Mort de Seamus Ruddy: un cold case vieux de 32 ans

  • Par l'aspirant Morgane Jardillier
  • Publié le 31 mai 2017
Médecin légiste, anthropologue, odontologue et expert en empreintes génétiques de l’IRCGN se sont réunis au sein du plateau médico-légal pluridisciplinaire pour établir le profil génétique de Seamus Ruddy.
© PJGN

Des restes humains ont été découverts, le 6 mai 2017, en forêt de Bord, dans l’Eure. Les ossements retrouvés ont été identifiés comment étant ceux de Seamus Ruddy, un ex militant nord-irlandais.

Qu’est-il arrivé à Seamus Ruddy ? Cette histoire ne se comprend que dans le contexte du conflit nord-irlandais. Seamus Ruddy fait partie de ceux que l’on appelle « les disparus de l’Irlande du Nord », un groupe de militants évanouis dans la nature pendant le conflit opposant les catholiques et les protestants. Ancien militant républicain irlandais, l’activiste se réfugie à Paris en 1983, alors que son pays est en proie à une lutte sanglante. Deux ans après son arrivée, il est enlevé, torturé et tué par un groupe de miliciens radicaux. Son assassinat est revendiqué par l’armée de libération nationale irlandaise (INLA), une faction dissidente de l’armée républicaine irlandaise (IRA), mais sa dépouille n’est pas retrouvée.

Coopération franco-irlandaise

La famille de Seamus Ruddy, comme beaucoup d’autres, a longtemps insisté auprès des autorités irlandaises et britanniques afin que toute la lumière soit faite sur l’exécution dont ont été victimes ces jeunes militants. L’accord de paix signé en 1998 a ainsi instauré, entre autres, la création d’une commission indépendante pour la localisation des restes des victimes (ICLVR). Son but : tenter de retrouver la trace de ces activistes, essentiellement connus comme les « disparus », tués dans le plus grand secret par des paramilitaires membres de l’IRA.

Cette même commission est à l’origine des recherches. « Les fouilles ont été réalisées pour la troisième fois par les Irlandais à la suite d’une autorisation administrative délivrée dans le cadre d’une coopération entre les autorités irlandaises et françaises », confie le chef d’escadron Sylvain Jouault, commandant la compagnie de Louviers. Un policier irlandais détaché à l’ambassade d’Irlande à Paris a d’ailleurs fait office d’intermédiaire entre la gendarmerie et les différentes autorités.

Le 6 mai 2017, des ossements humains ont été découverts dans la foret de Bord.

© Cie Louviers

Un crâne et des ossements retrouvés

Le 6 mai 2017, dans la matinée, des ossements humains ont été découverts dans la forêt de Bord. Une enquête a été ouverte sous l’autorité de Mme le procureur de la République d’Évreux afin de confirmer les causes de la mort et l’identité du défunt. Les investigations nécessaires ont été réalisées par les enquêteurs de la compagnie de Louviers, avec l’appui de la Cellule d’identification criminelle (CIC) de la gendarmerie d’Évreux. Les Irlandais ont, quant à eux, continué d’effectuer les recherches sous la supervision de la CIC. « Le rôle de la CIC est de contrôler l’activité des archéologues irlandais présents pour excaver les ossements, puis de réaliser leur saisie et leur transmission à l’Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale (IRCGN) », explique le chef d’escadron.

Seamus Ruddy a pu être identifié après l’extraction de l’ADN des dents.

© PJGN

« Faire parler » les ossements

Seamus Ruddy a pu être identifié après l’extraction de l’ADN des dents figurant parmi les restes humains retrouvés dans la forêt. Médecin légiste, anthropologue, odontologue et expert en empreintes génétiques de l’IRCGN se sont réunis au sein du plateau médico-légal pluridisciplinaire afin d'arrêter ensemble la meilleure stratégie à adopter, laquelle a conduit à l'établissement du profil génétique de Seamus Ruddy. « Il était primordial, avant de procéder à tout acte technique, de prendre les mesures conservatoires nécessaires à la préservation des traces.

Dans l'hypothèse où les ossements présents auraient été ceux d'une autre personne, d'autres questions sur les circonstances de la mort nous auraient été posées », explique le lieutenant-colonel Nicolas Thiburce, commandant la division criminalistique identification humaine de l’IRCGN. Le médecin légiste a ainsi réalisé un scanner de l’ensemble des scellés. L’anthropologue a, quant à lui, placé les éléments morphologiques des différents restes humains de manière à s’assurer qu’il s’agissait d’une seule et même personne. L’odontologue a pris les mesures conservatoires en effectuant des radios des éléments dentaires présents. L’expert en génétique s’est ensuite accordé avec les spécialistes sur les prélèvements adéquats.

C'est sur la base des éléments dentaires que le profil ADN a été établi : « Concrètement, les dents sont broyées, réduites à l’état de poudre, permettant ainsi d’extraire de l’ADN et d’établir un profil. » En moins de 24 heures, les personnels de l’IRCGN ont ainsi rendu leur rapport d’expertise aux autorités irlandaises, confirmant les présomptions de la justice française et de l’ICLVR. Affaire classée.

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