poste de commandant de compagnie de Kourou est-il atypique ?
Même si j’assure les responsabilités classiques d’un commandant de compagnie (domaine opérationnel, ressources humaines, etc.), mon poste présente plusieurs spécificités. La première particularité est celle de l’outre-mer, qui induit une élongation conséquente de la compagnie et une liberté d’action plus large. On travaille donc d’une manière différente de celle que l’on connaît en métropole, en recourant plus fréquemment au téléphone et aux mails et en laissant plus d’autonomie aux commandants de brigade. Dans les différents postes que j’ai occupés, j’ai toujours laissé de la liberté d’action aux commandants d’unité. Ça ne me coûte pas et ça s’applique assez bien aux spécificités de la compagnie et plus généralement à celles du département.
En outre, le niveau de délinquance auquel nous sommes confrontés est également hors norme. Nous recensons 3 500 crimes et délits à l’année sur la compagnie, ce qui est conséquent rapporté à la population. Mais la spécificité réside surtout dans la part importante des crimes dans le total des crimes et délits. En 2023, nous avons constaté 17 homicides. Les vols à main armée sont également nombreux. Le point positif est que nous ne ressentons pas ce niveau de délinquance dans nos vies personnelles.
J’ai également à traiter de certains sujets qui n’existent qu’en Guyane, à l’image de la LCOI. À cela s’ajoute la sécurisation du CSG, avec ce que cela implique en termes de sensibilité scientifique, militaire et stratégique. Cette sécurisation se fait physiquement dans le cadre des dispositifs Orchidée et Titan, mais également par la recherche du renseignement. Il s’agit de ma deuxième casquette. En effet, je suis officier centralisateur du renseignement. Je suis chargé de centraliser l’ensemble des renseignements collectés par les opérateurs présents en Guyane qui peuvent intéresser l’intégrité du CSG. Cette fonction permet notamment de déterminer le degré de sensibilité de chaque lancement en lien avec la préfecture et les différents cercles du renseignement.
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Vous êtes-vous préparé spécifiquement à ce poste ?
Le poste de commandant de compagnie implique d’apprendre beaucoup de choses, même s’il s’agit de mon troisième TC2 (temps de commandement de niveau commandant de compagnie ou équivalent). Le domaine spatial est un sujet spécifique et technique qu’il faut aborder avec humilité et motivation. Sachant que j’étais muté à Kourou, je me suis documenté en lisant des numéros de Ciel & Espace. J’ai également travaillé sur l’histoire de la conquête spatiale, du Centre national d'études spatiales (CNES) et sur l’environnement spatial international. Je me suis intéressé aux lanceurs, à Space X, aux différentes agences… Il s’agit d’un domaine particulièrement enrichissant. J’ai toujours possédé un télescope, c’est un sujet auquel je me suis toujours intéressé, mais je ne pensais pas que ça me servirait (rires). Le fait de côtoyer quotidiennement les responsables du CSG et la galaxie de personnes qui travaillent sur le site permet également de maîtriser de mieux en mieux le sujet.
Quels sont vos interlocuteurs ?
Mes interlocuteurs sont essentiellement les chefs de service, les sous-directions et éventuellement le directeur du CSG. Auparavant, il existait un poste d’officier de liaison au sein de la compagnie chargé de faire le lien entre la gendarmerie et le CSG. Ce poste a été remplacé avec la création d’un poste d’adjoint en plus des postes de commandant de compagnie et de second. En tant que commandant de compagnie, j’assure donc également le rôle d’officier de liaison, fonction particulièrement intéressante et importante. Je fais le lien sur le fonctionnement du CSG et son avenir. Il est nécessaire que la gendarmerie suive les projets de près car ceux-ci ont un impact sur l’évolution des effectifs et des matériels.
J’entretiens des relations permanentes avec mes interlocuteurs. Je rencontre au moins une fois par semaine les référents protection du site. Je participe également à des réunions très institutionnelles, notamment lors de la phase de préparation d’un lancement ou à l’approche du Canopée, le navire en charge de transporter les pièces détachées destinées au CSG entre la métropole et la Guyane.
Que retirez-vous de cette expérience ?
Professionnellement, c’est le poste le plus prenant, surprenant et enrichissant que j’ai jamais occupé, qu’il s’agisse des situations rencontrées, du niveau de délinquance ou des spécificités liées à l’outre-mer et plus particulièrement à la ville de Kourou. Les conditions de travail et la vision qu’on peut avoir de la gendarmerie sont différentes de celles de la métropole.
La mutation en outre-mer a fait l’objet d’une réflexion préalable mûrie en famille. Nous souhaitions vivre une aventure nous apportant un enrichissement personnel et culturel. Nous ne regrettons pas notre choix. La vie est particulièrement agréable à Kourou, y compris pour les familles. Certaines choses peuvent être déroutantes mais participent à notre enrichissement, qu’il s’agisse du climat ou des relations avec la population. On vit très bien. Avec ma famille, nous sommes en train de passer les plus belles années de notre vie.
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